« Hotaru – Le poids des secrets » de Aki SHIMAZAKI (note de lecture 5/5). Ce roman, le 5ème et dernier de la série « Le Poids des secrets », boucle l’histoire que l’auteure a tissé soigneusement au fil des 4 précédents romans. Une histoire qui court tout au long du XX° siècle. Qui commence dans les dernières années du Japon impérial entrainé dans sa spirale nationaliste et conquérante. Corée, Mandchourie… sont colonisées pour former une partie de l’Empire que tente de se constituer le Pays du Soleil Levant. Un histoire qui se termine à la fin du XX° siècle dans le Japon développé.

Le Japon a traversé deux immenses drames

Le Séisme de Kantô en 1923. Puis la Seconde Guerre Mondiale dans le Pacifique. Cet océan n’a jamais aussi mal porté son nom ! La fin de la guerre est particulièrement atroce. Elle est marquée par le Gyokusaï qui conduit au Hara kiri [1]. L’idéologie du sacrifice ultime. On se bat contre l’ennemi jusqu’à la mort et on se suicide avant d’être capturé. Et cette pratique est aussi encouragée pour les civils. Cette fin de guerre est marquée aussi par les deux explosions atomiques vont clore cette période impériale en aout 1945.

Comme un collier de perles

Les 5 romans se prolongent 50 ans au-delà de l’explosion atomique, au travers des générations. Leur ensemble forme comme un collier de perles. Chacune des 5 perles raconte la même histoire au travers des souvenirs des principaux personnages. Une histoire où le destin des individus est percuté par les grands malheurs de l’Histoire que traverse le Japon.

A ce point de rencontre entre histoires individuelles et Histoire mondiale, se nouent des secrets. Des secrets terribles qui engagent la vie et la mort. Qui découpent dans les vies des zones d’ombre, des angles morts, dont les individus portent le poids.

L’écriture est puissante dans sa simplicité. Evocatrice des émotions qui se dégagent du récit. L’auteure offre là un superbe enrichissement de la langue française !

Le Poids des secrets, justement !

Au fil des pages des 5 romans, le Poids des secrets s’alourdit. C’est sur la filiation que se concentrent ces secrets. Filiations tiraillées entre les lourdes conventions sociales et les pulsions des êtres humains. Entre l’obsession de la pureté des origines et les massacres xénophobes.

« Hotaru – Le poids des secrets » de Aki SHIMAZAKI (couverture du livre)

C’est autour de Mariko que se construit l’essentiel du récit des 5 romans

Elle est arrivée au Japon avec sa mère et son oncle, venant de la Corée occupée par l’armée Japonaise. En 1923, elle survit au Séisme qui détruit la maison où elle vit avec sa mère. Celle-ci la confie à un orphelinat tenu par un prêtre occidental. Sa mère et son oncle meurent lors des massacres de Coréens qui ont suivi le séisme. Pour la sauver, le prêtre va lui donner une identité japonaise sous laquelle elle va vivre jusqu’à sa mort.

« Hotaru – Le poids des secrets » : ce 5° roman boucle l’histoire

Mariko est très âgée. Elle a noué avec Tsubaki, une des filles de son fils Yukio, une relation étroite. Sur le point de mourir, elle lui raconte sa vie.

Les souvenirs remontent et volent autour d’elle comme des lucioles. Comme des petits éclats de lumière dans le noir de sa mémoire. Et dans le noir des secrets qu’elle a portés. De lourds secrets.

Le mari de Mariko, Kenji, est mort il y a déjà 13 ans. Tsubaki a beaucoup aimé ce grand-père bienveillant, rassurant, solide malgré sa santé fragile abîmée par sa détention en Sibérie pendant la Guerre.

Le « triple » assassinat de Ryôji Horibe

Mariko commence par lui parler de cet homme, Ryôji Horibe, qu’elle a rêvé d’assassiner à la fin de la Guerre. Elle découvre, à ce moment, qu’il a été réellement assassiné par sa propre fille, Yukiko. Le jour même de l’explosion de la bombe atomique sur Nagasaki. Elle raconte que sa femme légitime a, également, rêvé de le tuer. Pour tout le monde, la mort de Ryôji Horibe a été causée, comme celle des dizaines de milliers d’habitants de Nagasaki, par l’explosion atomique.

Mais non. C’est par le poison que sa fille lui a fait boire qu’il est mort. Trois femmes ont ainsi voulu sa mort. Sa maitresse, sa fille, et son épouse. Mariko l’a su et l’a caché jusqu’à ce jour.

Mariko déroule son histoire avec cet homme

Ryôji Horibe a joué un rôle majeur dans les drames et les secrets qui se sont noués dans la vie de Mariko.

Celle-ci parle alors de sa rencontre avec Mr. Horibe. Elle a 16 ans. Elle vient de quitter l’orphelinat où sa mère l’avait laissé avant de mourir. Mariko travaille maintenant comme coursière dans une entreprise pharmaceutique. Elle rencontre un chercheur de cette entreprise. Il a 24 ans, il vient d’une grande famille, il parle des langues européennes, il joue du piano. Ses manières sont douces et polies…

Elle, l’orpheline, disposant d’une éducation réduite, est très impressionnée par l’intérêt que lui porte cet homme important. Il éveille Mariko à la sensualité et installe une relation tournée sur ce terrain. Elle s’attache à lui. Mais la relation doit rester secrète. Lui aussi devient dépendant de cette relation sensuelle.

Ryôji Horibe se marie avec une femme de sa classe. Mais au bout de quelques mois, il revient vers Mariko. Celle-ci tombe enceinte. Il ne reconnait pas le jeune garçon, Yukio, qui nait de cette union. Mais il continue de venir voir Mariko et leur fils. Tandis qu’une petite fille, Yukiko, nait dans son couple légitime. Les deux enfants ont 3 ans : Yukio et Yukiko vont se rencontrer et s’aimer, sans rien savoir de leur filiation commune.

Mariko sort de l’impasse dans laquelle elle se sentait enfermée

Elle retourne à l’orphelinat et demande à y travailler. Là, elle rencontre Kenji Takahashi, un chimiste qui travaille dans la même entreprise que Ryôji Horibe.

Kenji propose à Mariko de l’épouser. Pour son fils, elle accepte. Elle construit alors avec cet homme une relation stable. Dans une « douce tranquillité » qui va durer 10 ans. Avec son mari et Yukio, elle va s’installer à Nagasaki, dans une maison isolée au bord d’une rivière.

Yukio a 7 ans. Il questionne sa mère sur Ryôji Horibe et Yukiko qu’il a tous deux beaucoup aimés. Mariko lui révèle que Ryôji est son véritable père, et que Yukiko sa demi-sœur. Elle lui demande de garder ce secret.

Mais le piège de Ryôji vient se fermer une nouvelle fois sur elle

Kenji est envoyé en Mandchourie et Ryôji vient s’installer dans la maison mitoyenne de celle de Mariko et Kenji. Commence pour Mariko une période pleine de douleur, de doute, de peur.

Elle se laisse reprendre par Ryôji. Elle plonge dans la culpabilité. Mariko apprend que son mari, Kenji, est obligé de prolonger son séjour en Mandchourie. Puis il disparait. S’est-il engagé avec les communistes ? Le salaire de son mari ne lui est plus versé. Elle devient dépendante de Ryôji. Une fois encore, elle se sent prisonnière d’une situation dont Ryôji a les clés.

Dans le Pacifique, l’armée américaine avance

On distribue à la population civile des doses de cyanure. Plutôt se suicider que tomber prisonnier des américains !

Ryôji avoue à Mariko que c’est lui qui a fait muter Kenji en Mandchourie. Et qu’il a intrigué pour que son retour soit retardé. Il lui apprend aussi qu’il a été fait prisonnier par l’armée russe. Mariko, dans le remord d’avoir trahi Kenji, se met à haïr Ryôji qui est devenu son geôlier. Nous sommes à la veille des explosions des bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 aout 1945

Le matin du 9 aout 1945…

… Mariko entend un bruit dans la maison mitoyenne et voit Yukiko s’en éloigner rapidement. Elle découvre Ryôji mort, un verre contenant du cyanure à côté de lui. Pourquoi Yukiko a-t-elle tué son père ? Elle, Mariko, avait tant de motifs pour le tuer elle-même !

Mais elle doit partir. Elle a rendez-vous hors de la ville chez des paysans pour échanger des vêtements contre du riz. A la mi-journée, et depuis la hauteur où elle se trouve, elle voit le champignon atomique se former. En bas, tout est détruit, tout est dans la désolation. De sa maison il ne reste rien. Les décombres ont enseveli le corps de Ryôji. Et avec son corps, la preuve de son empoisonnement. Par bonheur, elle retrouve son fils Yukio.

Tsubaki découvre l’histoire insoupçonnée de sa grand-mère

Elle découvre l’univers caché de sa grand-mère, insoupçonné. Un univers que même Kenji n’a pas connu. Elle apprend aussi que Kenji n’est pas son grand-père de sang. Mais elle ne saura rien de la filiation de sa grand-mère, ni de son origine coréenne.

Mariko reste dans le questionnement. Qu’est ce qui a pu pousser Yukiko à tuer son propre père ? Alors qu’elle, Mariko, avait tant de motifs pour le faire ?

& & &

Pour une autre série de romans de l’auteure Aki Shimazaki : « L’Ombre du Chardon »  ==> ICI

[1] Pour en savoir plus, voir ==> ICI

Sur le précédent roman de la série « Le poids des secrets », voir ==> ICI


© 2023 Jacques Ould Aoudia | Tous droits réservés

Conception | Réalisation : In blossom

© 2023 Jacques Ould AoudiaTous droits réservés

Conception | Réalisation : In blossom