« Vivre deux culture » de Bertrand BADIE. Ou « Comment peut-on naître franco-persan ? » L’auteur est un éminents penseur de la géopolitique du monde, un monde qui bascule sous nos yeux, Il nous livre son histoire personnelle et les liens entre cette histoire et la formation de sa pensée sur le sujet. Une évocation émouvante de sa famille, de son père arrivé en France en 1928. Un jeune homme et sa famille pleins d’espoir dans la modernité incarnée à l’époque par la société française. Une société qui brillait de ses intellectuels, ses institutions, ses principes, son enseignement…

Réussites, succès, mais aussi rejet, moqueries, humiliations [1] vont ponctuer le chemin d’intégration de cette famille. Une famille cosmopolite au sein de laquelle le jeune Bertrand Badie va trouver sa voie. Entre Orient et Occident. Entre Sud et Nord, disons-nous aujourd’hui.

Une vie, une œuvre dont je me sens très proche, dans mon origine Sud-Nord et mon parcours sur les relations entre ces deux espaces.

Un hymne à l’altérité

Le professeur Badie commence son ouvrage par une immense reconnaissance à son père, venu d’Iran. Un immigré ayant subi les affres du racisme dans sa vie professionnelle et sociale en France. Le jeune Bertrand a lui aussi connu ce rejet. Traité de « bicot-youpin » (alors qu’il est issu d’une famille convertie au protestantisme), il est profondément marqué par ces « tourments quotidiens ».

Il montre comment il a surmonté ces humiliations. Aujourd’hui il assume d’une façon heureuse son origine persane. Mais aussi son statut de Français qu’il doit à sa mère, une femme du Nord de la France, dont il est également fier. Il revendique pleinement son statut d’enfant de sang mêlé. Une « fierté » de sa double origine, évoluant vers une « sérénité », selon ses termes.

De cette force personnelle, Bertrand Badie fait une arme de connaissance et de compréhension des relations internationales. (p 13) « A force d’ignorer l’altérité, on rendait celle-ci ingérable et on précipitait le système international dans un tourbillon de violences et de mépris, dans une conflictualité désordonnée (…). »

Cette identité multiple, le met totalement en phase avec le monde d’aujourd’hui. Avec la multiplicité de ses acteurs et de ces faces.

Le mépris, le désir d’humiliation n’ont pas toujours existé

Bertrand Badie nous rappelle que les « guerres d’autrefois » (en Europe à tout le moins) opposaient des dirigeants qui se pensaient égaux entre eux. L’humiliation s’est installée avec la domination d’une partie du monde sur le reste de la planète, qui ne date que de quelques siècles.

« Comment l’Europe a divergé du reste de l’humanité à la fin du moyen-âge… ? » pouvons nous nous demander ? Voir ==> ICI quelques réflexions sur ce sujet qui prend une importance brulante à l’heure du recul de la domination absolue de l’Occident sur le reste du monde. Recul qui est aussi un des sujets de travail de Bertrand Badie.

Car c’est cette domination absolue, cette hégémonie totale d’une poignée de sociétés du Nord (que l’on désigne sous le terme « d’Occident ») qui a été source de ce mépris humiliant au service de politiques de domination. On en trouvera un exposé particulièrement puissant, appliqué à la société américaine, dans l’ouvrage de Sylvie Laurent « Pauvre petit blanc ». Voir la note de lecture qui en est faite ==> ICI

Contradictions !

Mirages de l’occidentalisation, mirages de l’universalisme, du développement, de la modernité… Ces mots fétiches brandis par les élites occidentales à l’adresse de leurs sociétés et du reste du monde ne tiennent pas leurs promesses.

Des promesses ! Mais la porte ne s’ouvre que très difficilement pour ceux qui débarquent au Nord, venant du Sud ! L’intégration dans les sociétés occidentales de personnes venant des pays dominés pose, pour les individus qui s’y risquent, des défis et contradictions immenses. Voir sur ce point : Migration : un champ de contradictions ==> ICI

L’attitude des élites du Sud devant la marche forcée vers une modernité largement importée du Nord, a été marqué par ces contradictions auxquelles le père de Bertrand Badie n’avait pas échappé. Comme le fait d’associer, au sein d’une même personne, humanisme, dignité humaine et respect des droits d’une part, acceptation d’un régime autoritaire d’autre part. Associer développement et modernité avait été le défi de cette génération.

Aujourd’hui, les idées qui soutiennent les termes de développement, de modernité sont épuisées. Et aucune nouvelle valeur positive ne vient donner du sens aux engagements des générations actuelles.

La gauche et le colonialisme

La perte de sens tient largement, selon moi, à l’effondrement de la pensée progressiste qui se manifeste sur tous les continents, au Sud comme au Nord [2]. L’incapacité à penser l’Autre du Sud comme égal tient une large part dans cet échec [3].

Bertrand Badie rappelle qu’en France, le mépris tranquille pour l’être du Sud a été porté par Jules Ferry. Un responsable politique progressiste (Républicain, il a scolarisé tous les enfants de France) qui a été, dans le même temps, le champion de la colonisation française au nom du « devoir » d’étendre les Lumières sur les « races inférieures ».

Cette contradiction à ne pas voir l’Autre du Sud comme sujet égal continue jusqu’à aujourd’hui de miner le mouvement progressiste. Un mouvement qui s’était déjà fracassé sur la Guerre de libération de l’Algérie. Puis sur l’immigration. Puis sur le conflit Israélo-Palestinien…

Le basculement actuel du monde qui met fin au caractère absolu de la domination occidentale met à nu ces contradictions. L’attitude des « puissances occidentales » face à la guerre de l’automne 2023 qui oppose Palestine et Israël en est une illustration dramatique.

Un profond écho à mon histoire personnelle

Ces lignes de Bertrand Badie résonnent en moi fortement. Également « enfant de sang mêlé », j’ai connu dans l’Algérie pétrie d’esprit colonial, déchirée par la guerre d’Indépendance, l’humiliation que les dominants de l’époque, les « Français d’Algérie », déversaient au quotidien sur tout ce qui n’était pas eux. Vu de mes yeux d’enfant, cette haine et ce mépris se déversait sur ma famille, sur mon père, mes frères et sœurs, sur moi.

L’humiliation. Mais aussi les assassinats qui, comme des milliers de familles algériennes, nous ont touché intimement. Celui du cousin de mon père, Amokrane Ould Aoudia [4], avocat de FLN à Paris. Celui de son frère, mon oncle Salah Ould Aoudia [5], inspecteur de l’Education nationale.

Une évocation des origines de la famille paternelle de Bertrand Badie

Celui-ci est fier de venir d’une famille cosmopolite. Très cosmopolite ! La famille compte en son sein neuf religions, cinq nationalités différentes. Elle est présente sur trois continents. Une famille paternelle dont le berceau est la ville de Hamadān, dans la partie Ouest de l’Iran actuel. Une ville à l’histoire millénaire, qu’Alexandre le Grand aurait conquise. La ville accueille notamment la tombe d’Ibn Sinâ (Avicenne) qui y est né au XI° siècle. Tant d’autres faits témoignent de sa longue et prestigieuse histoire. Une histoire persane, à la fois singulière et entremêlée avec celles des sociétés russe, turque, indienne, arabe qui l’entourent.

Dans la famille, on s’identifiait comme venant de Perse plutôt que d’Iran. Pour marquer la profondeur historique de ses origines. Mais aussi le caractère « importé » de la modernité qui avait poussé le Shâh à officialiser le nom d’Iran en 1935. Une modernité « subie » selon les termes de l’auteur.

Une conversion

Au début du XX° siècle, la famille s’était convertie au protestantisme. Sous le prosélytisme de missionnaires presbytériens américains. Ceux-ci mêlaient habilement convictions religieuses et stratégie de domination au service de leur pays d’origine. Sauver des âmes d’un côté, former de nouvelles élites sur lesquelles garder la main de l’autre. Comme ce fut le cas des autres christianismes en Amérique Latine, en Afrique, en Océanie, en Asie. Voir « La Bible et la Terre. Colonisation en Afrique (et ailleurs) » ==> ICI

Pour la famille de Bertrand Badie, cette conversion ouvrait la porte à des écoles performantes et bien dotées. Et un possible départ pour les contrées où se vivaient les religions chrétiennes, religions des pays dominants.

Au demeurant, la majorité de la famille est restée dans un « agnostisme discret mais ferme » (p 29).

Des études de médecine, l’engagement dans la Résistance du jeune chirurgien

Mansour, le père de Bertrand se lance avec passion dans l’étude de la médecine, prolongeant la tradition familiale. Il est médecin à Paris dans plusieurs hôpitaux. Il se donne totalement à son métier. La Guerre le rattrape. Jeune chirurgien, il s’engage dans des actions de Résistance qui lui vaudront la Légion d’Honneur en 1945, attribuée par un décret signé par le Général de Gaulle.

Encore et malgré tout étranger !

Malgré cet engagement, malgré les témoignages qui lui virent des milieux médicaux et de Résistants, le droit de s’installer comme chirurgien en France lui fut refusé. Au motif qu’il était encore et malgré tout étranger ! Une négation de son être, que ce jeune homme avait construit autour de la France, de la Médecine, de la Liberté. Effondrement de son rêve pour ce Persan qui avait tout fait pour s’intégrer dans le pays de France. Une infamie qui laissera des traces brulantes sur cet homme. Et que son fils Bertrand ressentira toute sa vie.

Mansour va épouser Geneviève, fille de famille bourgeoise de Soissons

Les deux jeunes adultes se rencontrent et décident de s’unir dans le mariage. Bertrand Badie décrit les réticences d’une partie de la famille « d’elle », devant un mariage qui introduit un étranger venant de si loin dans le giron familial classique et protégé. Les parents de la jeune femme se montrent ouverts, à la condition que les règles religieuses du catholicisme soient strictement respectées. Notamment pour l’éducation des enfants à venir. Mais l’évêque refuse d’accueillir en la cathédrale de Soisson la cérémonie du mariage. Celui-ci sera célébré dans la petite église d’un village proche.

De Soissons à Hamadān

Et de nous inviter au voyage au pays du mari. Où la famille entière, les amis, les voisins, accueillent le fils prodige et la femme qu’il a ramené d’un lointain et mystérieux pays. Geneviève est accueillie avec une immense bienveillance. Elle se laisse emporter par la chaleur de cette intégration dans la famille de son mari. Mais la misère qu’elle découvre lui fait renoncer à l’idée de s’établir en Iran avec Mansour. A qui son pays natal offre pourtant des perspectives médicales radieuses. Mansour comprend. Il revient en France. Lui, le médecin non accepté, non reconnu. Qui jonglera toute sa vie avec son déclassement dans ce pays qu’il a tant admiré.

Le jeune Bertrand subit une profonde humiliation comme élève dans les établissements scolaires privés catholiques

Il fallait honorer ce que l’auteur appelle le « contrat de Soisson » que ses parents avaient conclu avec la famille de Geneviève pour que leur mariage soit accepté. Ce contrat comportait principalement la nécessité d’éduquer les enfants comme des petits chrétiens de bonnes familles. Bertrand est inscrit dans des écoles privées de Paris rive-gauche.

On était en pleine guerre d’Algérie. La société française vivait les derniers soubresauts de l’Empire colonial français sur cette terre d’Afrique du Nord que tant de liens reliaient à la Métropole. Dans les écoles de France, les enfants vivaient confusément le basculement du monde au travers des positions des familles. Il n’était pas bon pour un jeune écolier venant du Sud de se retrouver dans une telle ambiance. Humiliations, mépris pleuvaient sur l’enfant au point d’affecter sa trajectoire scolaire.

« Vivre deux culture » de Bertrand BADIE

Ces épreuves finissent par affermir le jeune Bertrand

Bertrand Badie, adolescent, consolide sa personnalité à l’aide « d’une furieuse volonté d’être soi, d’être humain, d’être libre. (p 85). Il a retenu cet enseignement de son père. Bertrand se rétablit en prenant les premières places de ses classes et s’impose par ses qualités intellectuelles auprès des jeunes de son école.

Il nous fait part, dans l’ouvrage, de sa proximité avec le peuple algérien, pour avoir passé une partie de son adolescence dans cette société française déchirée sur la question coloniale et le dénouement de cette Guerre qui n’était pas reconnue comme telle.

Alors que la scène politique française est occupée par des personnages pétris de lâcheté, médiocrité, traitrise (Guy Mollet, Robert Lacoste, François Mitterrand…). Alors que l’Empire soviétique n’inspire aucune sympathie pour l’adolescent, celui-ci se forge ses héros. Le général de Gaulle qui tranche avec la petitesse ambiante par sa capacité à projeter un regard nouveau sur les sociétés du Sud : « politique arabe », établissement de relations diplomatiques avec la Chine, dialogue avec les dirigeants d’Amérique Latine, regard nouveau sur les drames vietnamien et palestinien… Il trouve aussi, sur la scène mondiale, ses héros. Patrice Lumumba au Congo, Hô Chi Minh au Vietnam, Che Guevara en Amérique Latine…

Bertrand assume de plus en plus sa double culture

Pourtant, il ignore la langue persane ! Son père acquiert un poste à l’Ambassade d’Iran. Bertrand, jeune français, est désormais fils d’un « diplomate étranger ». Il relie sa construction intellectuelle à sa situation d’homme de double culture. En mentionnant explicitement sa situation « d’enfant d’immigré » comme facteur puissant de cette construction.

Un basculement du monde s’amorçait, avec la fin presque totale des colonisations et les prémisses d’une nouvelle mondialisation

Les « imaginaires commençaient à se mondialiser » d’une nouvelle façon. S’amorçait la rupture avec la domination absolue sur le monde de quelques pays du Nord. Des pays qui s’étaient déchirés, par deux fois au XX° siècle, entrainant la quasi-totalité de la planète, et des hommes du Sud enrôlés, en de terrifiantes guerres mondiales.

Le jeune Bertrand vit cela fortement et forge sa pensée à l’ombre des profondes mutations qui vont changer la façon de penser le monde. Les voyages en Iran vont consolider la formation de sa personnalité, en confrontant, comme tant d’enfants d’immigrés qui retournent au pays de leurs parents, l’image et une certaine réalité de la terre des ancêtres.

(p 93) « (…) j’avais confusément le sentiment qu’il fallait désormais regarder tout à fait ailleurs, vers cet autre monde, ce « tiers-état » du globe, humilié hier, encore méprisé aujourd’hui, mais qui faisait dorénavant l’agenda de la vie internationale, et pour un bon moment, tant il avait à dire et à rattraper. »

C’est à « penser le monde » dans ses bouleversements que Bertrand Badie va se vouer, toute sa vie. Il apprend le persan, dans une démarche volontariste.

Il découvre l’étroitesse du regard porté par la société française sur le pays d’origine de son père

Etroitesse, pauvreté même, largement partagées d’ailleurs par l’ensemble des sociétés des pays occidentaux qui ont tant dominé le monde que leur position de surplomb sur le Sud les rendait aveugles aux réalités de ces sociétés. Â leurs aspirations. Et ce, malgré l’abondance phénoménale des travaux savants que les sociologues, anthropologues, ethnologues, juristes, géographes, agronomes, historiens, tous du Nord, ont mené sur les sociétés coloniales. Cette ignorance pouvait aussi prendre l’aspect mielleux d’un regard bienveillant, naïf, flatteur, et finalement plein de condescendance. Une autre façon de nier l’Autre comme égal.

(p 95) « Nul ne cherchait, pour autant, à réellement connaitre ce que ce peuple d’Orient [d’Iran] aspirait à devenir dans ce monde en changement, ni la manière dont ses élites pouvaient contribuer à en repenser la configuration. »

Bertrand Badie passe son bac à Paris, dans l’effervescence de « Mai 68 »

Le « mouvement » lui ouvre l’horizon et imprime sur sa trajectoire personnelle une nouvelle dynamique, riche, féconde, libérée. Sa bi-culturalité, jusque-là vécue comme souffrance, handicap, le met en phase totale avec ce monde globalisé. « Avec ce printemps transgressif, l’imaginaire faisait un bon en avant… » (p 108).

L’être biculturel enfin reconnu

« Le champ de notre pensée et de nos images quotidiennes dépassait soudain le cadre de l’Hexagone… » (p 109). Il vibre avec la Palestine, le Vietnam, Cuba, l’Amérique Latine, la Chine…  Il s’ouvre au monde tel qu’il allait se reconfigurer. Sans doute, en ces années, personne ne pouvait imaginer que le basculement du monde tiendrait beaucoup à la fulgurante croissance économique sur un mode capitaliste des pays d’Asie de l’Est… Et surtout de la Chine qui, par son poids, imprimait à ce mouvement une rupture qualitative. (p 115) « En fait, le système international se recentrait, le monde n’existait plus seulement au nord de la sphère. »

C’est une immense reconnaissance de l’Autre qu’il vit, après tant de rebuffades pour avoir été rejeté comme différent ! Il se réconcilie avec sa double culture qui devient « la plus précieuse de ses ressources ».

La vocation intellectuelle de Bertrand Badie se consolide à cette période

Alors qu’il débute sa vie étudiante dans le bouillonnement de l’après ‘68’. (p 110) « (…) cette quête de mondialité qui constitue [aussi] une part essentielle de ma vie et qui m’aura finalement sauvé ! Cet étrange fil – qui va de la Sorbonne printanière à l’aboutissement de ma carrière académique- m’aura progressivement arraché aux vieux tourments identitaires et aura orienté dans le bon sens la flamme de ma biculturalité ! »

Il forme sa pensée critique

D’abord en déconstruisant l’idée de ‘développement’ qu’il range dans le « simplisme caritatif », « l’évolutionnisme naïf » selon ses termes. Il déchire en lui l’idée que les sociétés du Sud constituent « un monde inaccompli qui a besoin d’être éduqué pour se hisser jusqu’à la modernité occidentale. » Le ‘développement’ devenu une injonction aux sociétés du Sud !

(p 117) « L’essentiel était désormais de séparer développement et humiliation, de repenser le premier comme l’épanouissement d’une histoire et non comme le ralliement à une autre ; (…) »

Ce sont, presque au mot près, mes propres idées, que j’ai construites après maintes illusions et détours

Je retrouve dans les lignes de Bertrand Badie à propos du développement et de la perception existentielle qu’il en a eu, mes propres pensées que j’ai construites après avoir plongé dans l’illusion du « développement », et pire, du « développement économique ». Cela devait être la voie du « rattrapage » dans lequel les pays du Sud allaient immanquablement s’engager pour atteindre les niveaux de vie des pays du Nord développés.

J’ai fait, plus tard que Bertrand Badie, ma prise de conscience sur ce fourvoiement [6]. Pour m’être illusionné sur l’économie et le développement, j’ai dû faire un plus long chemin. C’est pourquoi je me considère aujourd’hui comme « économiste repenti » (voir ==> ICI)

Non, les sociétés du Sud ne sont pas les reproductions pathologiques de celles du Nord

Des sociétés du Sud qui ne seraient construite qu’autour des manques par rapport à l’état de celles du Nord. Manque de revenus, de routes, d’hôpitaux, d’écoles, de démocratie…. Une approche par les manques qui structure la pensée du « développement » et inhibe toute démarche endogène de prise en main de sa propre trajectoire par les sociétés du Sud.

Des sociétés qu’une politique d’aide, définie, financée, dirigée par les pays dominants du Nord allaient ‘naturellement’ faire converger avec leur propre niveau de développement selon la pensée dominante.

Et cette pensée s’était « enrichie », après la chute de l’URSS, de l’idée de la « fin de l’histoire ». (p 119) « Au faîte de son arrogance, l’Occident alla même jusqu’à proclamer la « fin de l’histoire », pensant qu’il avait tout inventé de la modernité. Y compris les heures sombres des années 1930. Avec la mondialisation qui se profilait, c’était au contraire l’histoire qui commençait et pour de bon ! »

C’est autour de ces idées que se structure mon ouvrage SUD ! Un tout autre regard sur la marche des sociétés du Sud [7].

« Un universel qui serait vraiment universel ! »

L’universalisme des valeurs occidentales issues des Lumières, déclarée par les pays dominants comme règle indiscutable de tous les peuples a été et est encore un outil de leur emprise sur le monde ! Alors même que ces valeurs ne sont pas respectées envers les sociétés du Sud par ceux mêmes qui le proclament.

L’historien indien K. M. Panikkar montre par exemple comment les Hollandais de l’Âge d’Or inventaient au XVII° siècle les prémisses de la modernité à Amsterdam [8]. Champions de la tolérance religieuse, de l’ouverture à la pensée critique, à l’individu émergent…. Dans le même temps, ils déportaient des dizaines de milliers d’hommes et de femmes de Chine pour les plantations de l’actuelle Indonésie où ils travaillaient comme esclaves.

« Deux poids, deux mesures »

Une posture indissociable de la domination. Tellement à l’œuvre, dans la lecture du conflit entre Israël et Palestine depuis 1948. Et tout particulièrement dans celle de la guerre déclenchée en octobre 2023.

Dans la formulation d’une sortie positive de la situation présente, Bertrand Badie se rapproche de Souleymane Bachir Diagne

B.B. fait de la diversité une richesse, la « richesse du monde et la solution de ses problèmes futurs ». Une richesse faite de connaissance, de respect, d’intérêt à découvrir l’autre dans sa différence. Comme en écho à sa propre trajectoire existentielle. Il n’est pas seul dans cet espoir. (p 144) « (…) ce n’était pas une identité élue qui créait l’universalité, mais ces millions d’interactions libres reliant entre elles des cultures qui se savent différentes et se transforment perpétuellement au contact des autres. »

Comme Bertrand Badie, Souleymane Bachir Diagne fait de la diversité une richesse [9]. Et propose de construire un « universel horizontal » (ou « latéral ») fait de l’assemblage des composantes diverses de l’humanité. Un assemblage fait de dialogues. Avec, comme indispensable facteur d’échange, la traduction érigée en outil philosophique.

Nous sommes là aux côtés également d’Aimé Césaire (« pour un universel riche de tous les particuliers »). Aux côtés d’Immanuel Wallerstein (« pour un universalisme vraiment universel ») [10]. Tout à l’opposé de l’universalisme abstrait, vertical, surplombant, euro centrique, que les pays occidentaux ont tenté d’imposer pour assoir leur domination.

Un travail de longue haleine sur l’Etat dans les pays du Sud

Le cheminement intellectuel de B.B. l’amène à poser la question de la formation étatique dans les sociétés du Sud. Des sociétés en transition brutale, bouleversées par la modernité produite et importée du Nord.

En particulier, son analyse du fait politique dans les pays de culture musulmane est pour moi une clé de compréhension fabuleusement pertinente. Une clé de lecture qui ouvre à l’intelligence des situations présentes comme de celles qui ont façonné l’histoire des sociétés de cette région du monde.

J’ai fait de l’ouvrage en question (Les deux États. Pouvoir et société en Occident et en terre d’Islam) une note de lecture qui en offre une entrée. [11] (voir ==> ICI)

« Vivre deux culture » de Bertrand BADIE

Une démarche qui prend en compte la complexité du monde. Cette complexité, B.B. nous la fait sentir dans le récit de sa rencontre avec Hassan Al-Tourabi, le leader soudanais soutien puis opposant des dirigeants de Khartoum. Chantre d’un islamisme ambivalent. Aspirant à un universel. Humilié par des espoirs déçus.

B.B. rencontre également des dirigeants du Hezbollah, du Hamas. Ou, lors d’une conférence en prison devant des détenus islamistes. Il fait à leur propos la même constatation sur la force de l’humiliation subie comme ressort à l’action, y compris la plus violente. Il démonte pour nous les contradictions qui peuvent habiter les individus, et tout particulièrement ceux qui approchent du pouvoir.

Le travail universitaire de B.B. l’amène à de multiples rencontres. A Alger, dès 1983. Â Kaboul, Genève, Bagdad, New York, Ouagadougou, Tübingen… Il fait de la « souffrance sociale » un des principaux ressorts du jeu international. Le Proche Orient et son interminable conflit entre Palestiniens et Israéliens le mobilise. Il échange avec les universitaires de la région. Liban, Jordanie, Koweït, Arabie Saoudite, Qatar, Oman, Emirats, Yémen, Egypte… La Place Tahrir, 2011… Il apprécie les écrits de l’écrivain égyptien Alaa Al-Aswani, et notamment son roman « J’ai couru vers le Nil ». Voir la note de lecture de cet ouvrage ==> ICI

Pour ma part, j’ajouterai que se mêle indissociablement à cette souffrance sociale une souffrance identitaire. Une souffrance identitaire que la mondialisation attise, alors que les dirigeants politiques perdent progressivement leur pouvoir de réponse aux demandes des sociétés qui les élisent.

Nous sentons tous que les grandes décisions s’écrivent ailleurs, loin de nous. Hors de notre portée. Ecrites par des gens qui n’ont à rendre compte qu’à… ? A qui au juste ? A des personnages abstraits qui peuplent les conseils d’administration des grandes firmes mondialisées. La crise du Covid 19 a révélé la puissance des grandes entreprises pharmaceutiques. Des firmes qui ont tenu la dragée haute aux Etats, à l’Union Européenne notamment. Etats qui ont largement subventionné, sans contreparties, ces firmes. Voir notamment : « pouvoir de négociation » contre « intérêt général » ==> ICI

Humiliation et Identité : un fil rouge dans la trame de la vie comme dans l’œuvre de Bertrand Badie

La conférence croisée qu’il fait à Pékin (avec des universitaires japonais, états-uniens, chinois) l’amène au Palais d’été, au Nord-Ouest de la ville. Un parc somptueux de beauté et de délicatesse, autour d’un lac. Ponctué de bâtiments d’une élégante intelligence. Un pont relie la terre à une île au milieu des eaux. Ce Palais a été pillé puis réduit en cendres par les Anglais et les Français en 1860. Un Anglais dénommé Gordon s’est illustré dans ce saccage. Victor Hugo avait condamné cet acte. « Où est la barbarie ? » demandait-il.

Voir ici l’album de photos que j’ai prises en 2015 où l’on peut découvrir ce lieu magique, restauré en 1886 par l’impératrice chinoise d’alors ==> ICI

Avec cette destruction, l’humiliation a été porté à son comble. Elle est le symbole de l’abaissement de la Chine par les dominants d’alors. Qui s’est ajouté à celle que les « Traités inégaux » ont infligé aux dirigeants chinois tout au long du XIX° siècle. Sur les « Traités inégaux », voir ==> ICI

B.B. évoque « le penchant nationaliste chinois, cette aspiration à la ‘pureté’ Han dont les Ouïgours ou les Tibétains font très douloureusement les frais. » (p 159). Mais il n’éclaire pas un fait étrange : c’est l’ethnie dominante, les Hans, qui a subi la plus rigoureuse politique de l’enfant unique. Tandis que les minorités, innombrables fractions ethniques, n’étaient pas soumises à cette rigueur féconde. Pourquoi ? Je n’ai pas trouvé réponse à ce questionnement dans mes échanges avec des interlocuteurs chinois.

Féroce sur ses marges

Et à propos de la répression que les Tibétains et les Ouïgours ont subi et continuent de subir, je livre là une réflexion personnelle. La Chine, dans son histoire millénaire, n’a jamais conquis de contrées lointaines. Son obsession a été de stabiliser une frontière dans les plaines de l’Ouest, le plus souvent en passant des alliances fragiles avec des petits royaumes locaux. Le projet des « Routes de la soie » fait-il sortir la Chine de cette stratégique millénaire ?

En revanche, elle montre une violence extrême dans le traitement de ses marges. Faisons le tour de ses frontières dans le sens des aiguilles d’une montre : Pays des Ouïgours, Taïwan, Mer de Chine (avec le Vietnam), Hongkong, Tibet. Chacune de ces contrées est soumise à une menace ou à une terreur. Comme si le cœur Han de ce pays était en permanence menacé. Peurs ancestrales…

La beauté et le pouvoir

Avec cette évocation des palais impériaux de Pékin, B.B. nous offre une surprenante et bienvenue ouverture à la beauté. A propos du Temple du Ciel, il écrit (p 159) « j’étais fasciné par cette rencontre parfaite entre la grâce et la géométrie. L’esprit de calcul et la générosité esthétique. (…) Une façon inédite et fort habile de combiner la beauté et la stratégie… » Intrigants propos quand on réfléchit à l’équilibre du monde ! Où la beauté du pouvoir est mise en relation avec son caractère « dangereusement absolu ». Des mots qui me touchent profondément

Un bref instant d’humanité

Bertrand Badie livre encore ses émotions dans les rencontres qu’il a pu faire, par exemple à Kinshasa, sur un geste qu’il fait et qu’un interlocuteur, un « Autre », lui renvoi comme évoquant son propre père. Ces brefs « instants d’humanité », avec leur charge émotive, soutiennent B.B. dans son équilibre personnel indissociablement lié à sa recherche. Courageusement, il en fait état dans son livre. Sur un « bref instant d’humanité », voir ==> ICI

Sur Mossadegh et son assassinat par la CIA en 1953

B.B. montre qu’il n’était pas question pour les élites du Sud de ne pas jouer le rôle que l’Occident leur assignait. Au risque d’être assassiné, comme le fut Mossadegh.

L’évocation par Badie de cet assassinat dans son livre fait remonter en moi un douloureux souvenir d’enfance. Je revois mon père apprenant cette nouvelle, nous étions à Alger. Il est très ému, il parle de cela avec ma mère, et les larmes lui montent aux yeux. Je perçois sa colère, sa rage contenue, je n’ose rien dire, je suis très surpris par son attitude. Je comprendrai longtemps après cette scène.

Après avoir écrit ce paragraphe sur ce souvenirs d’enfance, je lis un passage dans l’ouvrage de Bertrand Badie qui y fait fortement écho (j’écris mes notes de lectures au fil de ma lecture)

B.B. a six ans. Il voit la colère s’emparer de son père à l’annonce du détournement de l’avion du FLN conduisant à l’arrestation de Ben Bella et de ses compagnons, dirigeants de la lutte de libération de l’Algérie. Comme moi, Bertrand ne comprend pas tout, il saisit au plus profond le sentiment qui a envahi son père devant cet acte humiliant, totalement à rebours de l’Histoire !

Ce qui est touchant, c’est le croisement des colères de nos pères, entre Iran et Algérie !

Comme pour moi, la « brisure coloniale » demeure fondatrice de la pensée de Bertrand Badie

La dualité institutionnalisée que le fait colonial instaure, qui marque les individus entre les deux cultures au plus profond d’eux-mêmes, lui est insupportable.

Et la fin des 6 siècles d’entreprise coloniale marque profondément les relations entre les sociétés, les relations internationales entre les Etats. Et ce, durablement. Nous n’en sommes pas sortis. Au Nord, on se voile la face sur ce passé. Il n’est pas question pour B.B. d’expiation de la faute des parents. Mais d’établir, sur des bases de connaissances historiques partagées, une reconnaissance mutuelle. Celle de l’Autre, sur une base égalitaire.

Bertrand Badie assume sa condition de fils d’immigré

Il est conscient que sa vie sociale lui a épargné les plus dures souffrances. Il s’identifie cependant, ainsi que son père, à cette population d’immigrés « dont on doit avoir en même temps peur et pitié, et qui demeure constamment de l’autre côté de la rampe. Pourtant, ceux-là mêmes qui sont craints, dénoncés, rejetés, périodiquement naufragés, même aujourd’hui encore, ont bel et bien le visage de mon père (…) » (p 184)

Pour lui, et là il pense en géostratège pour les décennies à venir, la migration est l’avenir du monde, et doit être gérée autrement que par la répression.

Des facteurs d’espoir 

La jeunesse,

celle du Nord comme celle du Sud ! Celle des quartiers populaires de France, dans les collèges du Département 93. Celle, assise sagement sur les bancs de Sciences Po à Paris, comme celle rencontrée à Abidjan ou Kinshasa… Une jeunesse en phase avec la mondialisation des idées… Une jeunesse qui pense le monde sans le surplomb qui nous écrase, au Nord comme au Sud.

Partir de l’humain pour penser le monde

Bertrand Badie fait ici une ode à l’humanisme. Non pas sur un mode abstrait, lointain. Mais sur la base de ses rencontres, de ses émotions, de ses expériences d’enseignant au plus près des dynamiques nouvelles qui se sont emparé des sociétés, notamment au Sud. Des sociétés ayant accès à l’enseignement moderne, plus urbaines, totalement ouvertes sur le monde pour avoir sur-assimilé les outils digitaux de communication.

Auprès de jeunes qui sont, « d’avantage que les politiques, dans la réalité du monde et dans son épaisseur sociale… » (p 209) Des jeunes qui entrent, à bas bruit mais résolument, dans une mondialisation qu’ils connaissent et dont ils n’ont pas peur. (p 211) « L’altérité en sortira nécessairement dédramatisée. » (p 212)

Autre facteur d’espoir : « (…) le Sud a quitté définitivement son statut de périphérie. » (p 213) L’imaginaire se mondialise, les sociétés du Sud ne se sentent plus prises dans la domination, fut-elle bienveillante. « La main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit » disent les étudiants africains ! Les écarts de savoir se sont réduit entre les individus du Nord et du Sud.

Et la double culture devient source de fierté. Elle est valorisée pour ce qu’elle représente en termes d’ouverture sur le monde, d’intelligence à partager, d’ouverture à l’Autre sur de nouveaux possibles.

 Le sujet de l’histoire?

(p 202) « (…) le sujet de l’histoire est l’homme totalement libre, qui s’enrichit au contact des autres, dans l’échange continu et dans l’hybridation spontanée L’identitarisme n’est que le dévoiement de ce processus, fruit de la peur et générateur d’incompréhensions, d’anathèmes, et hélas de violences. »

« Vivre deux culture » de Bertrand BADIE : Les mots de l’auteur pour évoquer son rejet (et celui de sa famille) par la société française

Ce professeur émérite, reconnu internationalement pour la force et la pertinence de ses analyses géostratégiques, nous offre dans cet ouvrage autobiographique la vision d’un homme sensible, fragile même, marqué par les blessures que son père et sa mère ont subi. Pour avoir osé, dans la société française pétrie « d’universalisme manqué », un mariage mixte dont il est issu. Des blessures qu’il a lui-même éprouvé, comme enfant, dans la France des années 1960.

Nous recueillons ici les mots qui égrènent le texte de l’auteur dans cette sensibilité. Mots de rejet, de haine. Mais aussi mots d’accueil, de bienveillance et d’espoir. Nous n’avons pas enregistré la fréquence de leur apparition dans le texte. Juste, mais au fil de la lecture, les mots que Bertrand Badie égrène au fil de sa pensée.

Parmi les premiers :

Modernité subie. Domination d’autrui. Universalisme manqué. Mirage. Humiliation. Affront. Mépris. Intrus. « Rastaquère ». Exclusion. Arrogance occidentale. Intolérance. Infamie. Bassesse. Défiance. Hostilité. Migration comme douleur. Peur instinctive de l’autre. Détestation. Domination. Faibles. Etrangers. Dominés. Exaltation de la force. Prétention dominatrice. Humiliation (encore et encore). Isolement. Rejet. Vexations. Souffrance. Longue et douloureuse expérience. Illusions agressives de l’identité. Sourde souffrance. Douloureuse obligation. Tourment. Méchanceté. Otage. Grande violence. Mépris des autres. Moqueries. Railleries. Et la longue série d’insultes : « bicot », « youpin », « monzami », « sidi », « bique », « crouille », « raton », « bougnoule », « melon », « scabèche », « arbicot »… Blessures. Monstre. Haine. Moquerie. Ironies. Insultes. Arrogance. Frustrations. Injuste inaccomplissement. Dette. Culpabilité. Douleur des migrants.

Univers d’absurdité. Incertitudes. Crainte. Tensions ancrées. Déchirements intimes. Retard. Infériorité. Obligation d’obéissance passive. Conflits aigus, douloureux. Agacement. Gêne. Dominé. Offensé. Assauts ricanants, agressifs. Incompréhension. Aliénation. Force destructrice du regard de supériorité. Nasarde. Compétition. Une enfance difficile. Ignominie. Ricanements. Contradictions ressenties. Drame aigu. Crispation. Bannissement. Tourmenté. Curieuse et coupable cécité. Fièvre. Désastre social. Souffrances morales et physiques. Culture maudite. Désordres sociaux. Dramatique. Mortifère. Entrepreneurs de violence. Obsession identitaire. Peur de la mixité. Démons. Dangereux agents. Ennemis potentiels. Risque social. Dénoncés. Rejetés. Naufragés. Contrainte. Absurde. Aimable charité. Déceptions. Gigantesque fiasco. Murmures effrayants. Ennemis redoutés. Peur pour soi et haine pour l’autre. Universalisme préfabriqué. Ecaillure. Incompréhension. Anathèmes. Violences. Spectre inquiétant. Vent mauvais. Quolibets. Humiliation (encore !). Douleur. Grimaces.

Parmi les seconds :

Reconnaissance. Concorde. Respect. Liberté. Dignité humaine. Humanisme. Humanité unie. Tolérance. Ouverture. Humanité intégrale. Solidarité humaniste. Pacifisme. Intégration. Coexistence. Enrichissement. Exister avec les autres, par les autres. Trait d’union. Un monde horizontal et diversifié : ces termes renvoient à « l’Universel horizontal » de Souleymane Bechir Diagne (voir sa leçon faite à Sciences Po en septembre 2022 ==> ICI). Accolade. Sympathie. Humanité (encore et encore). Humains hospitaliers. Bouffées d’oxygène humaniste. Force et volonté de gagner. Stimulante mobilité intellectuelle. Mondialisation solidaire. Confiance. Interactions libres. Apprentissage. Guérison. Entreprise collective. « Inter-socialité ». Mobilité identitaire. Coopératif. Harmonie. Universel. Echange. Complémentarité.

Une autre intelligence de l’identité. Universel humain. Coopérer en confiance. Extase. Comprendre l’autre. Un formidable aiguillon de découverte. Une confluence de cœur et d’esprit. Vie heureusement bigarrée. Espoirs et admiration. Joies de mon enfance. Réconfort. Raisons d’espérer. Chance unique. Lueur d’espoir. Diversité. Mixité. Solidarité. Pluralité des appartenances. Norme heureuse. Bienfaits. Note d’optimisme. Humanisme complet. Imaginaire mondialisé. Source nouvelle de compréhension et d’action. Identités combinées. Fusions profondes. Chance. Contemporanéité heureuse. Double ancrage. Idéaux. Ponts. Passerelles. Routes. Humanisme. Amour. Amitié.

Bertrand Badie évoque avec beaucoup de chaleur deux auteurs antillais, Edouard Glissant [12] et Patrick Chamoiseau [13], qui ont tous deux écrit des textes puissants sur l’altérité.

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Bertrand Badie, né en 1950 à Paris, est un universitaire et politiste français spécialiste des relations internationales. Il est un des spécialistes de la sociologie des relations internationales les plus influents des 30 dernières années (d’après Wikipédia). Pour en savoir plus, voir ==> ICI

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[1] La question de l’humiliation a été un des thèmes de recherche majeur de Bertrand Badie. Il en a fait un ouvrage : Le temps des humiliés. Pathologie des relations internationales, Ed. Odile Jacob, 2014.

[2] Dans les pays de culture européenne, cela se traduit par une polarisation électorale entre droite et extrême-droite. Les forces de gauche ont disparu ou occupent une place marginale.

[3] « Nous avons perdu » ==> ICI

[4] Amokrane Ould Aoudia, né en 1924 à Aïn El Hammam (Algérie), mort assassiné le 23 mai 1959 à Paris, est un avocat algérien. Étudiant membre du groupe des étudiants communistes de la Sorbonne, il refuse la position « coloniale » du Parti Communiste et rompt avec lui. Il s’engage pleinement dans la lutte pour l’Indépendance de l’Algérie et devient membre du collectif des avocats du FLN en France. Son engagement nationaliste lui vaut d’être assassiné à Paris par les autorités françaises (d’après Wikipédia). Pour en savoir plus, voir ==> ICI

[5] Salah « Henri » Ould Aoudia, né en 1908 dans la commune du Djurjura (Algérie), est mort assassiné le 15 mars 1962 sur les hauteurs d’Alger, au « Château Royal ». C’est un commando Delta de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS) qui a commis ce crime. Cette organisation regroupait des officiers félons de l’armée française et des Pieds Noirs fascisants refusant la marche vers l’indépendance de l’Algérie. Salah a été assassiné avec 5 autres dirigeants des Centres Sociaux Educatifs de l’Education Nationale (créés par Germaine Tillion), dont l’écrivain Mouloud Feraoun. Réunis ce jour de mars 1962, à la veille de la signature des Accords d’Evian, qui mettaient fin à 8 ans de guerre pour l’Indépendance de l’Algérie, ils préparaient le futur des relations éducatives entre Algérie et France.

Sur l’assassinat de Château-Royal, voir  ==> ICI

Le fils de Salah, Jean-Philippe Ould Aoudia, a écrit un livre sur ce drame, préfacé par Emmanuel Roblès : L’assassinat de Château-Royal – Alger : 15 mars 1962, Paris, Ed. Tirésias-Michel Reynaud, 1992.

Plusieurs ouvrages de Mouloud Feraoun ont fait l’objet de note de lecture dans ce site. Voir notamment ==> ICI

[6] « La pensée du développement est née d’un imaginaire de domination » entretien avec Jacques Ould Aoudia – « Le Vent se lève », juin 2019. Voir ==> ICI

[7] J’ai amplement exposé ces idées dans mon ouvrage SUD ! Un tout autre regard sur la marche des sociétés du Sud. Ed. L’Harmattan – Paris, 2018. Voir une présentation de l’ouvrage ==> ICI

[8] Kavalam Madhava PANIKKAR, L’Asie et la domination occidentale du XVe siècle à nos jours, Paris, Le Seuil, 1957. Traduction de Asia and Western Dominance, Londres, 1953.

[9] Souleymane Bachir DIAGNE, « La Négritude comme mouvement et comme devenir », In Rue Descartes 2014/4 (n° 83), pages 50 à 61.

[10] Immanuel WALLERSTEIN : « Finissons-en avec la rhétorique de l’humiliation », Le Monde des Livres, février 2008.

[11] Bertrand Badie, Les deux États. Pouvoir et société en Occident et en terre d’Islam. Paris, Fayard, 1986.

[12] Mathieu Édouard Glissant, né en 1928 à Sainte-Marie en Martinique et mort en 2011 à Paris, est un romancier, poète et philosophe français. Il obtient le prix Renaudot en 1958 pour son roman La Lézarde. Il est fondateur entre autres des concepts d’« antillanité », de « Tout-monde » et de « Relation ». Glissant repense également la notion de créolisation mais aussi les catégories de la métaphysique ainsi que les modalités du dialogue des cultures. Surtout connu pour Le Discours antillais (1981), Édouard Glissant est l’auteur d’une œuvre conceptuelle et littéraire colossale, et d’une bibliographie dense (d’après Wikipedia). Pour en savoir plus, voir ==> ICI

[13] Patrick Chamoiseau, né en 1953 à Fort-de-France, est un écrivain français originaire de la Martinique. Auteur de romans, de contes, d’essais, théoricien de la créolité, il a également écrit pour le théâtre et le cinéma. Le prix Goncourt lui a été décerné en 1992 pour son roman Texaco. Voir la note de lecture de cet ouvrage ==> ICI

Ami d’Édouard Glissant (Traité du Tout-monde, 1997), il cherche à développer avec celui-ci le concept de mondialité, en vue de traduire, du point de vue politique et poétique, une nouvelle conception du monde qui serait fondée sur l’ouverture des cultures, la protection des imaginaires des peuples. Imaginaires qui disparaissent lentement sous l’action uniformisatrice de la mondialisation (d’après Wikipedia). Pour en savoir plus, voir ==> ICI

 


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