Nous avons là l’envers de l’histoire que l’auteur de « Crépuscule du tourment 1 » nous avait livré, du coté des femmes [1]. Nous sommes, cette fois, du coté de l’homme, du coté d’Amok.

L’autre face de son roman « Crépuscule du tourment »

Après un temps de vie dans un pays du Nord, Amok revient sur le Continent (l’Afrique) avec la femme Ixora qui vit à ses cotés et le fils d’un frère-ami. Amok revit la douleur de ses premières années broyée par la violence familiale. Son père, une tante, sa mère, n’ont guerre laissé d’espace à l’enfance en lui.

Au cours d’une dispute, Amok frappe violemment Ixora. Il la laisse, brisée, dans la boue. Une boue formée par un déluge qui s’abat sur la ville. Deux femmes viennent secourir Ixora. Amok s’enfuit, et décide de retrouver son père dont il pense avoir hérité cette folie destructrice. Un déluge de pluie s’abat sur le pays et sur la course d’Amok, qui entraîne avec lui un ami dans cette quête du père. La route s’enfonce dans la forêt, la pluie redouble d’intensité. Un éblouissement, l’accident. Amok perd connaissance.

Léonora Miano nous entraîne ici dans l’envers de l’envers

L’écriture s’égare, et nous avec, dans cet autre coté du monde. Offrant de temps en temps un repère où accrocher le fil de sa pensée. Nous sommes avec Amok qui a perdu connaissance. Il se retrouve dans le monde des esprits qui l’accueillent avec l’aide de Continent Noir, un homme qui se déclare fou. Continent Noir et une femme le recueillent avec bienveillance dans une case rustique, pour l’aider à traverser cette épreuve. Pour l’aider à reconstruire ce qui a été détruit en lui. Pour lui permettre de se situer dans le monde.

Les mots me manquent pour faire part de ce voyage !

Nous sommes dans le monde de l’esprit d’Amok, de ses souvenirs, de ses regrets d’avoir ainsi battu la femme qu’il aime et qui va s’éloigner de lui. Les souvenirs de ses interrogations douloureuses vis-à-vis de son père. De sa sexualité contrariée, qui ne se remet pas du viol que sa tante lui a fait subir quand il était enfant. De immense perte de son frère-ami Shrapnel, mort en Europe et dont il a recueilli le fils.

Un coin du voile se soulève sur les refoulements

Shrapnel vient le visiter en esprit et clôt cet étrange roman. Un texte qui soulève un coin du voile qui cache le bouillonnement des imaginaires africains. Imaginaires refoulés si longtemps par les dominants du Nord qui ont envahi le Continent pour y prélever des esclaves puis y mener la colonisation. Y compris et surtout la colonisation des esprits. Imaginaire refoulé ensuite par les pouvoirs des Indépendances qui se sont calés sur la « modernité » du Nord comme seule destination affichée de toutes les sociétés.

Recentrer les imaginaires africains

C’est ce déroulé des refoulements que l’auteure fait exploser dans ce roman. Un roman qui ouvre des pistes pour un recentrage des imaginaires africains sur eux-mêmes. Recentrage dans la douleur, dans la recherche de l’identité avec ses propres mots, ses propres affects, ses propres buts.

Recentrage comme condition première d’ouverture sur l’autre,

à partir d’un soi reconstruit par soi même. Léonora Miano nous entrouvre ainsi une voie pour comprendre, partager.

Pour en savoir plus sur l’auteure ==> ICI

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[1] Voir sur ce site la note de lecture de cet ouvrage ==> ICI