« Le lièvre de Vatanen » de Arto Paasilinna. Vatanen s’ennuye dans son travail de journaliste à Helsinki. Il n’est pas heureux dans sa relation avec son épouse. Sa vie est sans horizon… Sa vie va basculer lors d’un périple dans le Nord de la Finlande. Il heurte avec sa voiture un jeune lièvre… Il va recueillir l’animal blessé et tout quitter. Ils s’enfonce dans la forêt pour vivre en symbiose avec la nature avec son petit protégé qu’il a soigné. Un parcours plein de rebondissements, où l’auteur, Arto Paasilinna nous montre sa connaissance profonde et son amour pour la nature. Il a été bucheron dans les grandes forêts du Nord avant de devenir écrivain.

Rupture avec le monde urbain, le travail, la vie conjugale

Vatanen est déterminé. Il a récupéré le petit lièvre blessé et est bien décidé de partir. Il liquide son passé d’urbain, vend son bateau, et s’allège pour partir à l’aventure dans le Grand Nord. Que fait cet homme avec cet animal qui sautille à ses côtés ? Se demandent les gens qu’il rencontre dans son cheminement, de rencontres en rencontres.

Vatanen et son lièvre commencent par rencontrer des difficultés avec les autorités. Il obtient cependant l’autorisation officielle de garder avec lui le lièvre, une bête sauvage protégée et s’informe sur le régime alimentaire de son nouveau compagnon. Sa patte blessée guérit rapidement.

Vatanen se débat avec son employeur qui veut le ramener au travail. Avec sa femme qui ne comprend pas son départ et le menace de ses foudres.

Avec « Le lièvre de Vatanen », Arto Paasilinna nous conte des histoires marquées par un profond accord avec l’univers naturel

Que ce soit pour contribuer à la lutte contre un vaste incendie de forêt. Ou aider une vache à vêler, puis la tirer d’un marais où elle s’enlise. Abattre un pin et se faire un abri pour la nuit et un feu pour se réchauffer. Réparer une cabane en rondins. Ecarter par les moyens les plus cruels un corbeau qui lui dérobe sa nourriture… Vatanen sait tout faire dans la forêt du Grand Nord. Sa connaissance du territoire et de ses ressources lui offre une immense source de possibles.

« Le lièvre de Vatanen » de Arto PAASILINNA couverture du livre

Son itinéraire suit le cours hasardeux de ses rencontres

Les déambulations de Vatanen et son lièvre le mettent dans des situations souvent comiques dans ses rencontres avec les hommes qui peuplent le monde de la forêt.

Un pasteur pourchasse son lièvre dans son église, un Mauser à la main. Il ne réussit qu’à loger une balle dans la représentation du Christ peinte sur un panneau. Kurko, le vieil ivrogne à qui Vatanen apprend à nager, découvre, au fond d’un lac, tout un arsenal coulé pendant la seconde Guerre Mondiale. Et le vieil homme les récupère à l’aide d’engins gigantesques. Et les vend au prix de la ferraille, entre deux saouleries. De justesse, il délivre son ami le lièvre des mains d’un mystique qui a capturé l’animal pour un sacrifice selon les rites païens de la Laponie.

Plus sérieuse est sa rencontre avec l’ours brun. Le lièvre a flairé le danger. Mais c’est le début de l’hiver et le fauve s’éloigne de la Cabane des Gorges Pantelantes où Vatanen et le lièvre vivent. L’ours s’installe au creux d’un arbre pour hiberner tranquillement jusqu’au printemps.

« Le lièvre de Vatanen » de Arto PAASILINNA gravure de Dürer

L’épisode picaresque des manœuvres militaires devant les représentant d’armées alliées

Les autorités finnoises ont décidé de montrer leurs capacités offensives dans les neiges proches du Cercle Polaire. Elles vont s’installer dans une cabane que Vatanen restaure. Les officiers étrangers, accompagnés de leurs épouses, sont plutôt intéressés par l’ours … et le lièvre. La femme du représentant de Suède se prend d’affection pour le petit animal, et s’approche, le lièvre dans les bras, de la tanière où l’ours hiberne. Le grand fauve se réveille, et offre à la dame la frayeur de sa vie. Elle ne veut plus lâcher le lièvre avec qui elle a vécu cet épisode. Vatanen ne sait comment faire pour récupérer son ami.

Invitée au festin que les diplomates organisent pour les invités, la dame finit par relâcher l’animal après que celui-ci, sautillant sur la table, a semé quelques crottes dans sa soupe.

Retour à Helsinki

Le bâtiment qui avait abrité les états-majors des manœuvres prend feu, de nuit, et tout ce beau monde se retrouve dans la neige, sans habits. Un hélicoptère vient ramener les officiels à la capitale. Vatanen et son ami le lièvre sont du voyage.

Mais le lièvre tombe malade. Il se retrouve dans un centre de recherche vétérinaire. Et Vatanen perd sa liberté. Celle de se déplacer à son gré, son ami le lièvre sautillant à côté de lui, dans la nature.

Son retour en ville après ses déboires dans le Nord le déprime. Après des mois à vivre dans l’immense forêt, il n’en peut plus du respect des arbres, des rivières, des animaux. De sa bienveillance envers tous et toutes, chacun, chacune dans son délire. Il se saoule comme on peut le faire dans les pays du Nord.

Leila Heikkilä

Au sortir d’un véritable coma éthylique, il se retrouve, une femme à ses côtés, avec une super « gueule de bois ». Elle lui annonce qu’ils se sont fiancés ! Et qu’ils vont se marier prochainement.

Vatanen est heureux. Leila est belle, élégante dans sa démarche. Elle le rassure sur son statut car, avocate, elle va l’aider à divorcer.

Paasilinna nous livre à ce moment du récit un épisode douloureux, humiliant

Vatanen a retrouvé son lièvre en pleine santé. Il se retrouve dans une maison, proche d’une villa où débarquent, un soir, une bande de fêtards bruyants. Après une nuit de vacarme, les hommes de la villa viennent au matin demander du bois à Vatanen pour allumer le sauna et de la gnole pour continuer leur libations. Vatanen n’a rien à leur donner. Les hommes se fâchent, cherchent à prendre le lièvre, lâchent des chiens féroces à leur trousse. Ils battent sauvagement Vatanen [1].

Celui-ci est désespéré (p 209) « Je pars dans le Nord, à la cabane des Gorges Pantelantes. Le Sud ne me vaut rien. »

A la Cabane des Gorges Pantelantes…

Une nuit dans sa cabane, l’ours vient visiter Vatanen. Il parvient même à entrer dans la pièce en défonçant la fenêtre. Le lièvre, terrorisé, s’est caché dans un coin. Vatanen est blessé au ventre. Fou de rage, il décide de tuer l’ours.

Le lendemain, il s’équipe de provisions, de fart pour les skis, de son fusil et de 20 cartouches.

Il prend en chasse la bête qui fuit vers l’Est. Pendant plusieurs jours, Vatanen, le lièvre à ses côtés ou dans son sac, va poursuivre la bête qui cherche à s’échapper. Il suit ses traces dans la neige.

Sans relâche, Vatanen traque l’ours, toujours plus à l’Est. Un matin, il croise sur une route des panneaux écrits en cyrillique. Il a passé la frontière, le « Rideau de fer ». Aucun barbelé ne s’est pas pris dans ses skis ! Il est maintenant en URSS (le roman est publié en 1975). Vatanen continue sa traque. L’ours laisse apparaitre des marques de sa fatigue.

Arrivé au bord de la Mer Blanche gelée, l’ours s’arrête, épuisé

Il fait face à Vatanen. Celui-ci se couche tranquillement face au fauve, dans la neige. Il arme son fusil. Et le tue d’une balle dans le cœur.

Les soldats soviétique arrivent

Ils récupèrent Vatanen, le lièvre, et la dépouille de l’ours. Après quelques semaines d’échanges diplomatiques entre les deux gouvernements, Vatanen et son lièvre sont restitués aux autorités finnoises. Celles-ci sont embarrassées : mettre l’homme en prison, soit. Mais que faire du lièvre ?

Après quelques temps d’incarcération, on apprend que Vatanen et son lièvre se sont évadés. Et que Leila Heikkilä son avocate et fiancée a également disparu.

C’est la fin du roman.

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Un livre publié en 1975 et lu une première fois en 2004 avec, déjà, un immense plaisir. Une parabole écologique écrite bien des années avant que le terme ne prenne son importance. Avec humour, sans naïveté. La vie n’est pas une simple balade avec un joyeux animal à fourrure qui sautille à ses pieds. Un roman qui promène sur la modernité un regard critique.

Arto Paasilinna, né en 1942 à Kittilä est mort en 2018 à Espoo. C’est un écrivain, journaliste et poète finlandais de langue finnoise. Il est l’auteur de trente-cinq romans traduits en plus de vingt-sept langues. Il est également scénariste pour le cinéma, la radio et la télévision. Wikipédia. Pour en savoir plus, voir ==> ICI

[1] Cette scène de violence évoque pour moi une scène d’un roman indien « Un fils en or » où un jeune étudiant en médecine et ses amis, tous trois originaires d’Inde, se font agresser par des suprémacistes blancs. Même violence, même mépris, même haine. Même profil des assaillants. Voir la note de lecture pour « Un fils en or » ==> ICI