« Le faussaire » de Yasushi INOUE (note de lecture). Une lecture qui interroge sur l’inexplicable attrait de récits d’où se dégage mélancolie, tristesse. Le récit s’égare parfois dans des détails inattendus. Qui donnent chair à l’expérience de lecture, qui demeure sensible et captivante. A noter que sur les trois nouvelles que comprend cet ouvrage, nous n’en présentons que les deux premières.

« Le faussaire »

La première nouvelle, qui a donné son titre à l’ouvrage, nous entraine sur les pas d’un journaliste d’art chargé d’écrire la biographie d’un grand peintre japonais, Ōnuki Keigaku.

Il découvre qu’un ami de ce peintre a réalisé un grand nombre de faux en imitant le maîre. Et c’est finalement à ce faussaire que le journaliste porte toute son attention. Un peintre raté. Qui a choisi la voie de la tricherie pour vivre. Qui est aussi devenu fabriquant amateur de feux d’artifices, en jouant avec la poudre. Hara Hôsen, c’est le nom du faussaire, recherche obstinément des couleurs inédites pour peindre sur le ciel de la nuit des éclats originaux de lumière éphémère.

En arrière-plan, la guerre

La nouvelle « Le faussaire » enjambe la période de guerre des années 1940. Une profonde affliction tombe sur toute une société dans la défaite et le chaos qui la suit.

Inoué évoque les voyages en train du journaliste, dans le Japon des villages de montagne. Et ses longues attentes tristes et solitaires dans les petites gares lointaines.

Mélancolie

Le parcours de Hara Hôsen s’enfonce dans l’échec. Celui de n’être pas reconnu comme peintre. Celui de devoir cacher son activité de faussaire. Son abandon sans retour par sa femme. Sa vaine recherche des couleurs avec la poudre des feux d’artifice. Et son accident qui lui fait perdre trois doigts dans une explosion lors de ses manipulations. Sa disparition sans panache dans un village reculé des montagnes japonaises.

Quel attachement à ce texte m’a empêché d’en abandonner la lecture ? De le laisser sur un coin de mon bureau, en attente de… De quoi au juste ?

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« Le faussaire » de Yasushi INOUE couverture du livre

« Obasuté »

La seconde nouvelle de ce recueil nous fait partager la légende de cette montagne où les vieux étaient abandonnés pour mourir. Abandonnés par leurs proches. Le fils porte sur son dos la vieille mère et la laisse dans la froideur des roches escarpées. Légende ? Croyance tenace ? Pratique sociale des anciens temps ?

Un rêve révélateur

L’évocation de cette sombre figure de la mythologie japonaise entraine le narrateur dans une infinie tristesse. En rêve, il se voit porter sa mère sur des collines en cherchant un lieu propice pour cet abandon. C’est la mère qui veut s’éloigner du monde. Le fils n’en peut plus de chagrin et la supplie de renoncer. De revenir vivre avec eux.

Et ce rêve lui révèle que sa sœur, son jeune frère, un oncle, ont fait chacun à leur manière, ce pas en arrière de s’extraire du monde. Qu’en est-il pour lui ?

Le lecteur attaché

Là encore, je me suis senti comme ligoté à cette lecture. Par quels mystérieux ingrédients l’auteur nous lie-t-il à cet ouvrage si sombre ? Parmi ces ingrédients, citons l’écriture. Une écriture précise, intime, anecdotique, qui génère un sentiment de proximité avec l’auteur.

Je repense à « Lisière » de Kapka XXXX [1]. Une même impression d’attachement à cette lecture, sur fond de tristesse. L’envie que le livre ne se termine pas au fil des voyages aux confins de la Bulgarie. Et des questions qui montaient en moi dans les dernières pages de lecture : comment l’auteure va-t-elle terminer son récit ? Et dans quels sentiments le lecteur (moi) va-t-il terminer sa lecture ?

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Yasushi Inoue, né en 1907 à Asahikawa et mort en 1991 à Tokyo, est un écrivain japonais. Inoue reçoit de nombreux prix pendant sa carrière et plusieurs de ses œuvres sont adaptées au cinéma. Yasushi Inoue est ceinture noire de judo. Wikipédia. Pour en savoir plus sur l’auteur, voir ==> ICI

[1] Voir la note de lecture sur « Lisière » ==>ICI