Elections en France – Russie/Etats Unis. Une situation à transposer ? Avec les risques que présente toute transposition, nous pouvons éclairer la situation au moment où le conflit militaire fait rage entre armées russes et ukrainiennes, par une comparaison avec les élections présidentielles en France d’avril 2022.

Nous proposons de réfléchir sur l’idée que le conflit entre Russie et Etats-Unis, qui prend comme terrain militaire la terre et la société ukrainiennes, a une certaine équivalence dans la bataille des idées avec la compétition électorale pour les présidentielles qui oppose le président Macron d’un côté, les duettistes d’extrême droite Marine LP et Eric Z de l’autre.

L’agression de Poutine contre la société ukrainienne est bien un acte d’extrême-droite !

Etats-Unis / Russie

Dans la position de Macron, le président Biden, en champion de la mondialisation libérale. En défenseur des grands groupes financiers et industriels qui quadrillent le monde et ont capturé les Etats. Un monde où les médias sont concentrés dans les mains de ces groupes. Où croissent les inégalités sociales facteurs de replis identitaires. Un monde où les discours camouflent l’inaction en matière de défense de l’environnement.

Dans la position de Martine LP et Eric Z, Vladimir Poutine et sa rhétorique violente de haine, sa virilité sans faille. Son nationalisme agressif, sa brutalité dans l’emploi de la force. L’exclusion raciste au cœur de sa démarche. La réécriture de l’histoire…

Dans ce débat, la position progressiste peine à se faire entendre

Elle se dilue entre les nostalgiques qui défendent ce qu’ils assimilent à la défense d’un « camp progressiste » contre l’impérialisme américain. Et d’autres qui se répartissent dans toutes les nuances de positions en soutien à la résistance de la société ukrainienne. Humanisme, non-violence, union sacrée, soutien belliciste… occupent ce segment de positions. Jusqu’à l’alignement pur et simple sur le discours du camp occidental « en défense de la démocratie contre l’autocratie ».

Ce camp occidental, Etats-Unis en tête, retrouve ainsi, à bon compte, une légitimité à se situer, pour une fois, du bon côté contre le « méchant » Poutine. Et les pays occidentaux, ainsi réunis, se rangent sous la bannière américaine.

Ni Poutine, ni Biden. La difficile voie de l’autonomie

L’urgence et les souffrances de la population ukrainienne devant l’agression morbide de l’armée russe de Poutine imposent une dénonciation sans faille de l’attaque russe. Ainsi qu’un soutien à la résistance de la population ukrainienne. Mais au-delà, l’idée d’une prise d’autonomie par rapport à chacun des deux camps peine à se faire entendre. Dénoncer Poutine ne vaut pas soutien à l’OTAN.

Une position de mise à distance des deux camps (Russie et Otan) trouve un écho dans les sociétés du Sud qui ne veulent pas choisir entre peste et choléra. En étant enjoints de se mettre sous la bannière de l’un ou de l’autre camp. Comme du temps de la Guerre Froide !

Dans cette confusion au sein des progressistes, la position de Noam Chomsky nous éclaire

Chomsky émet une condamnation sans appel de l’agression de Poutine [1]. Il en désigne des causes profondes. La pression militaire revancharde de l’OTAN contre Moscou après 1990. Le viol des engagements pris devant le réformateur Gorbatchev de ne pas intégrer les anciens alliés de l’URSS dans l’OTAN. Tout au contraire, les États-Unis ont constitué avec plusieurs de ces territoires un véritable cercle de fer menaçant la Russie.

Mais la réalité de ces causes n’excuse en rien la réponse particulièrement dévastatrice de Poutine. Qui a pris la forme de l’envahissement brutal et sanglant de l’Ukraine en février-mars 2022 qui se déroule sous nos yeux et menace la paix du monde.

Ainsi, Poutine est-il à ranger clairement dans le camp de l’extrême droite

Dans sa pensée, ses postures, ses références, ses politiques, sa violence. On pense ici à la sanglante répression en Tchétchénie en 1999-2000. A la Géorgie en 2008. Dans ses alliances en Europe, sa proximité avec Victor Orban l’autocrate hongrois.

En France, dans sa proximité avec les groupes d’extrême-droite. Le RN de Marine LP est contraint à dissimuler ses liens financiers et idéologiques avec le maitre de Moscou.

Voir ==> ICI Poutine, l’extrême-droite à l’œuvre

Lui et ses oligarques sont aussi proches des Conservateurs britanniques, dans les eaux troubles du marigot financier de la City de Londres. Nous n’oublions pas Margareth Thatcher, grand soutien de la City. Elle était amie personnelle et admiratrice du Général Pinochet. Ce Général assassin du président élu du Chili Salvatore Allende et de tant de progressistes de ce pays. Citons également Donald Trump dans sa proximité troublante et non élucidée avec Poutine.

Donc pas d’hésitation à condamner sans aucune équivoque l’invasion de l’Ukraine par l’autocrate de Moscou. Un des maitres de l’extrême droite autocratique de la planète. Et cette condamnation ne vaut en rien adhésion à la politique occidentale menée par les Etats-Unis.

Pour autant, la Russie fait partie intégrante du vaste ensemble formé par l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique

A ce titre, l’Europe doit composer avec sa géographie. La Russie est sa voisine. Et le fait, pour l’Union européenne, de s’aligner depuis 1990 sur la politique d’humiliation et de revanche portée par les Etats Unis après la dislocation de l’URSS a été catastrophique. Elle a accru le repli nationaliste de la Russie et renforcé les orientations antidémocratiques du pouvoir. Voir La Russie, notre voisine ==> ICI

Limites de la transposition

Comparaison n’est pas raison. Nous devons appliquer à notre grille de transposition deux filtres.

  • D’abord, même affaibli, le président Biden est à la tête de la puissance dominante du camp occidental. A ce titre, il supporte une responsabilité particulière notamment dans les dérèglements sécuritaires et climatiques actuels. La responsabilité est proportionnelle aux forces !

Ainsi, c’est l’agression américaine contre l’Iraq en 2003, à 10.000 km de son territoire, qui a entrainé une insécurité majeure qui touche la grande région formée par le Moyen Orient, l’Afrique et l’Europe. Les effets catastrophiques de cette agression n’en finissent pas de se propager. Comme le montre la situation en Afrique Sahélienne. Souvenons-nous que cette agression a été fondée sur des mensonges d’Etat (le prétendu arsenal nucléaire de Saddam Hussein) [2]. L’agression de la Libye par l’OTAN, aiguillonnée par le président Sarkozy, a rajouté à la responsabilité des Etats-Unis dans notre insécurité chronique. Clairement, le président français Macron ne joue pas dans cette cour des grands, malgré ses rodomontades diplomatiques.

Mais ces agressions américaines, tout aussi dévastatrices, n’ont pas entrainé une condamnation dans le monde, comme celle qui s’érige aujourd’hui contre la Russie de Poutine.

  • D’autre part, les duettistes de l’extrême droite française n’ont pas la dimension d’un dirigeant russe à la tête du plus vaste pays du monde et d’une armée puissante.

L’incertitude s’accroit encore

Alors que la pandémie du C19 semble toucher à sa fin, une autre vague d’incertitude submerge le monde. Nous pouvons nous interroger sur les conséquences des sanctions qui pleuvent sur les intérêts russes. Commerce, finance, monde cybernétique, dans un jeu aux effets inconnus entre sanctions et ripostes en contre-sanctions.

Dans tous ces domaines, les sanctions visent à couper les liens que la mondialisation a tissé depuis cinquante ans entre les pays et entre les sociétés. En un écheveau d’une incroyable densité, fait de connections inextricable sur les plans du commerce, de la finance, du numérique.

Comment la mondialisation va-t-elle évoluer avec le fait de soustraire par actions et réactions un grand pays des toiles qui la constituent ? A ce stade, la question reste sans réponse. Voir : Sanctions et mondialisation: le détricotage ?  ==> ICI

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[1] Voir le texte original (en anglais)  ==> ICI

[2] Sur ces mensonges, voir ==> ICI