Des Immigrés dans la Résistance contre l’occupant – Ahmed Abdesselem, Résistant, blessé, fusillé par l’armée allemande en juillet 1944
Au cours d’une visite du Vercors, je tombe sur une stèle avec des noms de personnes fusillées par l’armée allemande en juillet 1944.
Cette date est marquée de sanglants souvenirs. L’armée allemande va réduire le maquis des résistants du Vercors. Au prix de centaines de morts parmi les maquisards et les civils. Notamment à la Chapelle-en-Vercors, village martyr qui garde la trace douloureuse de ces crimes.
Sur cette stèle en bord de route, mon œil est attiré par le premier nom sur la liste : ABDESSELEM Ahmed. Il fait partie des résistants blessés, cachés dans la Grotte de Luire alors que les troupes allemandes progressent dans le massif montagneux du Vercors. Découverts, ces blessés seront achevés le 28 juillet 1944. Un récit des massacres de la Grotte de Luire, raconte ce triste épisode.
Voir le récit de Robert Serre ==> ICI
Une forte participation de Résistants étrangers
En cherchant à en savoir plus sur ces Résistants venus d’ailleurs, je tombe sur un site qui énumère tous les maquisards du Massif de l’Oisans. Une région des Alpes françaises située dans les départements de l’Isère et des Hautes-Alpes.
Voir ce site ==> ICI
Tout d’abord, je suis impressionné par le nombre de noms qui figurent sur cette liste. Des centaines d’hommes et de femmes se sont engagés dans cette petite partie du territoire français. En déroulant la liste, je tombe sur des noms et lieux de naissance qui signent les origines. Aux cotés des centaines de français de France, on trouve des dizaines de noms d’étrangers. Russes, Polonais, Espagnols, Italiens, Belges, mais aussi Algériens, Tunisiens, Marocains, et « Indochinois » en grand nombre.
Dans la courte biographie qui accompagne parfois le nom et le matricule de Résistant, on trouve des indications sur la vie, les actions, parfois les circonstance de la mort au combat.
Des Immigrés dans la Résistance contre l’occupant, venus du Nord de l’Afrique
Dans les lignes qui suivent, je reproduit les noms et indications de quelques uns de ces Immigrés-Résistants :
– Akka Ben Lhacem (Marocain) Né en 1917. Célibataire, habitait à Douar Aït Rachi Khemisset (Maroc). Prisonnier évadé, rejoint le maquis de l’Oisans.
– Ali Ben Amar (Tunisien) Né en 1905 à Kairouan (Tunisie). BIC Secteur A (Isère) Incorporé au Bataillon de l’Oisans. Le 23 septembre 1944, il est tué aux Abris (Modane – Savoie) alors qu’il était en reconnaissance avec Pelletier. Mort pour la France.
– Azouz Mohedine Mehedine (Algérien) Né en 1914 à La Méhessa (Algérie). Le 19 août 1944, tué à Livet-et-Gavet ou Rioupéroux (Isère). Mort pour la France.
Jimmy (Marocain) Pseudo : « Jimmy ». Tireur FM d’exception à la mitrailleuse Hotchkiss (LFM p.142) au sein du groupe mobile N°4.
– Mohamed Ben Ali (Marocain) Né en 1917. Célibataire, habitait à Sadi Ben Amer (Maroc). Prisonnier évadé, il rejoint le maquis de l’Oisans.
– Mohamed Ben Larbi (Marocain) Né en 1918. Célibataire, habitait à Douar Chekh Larbi (Maroc). Matricule au maquis : 2400. Prisonnier évadé, il rejoint le maquis de l’Oisans. Il sera démobilisé à sa demande à la fin de la guerre.
– Saïd Ben Mamoun (Marocain) A été tué le 22 août 1944 à la Croix du Mottet (Vizille 38). A reçu une citation. Cité dans « Maquis de l’Oisans : renseignements données par Pierré Pelletier ».
– Saïd Yahi Le 16 août 1944, tué à Rioupéroux (Isère). Son corps a été retrouvé dans le charnier de Livet-et-Gavet. Mort pour la France. Son nom (Yahu) figure sur les stèles S L14 et S L15.
Mais aussi venus « d’Indochine »
On trouve aussi un nombre élevé « d’Indochinois », terme colonial qui recouvre des hommes venus du Vietnam, du Cambodge ou du Laos. Trois pays alors colonies françaises. Je cite quelques un de ces noms :
– Bui Doan Matricule : 13154. Pseudo : « Matricule : 13154 ». Inscrit sur la liste des Nord-Africains et Indochinois incorporés au secteur 1.
– Dang Boï Matricule : 12328 Pseudo : « Matricule : 12328 ». Le 3 juillet 1944, il rejoint le maquis avec la 14ème compagnie des GMICR et suit l’instruction à la section Perrier. Blessé le 17 juillet 1944 avec trois Indochinois, il est envoyé à l’hôpital d’Huez. Fin août, le sergent-chef Boï est affecté à la compagnie hippo.
– Le Sog Matricule : 13655. Pseudo : « Matricule : 13655 ». Tué le 12 juillet 1944 au combat des Roches Bleues. Inhumé le 15 juillet 1944 au Rivier d’Allemont en présence d’une partie de la section indochinoise de Vaujany. Mort pour la France.
– Nguyen Han Matricule : 6497. Pseudo : « Matricule : 6497 ». Né le 03 décembre 1914 à Haïphong (Tonkin). Cadre au détachement indochinois de Rioupéroux de la 14ème compagnie des G.M.I.C.R. Le 4 juillet 1944, rejoint le Maquis avec le détachement. Le 22 août 1944, est tué à Rioupéroux (Isère). Son corps est retrouvé dans la Romanche. Mort pour la France.
Et nombre de Résistants venus d’ailleurs
Je reporte ici quelques uns de ces noms, avec les indications portées sur le site.
– Alexandrovitch (Russe) Ancien officier de l’armée soviétique fait prisonnier. Incorporé dans la division Vlassov comme aspirant de la Wehrmacht (LP p.81). Vient de Saint Rémy-les-Chavanne et livre des renseignements précieux (LP p.81). Groupe mobile n° 2 / Section Pelletier Du 04/07/1944 au 31/08/1944. Le 4 juillet 1944, rejoint le Maquis (LP p.81).
– Aldo Luigi Mattiussi (Italien) Né le 10-07-1925 à Téor (Italie). Le 19 août 1944, tué à Livet-et-Gavet ou Rioupéroux (Isère). Son corps a été retrouvé dans le charnier de Livet-et-Gavet. Mort pour la France.
– Aloyzi Kospiski (Polonais) Pseudo : « Eloi ». né à Quabrigdz (Pologne). Rallié aux Groupes francs de Grenoble, il a participé à l’explosion de la caserne de Bonne le 2 décembre 1943. Le 20 août 1944, tué à Domène (Isère).
– Anatole Kitchke (Russe) Matricule au maquis : 2639. Apparaît comme sous-lieutenant de l’armée russe dans le tableau des effectifs du maquis au 1er mai 1944. Figure dans la liste manuscrite nominative de la section russe.
– Barzynski (Polonais) Le 30 juillet 1944, le groupe entièrement, composé de Polonais de mitrailleuses dont il est le chef, est intégré dans le Groupe Mobile n°5.
– Casimir Polonais de la région de Varsovie, déserteur de la Wehrmacht. Le 16 juin 1944, arrive blessé au Maquis (LP p.55). Epousera la fille de la maison qui l’héberge ce soir-là (LP p.54).
– Charles Wolmark Pseudo : « Maurice ». Né le 21 janvier 1921 à Varsovie (Pologne), il est arrivé en France à l’âge de 2 ans. Il militait dès l’avant-guerre au sein des jeunesses communistes. Il est domicilié 96 rue de la Folie-Méricourt à Paris 11. Franc-tireur populaire (FTP) et responsable de l’Union de la Jeunesse Juive, Le 24 juillet 1944, il est arrêté par la milice à Grenoble avec Isaac Baumol, responsable de l’UJRE. Le 30 juillet 1944, il est tué à Charnècles (38). Mort pour la France. Repose au Père Lachaise à Paris (75). FTP ralliés au maquis de l’Oisans
– Czeslaw Tustanowski (Polonais) Né le 18 octobre 1916 à Przemyse (Pologne). Le 11 août 1944, participe à la tête de sa section au combat du col du Glandon. Le 21 août 1944, participe à la tête de sa section au combat de Grande-Maison. Tué au combat le 21 août 1944 à Grande-Maison – Vaujany (Isère). Mort pour la France.
– Francis Ferrer (Espagnol) Né le 05 janvier 1924 à Barcelone (Espagne). Le 17 août 1944, torturé et tué à Rioupéroux (Isère). Mort pour la France.
Reconnaître les apports de ces étrangers, comme ceux de « L’Affiche Rouge »
Ainsi la Résistance a-t-elle réuni, aux cotés des nombreux français de France, des combattants venus de lointains pays. Les combattants immortalisés sur « L’Affiche Rouge » par le poème d’Aragon n’ont pas été les seuls à s’engager.
Voir L’Affiche Rouge ==> ICI
Ils sont venus de loin, et notamment des colonies d’alors. L’Histoire a fini par reconnaître les contributions des « tirailleurs » venus d’Afrique (Sénégal et Maroc principalement) dans les rangs de l’Armée lors des deux Guerres Mondiales.
Voir « Burnous Blancs » ==> ICI
Mais les apports de ces hommes dans les combats de la Résistance sont très peu connus, très peu honorés. Je leur rend un modeste hommage avec ce texte. Ils ont écrit, par leur engagement volontaire, une partie de l’Histoire de France.
Aujourd’hui où les relents racistes émergent avec force, il faut rappeler cette face cachée de l’Histoire.
Une bande dessinée pour rendre hommage à ces hommes de la Résistance
Kamel Mouellef, auteur de bande dessinée, souhaite exhumer des oubliettes tous ces soldats qui ont participé aux combats de la Libération et qui ont pourtant laissé peu de place dans l’Histoire officielle.
Les destins qu’il retrace dans son nouvel ouvrage sont tirés de faits réels sur les tirailleurs algériens, marocains, sénégalais, tunisiens, indochinois ou encore malgaches. Des hommes, déserteurs ou évadés de camps de prisonniers, qui ont gagné les rangs des FFI durant la Seconde Guerre mondiale pour participer à la Résistance contre l’occupation allemande.
« Résistants oubliés » de Kamel MOUELLEF, Olivier JOUVRAY et Baptiste PAYEN. Editions Glénat.
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