« Âme brisée » de Akira MIZUBAYASHI (note de lecture). Un roman sur la perte, sur l’absence. Sur la nécessaire réparation. Sur la musique et la production d’instruments de musique. Un ouvrage qui nous rappelle l’atrocité de la haine nationaliste. Sa violence avilissante. Une histoire de reconstruction patiente, obstinée. Œuvre de toute une vie… Mais aussi un roman sur l’écriture, sur la langue. Sur l’infinie subtilité de la traduction entre japonais et français. L’auteur est écrivain et traducteur entre ces deux langues [1].

Un immense plaisir à lire ces lignes. A découvrir ou redécouvrir les morceaux de musique évoqués dans le texte (voir ci-dessous).

Une répétition de musique à Tokyo en 1938

La guerre entre le Japon et la Chine fait rage. Yu Mizusawa, musicien japonais, a composé un quatuor avec 3 jeunes violonistes chinois. Ils répètent ensemble le Rosamunde de Bach. Rei, le jeune fils de Yu, assiste à la répétition. Soudain des soldats arrivent. Yu a juste le temps de cacher son fils dans une grande armoire qui trône dans la salle de répétition. C’est de cette armoire que Rei assistera à l’arrestation des 3 musiciens chinois et de son père qu’il ne reverra plus jamais.

La logique nationaliste dans toute sa brutalité s’abat sur le quatuor en pleine répétition

Les soldats japonais se comportent avec une grande brutalité, contre ce qu’ils prennent pour une réunion de conspiration contre « Sa Majeste Impériale ». Ils frappent Yu et brisent son violon sous leurs bottes. Arrive le lieutenant Kurokami. Il est lui-même musicien. Il tente de rétablir la vérité de cette séance de répétition.

Mais un ordre du Quartier Général arrive. Les 4 musiciens doivent être remis aux autorités militaires. Le lieutenant ne peut que s’incliner. Il ramasse le violon brisé… et veut le mettre dans l’armoire. Là, il découvre le jeune garçon Rei caché, tremblant de peur.

Rei va revenir chez lui, seul, terrorisé

Il revient dans la maison qu’il partage avec son père. Sa mère est morte depuis plusieurs années. En chemin, il rencontre un chien Shiba Inu avec qui il se lie. Mais il devra s’en séparer.

Rei est pris en charge par Philippe, un ami de son père, qui va l’adopter et le ramener en France. Rei deviendra un luthier de grand talent. Il a amené avec lui le violon brisé. Il passera 12 ans à le restaurer.

« Âme brisée » de Akira MIZUBAYASHI (note de lecture) couverture du livre

Les principaux personnages du roman « Âme brisée » de Akira Mizubayashi

  • Rei Mizusawa le jeune collégien. C’est par ses yeux que nous progressons dans l’œuvre. Et tout d’abord, par ce qu’il voit d’un trou de serrure de l’armoire où son père l’a caché quand les soldats sont arrivés pour interrompre la répétition. Adopté par un ami français de son père et naturalisé français, il deviendra Jacques Maillard. Sans renoncer à son identité première de Japonais.
  • Yu Mizusawa, le père de Rei. C’est lui qui a organisé les répétitions pour former, avec trois musiciens chinois, un quatuor. Il va disparaitre à jamais, soupçonné de trahison dans le Japon nationaliste.
  • Le lieutenant Kurokami, l’homme qui rend le violon brisé à Reil qu’il découvre, terrifié, dans l’armoire où son père l’a caché.
  • Midori Yamazaki, petite fille du lieutenant Kurokami, qui va devenir une violoniste reconnue et recevoir un prix international. 70 ans après, Rei / Jacques va la rencontrer et lui offrir le violon restauré de son père. Violon que le grand père de Midori lui avait rendu, brisé, en ce jour funeste de 1938 à Tokyo.
  • La violoniste chinoise, Lin Yanfen, que Yu Mizusawa fait passer pour sa femme, pour la protéger des soldats qui ont arrêté les 4 musiciens.
  • Il y a aussi Jean-Baptiste Vuillaume, luthier français du milieu du XIX° siècle. Le violon brisé et restauré de Yu Mizusawa avait été fabriqué par son jeune frère Nicolas François Vuillaume.
  • Il y a enfin ce violon brisé, dont « l’âme » va retrouver sa place et son rôle majeur dans la production du son de l’instrument. Pour Rei / Jacques, cette restauration sera l’œuvre de sa vie.

Les morceaux de musique évoqués dans l’ouvrage, véritable « personnages » du roman

  • Le Rosamunde, quatuor à cordes de Frantz Schubert, opus 29, D. 804 [2].
  • La Gavotte en rondeau, Partita n°3 en mi majeur de Jean-Sébastien Bach [3].

Les lieux évoqués dans le roman

  • Tokyo 1938, où la scène de la répétition interrompue se déroule. Là où, 70 ans après, Rei / Jacques retrouvera Midori Yamazaki la jeune violoniste primée. Il lui remettra le violon de son père qu’il a mis 12 années de travail à restaurer. Ce violon que le grand-père de Midori lui avait remis, brisé sous les bottes de la soldatesque nipponne.
  • Paris où Rei / Jacques est devenu un luthier reconnu. Il vit avec Hélène qui fabrique et répare les archets, une archetière.
  • Crémone en Italie où Rei / Jacques va parfaire sa formation de luthier pendant plus de 10 ans, auprès de grands maitres.
  • Mirecourt dans les Vosges où Rei / Jacques commence sa formation. C’est là qu’il rencontrera Hélène l’archetière.
  • Shanghai où Rei / Jacques va retrouver Lin Yanfen 70 ans après. La vieille dame va mourir apaisée par le lien que Rei / Jacques va rétablir avec son histoire de jeune musicienne à Tokyo. On devine qu’elle a aimé Yu Mizusawa qui l’a présentée comme sa femme face aux soldats au moment de leur arrestation.

Pour rester dans cette atmosphère franco-japonaise, dense et subtile, on pourra voir les notes de lectures des romans d’Aki Shimazaki :

  • « Le poids des secrets » – Voir le premier roman de la série  ==> ICI
  • « Au cœur du Yamato » – Voir ==> ICI
  • « L’Ombre du chardon » – Voir  ==> ICI

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[1] Akira Mizubayashi (水林 章, Mizubayashi Akira) est un écrivain japonais d’expression japonaise et française. Pour en savoir plus sur l’auteur, voir ==> ICI

[2] Ecouter le Rosamunde de Schubert par le Quatuor Ardeo : Carole Petitdemange, Mi-sa Yang (violons), Yuko Hara (alto) et Joëlle Martinez (violoncelle) – France Musique  ==> ICI

[3] On peut écouter cette Gavotte de Bach exécutée par Deborah Nemtanu – France Musique  ==> ICI