Comme deux éléphants dans un magasin de porcelaine : la nouvelle Guerre froide – Les deux éléphants, ce sont bien sûr les USA et la Chine. Et le magasin de porcelaine, c’est notre fragile planète terre. On devrait plutôt dire #2elephants dans le magasin de porcelaine ! Je tire cette expression d’un échange avec un professeure de sciences politiques d’origine chinoise enseignante aux USA.
La fin de la domination absolue des USA sur le monde
Cette situation de deux éléphants tient à la fin d’une période. Celle ouverte après la 1° Guerre Mondiale où les USA s’installent, seuls, en position d’hégémonie absolue sur le monde.
Depuis les années 1970, la mondialisation a fait émerger de nouveaux acteurs, notamment la Chine. Cette émergence conteste clairement la position d’hégémonie absolue des USA. Comment y répondent ils? Par une posture guerrière que Trump a fortement appuyé et que Biden, avec d’autres manières, va maintenir (*). Cette position guerrière a été attisée par un président américain fâché de voir une autre puissance s’inviter à la table où il pensait être le seul à être légitime à écrire les règles du jeu. Un monde où il aurait « naturellement » l’exclusivité de ce pouvoir.
L’Observatoire des Armements vient de publier le « palmarès » des dépenses militaires effectuées en 2019 (voir ==> ICI). Sur presque tous les continents, les dépenses progressent.
Les Etats Unis, avec 732 Milliards de dollars, représentent 38% des dépenses mondiales d’armement. La Chine, avec 261 Milliards, suit avec 14% des dépenses. Viennent ensuite l’Inde (71 Mds pour 4%), la Russie et l’Arabie Saoudite pour respectivement 64 Mds et 62 Mds, soit 3% du total des dépenses mondiales.
La posture guerrière des Etats Unis est une adaptation au XXI° siècle de la « Destinée manifeste » construite au XIX° siècle aux USA pour justifier « moralement » la violente et irrésistible conquête de l’Ouest par les pionniers américains. Une conquête basée sur l’expropriation des terres des Indiens d’Amérique.
Voir sur la « Destinée manifeste » ==> ICI
La crise du Coronavirus révèle et accentue cette perte d’hégémonie absolue sur le monde. Les USA sont premiers. Mais c’est un funeste classement, puisque c’est en nombre de morts de cette pandémie !
Un retour à une nouvelle « Guerre Froide » [1]
Nous avons une référence pour une telle situation d’affrontement entre deux superpuissance. C’est ce qui a prévalu entre 1947 et 1991 dans le monde. Entre les USA et l’URSS. La première « Guerre froide » a duré 45 ans. On voit se remettre en place aujourd’hui les mêmes mécanismes.
Avec, tout d’abord, le mensonge institué
La guerre se manifeste par le déferlement de fausses informations sur « l’autre ». Comme dans toutes les guerres, la vérité est la première victime du conflit. La propagande devient une arme de guerre prise en main par les instances les plus hautes, de part et d’autre. Les nouvelles technologies viennent aujourd’hui « enrichir » cette guerre d’armes nouvelles, mais les fondamentaux sont les mêmes.
Une intense bataille idéologique
Pendant les années de cette première « Guerre froide », la bataille idéologique sur les vertus de chacun des systèmes fait rage. Elle trouve des milliers de combattants dans chaque camp. Intellectuels engagés ou payés. Journalistes sincères ou manipulés. Diffuseurs d’informations, de vérités, ou de mensonges. La bataille ne cesse pas. Elle emprunte les habits de la culture. Des films sont engagés sur le terrain des opérations. Consolidant dans chaque camp l’image idéale de soi et l’image d’horreur de l’autre.
La course à l’Espace entre en jeu comme manifestation de la supériorité technique et politique d’un système. C’est l’URSS qui envoie dans l’Espace le premier homme en 1961, Youri Gagarine.
De même le sport. Tout est instrumentalisé au service de cette guerre sans merci.
Et une course aux armements
Cette « Guerre Froide » se traduit par la production d’armes nucléaires de plus en plus puissantes, capables de détruire plusieurs fois la planète. Des ressources colossales vont s’engouffrer dans cette course. Avec une dissémination de l’arme nucléaire aux autres pays que les grandes puissances tentent de contrôler ou de manipuler.
Il y a ce surarmement. Mais le « Téléphone rouge » relie en permanence les dirigeants des deux superpuissances. Il y a donc la volonté de garder « froide » cette guerre entre les deux protagonistes. De ne pas déclencher un affrontement ouvert entre URSS et USA qui serait à coup sûr destructeur pour chacun d’eux.
C’est au travers de leurs alliés respectifs que la guerre se mène en conflits ouverts. Avec à la clé des ventes d’armes de la part de chacun des camps.
Le monde se fissure en deux camps, le Tiers monde émerge difficilement
La #guerrefroide, c’est aussi l’injonction à tous les autres pays de rejoindre l’un ou l’autre des camps en présence. Alliés des USA, défenseurs du « Monde libre » d’un côté. Bloc soviétique et ses pays satellites de l’autre. Entre les deux, le « Rideau de fer » infranchissable. Sauf pour les espions qui pullulent de part et d’autre. Mais aussi pour la propagande déversée par les ondes de l’autre côté de ce Rideau de fer. Le monde se coupe en deux, chacune des « Super-puissances » entraîne avec lui ses pays clientélisés.
La décolonisation va élargir le champ de cette concurrence entre les deux blocs. Chacun des dirigeants des pays nouvellement indépendant va jouer de cette concurrence pour tenter de tirer son épingle du jeu. La Guerre Froide se joue en guerre brûlante entre pays pris dans ces alliances clientélistes. En Asie et en Afrique notamment. Mais aussi au sein des pays. Ainsi, en Indonésie, le pouvoir soutenu par les USA provoque au milieu des années 60 un massacre de masse contre le Parti Communiste local qui fera 500.000 morts.
Se forme le camp des « Non alignés » entraîné par trois grands dirigeants de ce qui va devenir le Tiers Monde
Nehru pour l’Inde, Nasser pour l’Égypte, et Tito pour la Yougoslavie forment ainsi en 1961 le « Mouvement des Non Alignés » qui tentent de résister à l’attraction qu’exercent l’une et l’autre des « Super-puissances ». Ils se proclament neutres dans cette « Guerre froide ».
Voir les Non-alignés ==> ICI
Il y a aussi les pays traitres qui changent de camp, comme l’Egypte en 1978. Qui passe du camp soviétique au camp américain en reconnaissant l’Etat d’Israël. Ce passage se fait en échange d’une rente de 2 Milliards de dollars par an versée par les Etats Unis au gouvernement égyptien. Une rente qui court jusqu’à aujourd’hui.
La « Guerre froide » a pris fin avec l’effondrement de l’URSS en 1991
Ronald Reagan, président des USA, avait déclaré au milieu des années 80 que puisqu’il était en « Guerre froide » contre l’URSS, il allait gagner cette guerre. Et ne plus se contenter d’une guerre ouverte par alliés interposés. On connait la suite de cette histoire, avec l’implosion de l’URSS et le triomphe des USA.
Pour en savoir plus sur la « Guerre froide » ==> ICI
La « Fin de l’Histoire » ?
Aux USA, des intellectuels ont cru à la « Fin de l’Histoire », puisque la victoire du système américain dessinait pour l’humanité entière le modèle indépassable de la « démocratie de marché pour tous ». On sait que cette « Fin de l’Histoire » n’était qu’une projection du Nord de ses propres fantasmes sur l’ensemble de la planète. Au Sud, des pays revendiquent un rôle moteur pour faire avancer l’Histoire. La leur et celle du monde.
L’émergence de nouveaux pays industriels est bien le signe que l’Histoire continue de s’écrire. Et que l’horizon n’est pas occupé que par une seule image. D’autant que cette image d’un système occidental idéalisé s’est fêlée. Avec en son sein les contestations sociales et identitaires. Avec le grippage de la démocratie et les effets dévastateurs pour l’environnement de l’économie de marché.
Aujourd’hui, on retrouve une configuration semblable. Avec deux éléphants dans le magasin de porcelaine
Nous devons, plus que jamais, nous pencher sur cette première « Guerre froide » pour voir les pièges dans lesquels les sociétés peuvent tomber. Parmi ces pièges, par exemple, se faire le relais des mensonges des uns contre les autres. En suivant les ordres de l’un contre l’autre. C’est-à-dire en perdant la maîtrise de notre vie sur nos territoires. En nous alignant dans le camp de l’un contre l’autre. C’est-à-dire en perdant la souveraineté de nos relations avec les autres sociétés, les autres pays, les autres continents.
Il faut intégrer le fait que, cette fois, ce nouvel affrontement de super-puissances s’effectue entre deux systèmes de pensée radicalement différents. Voir sur ce sujet==> ICI
Et l’Europe ?
Le vieux continent va-t-il se transformer en ramasseur des débris de porcelaine que les #2elephants vont immanquablement casser ? Ou, pire, va-t-elle se laisser entraîner dans cette guerre contre la Chine en s’alignant comme vassal des USA ?
L’Afrique ?
Les pays d’Afrique vont-ils rejouer la carte des clientèles ? Des mises en concurrence des deux puissances ? Des changements d’alliance comme on change de maître ?
La Russie, l’Inde ?
Ces deux pays vont jouer dans cette arène leur jeu propre, avec leurs poids et leurs fragilités spécifiques. Pouvant troubler parfois ce duo des #2elephants. Mais sans prétendre, à horizon prévisible, prendre une place de 3° éléphant.
La Chine ?
Nous devons rester lucides sur ce grand pays. Il manifeste de plus en plus ses ambitions de puissance. Avec le souvenir de son humiliation au XIX° siècle par les « Traités inégaux ». Il veut redevenir « L’Empire du milieu ».
Nous devons cependant garder en mémoire 2 faits essentiels concernant la Chine
1/ Dans son histoire millénaire, le Chine n’a jamais envahi d’autres pays. 2/ Mais elle se montre féroce dans la défense de ses marges. Tibet au Sud-Ouest, pays des Ouïghours au Nord-Ouest, Taiwan à l’Est, Hongkong au Sud. Sans oublier ses frictions au Sud avec le Vietnam en Mer de Chine. Les populations vivant dans sa périphérie immédiate subissent sa répression brutale ou l’expression de sa force.
Ce rapport à l’autre ne correspond pas du tout à la façon d’envisager le rapport au « reste du monde » qu’a eu l’Occident depuis des siècles. Un rapport de domination à visée universelle. Pour la Chine, il en va autrement. Et depuis des milliers d’années.
Yasushi Inoue, dans son recueil de nouvelles « Lou-Lan », nous rappelle qu’il y a plus de 2000 ans, l’Empire de Chine cherchait à sécuriser ses frontières de l’Ouest en satéllisant les petits royaumes instables. Mais pas en entreprenant une conquête de ces vastes régions. Voir ==> ICI
Nous devons désormais apprendre à vivre avec deux éléphants dans le magasin de porcelaine !
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|1] Guerre froide : en anglais Cold War ; en russe Холодная война, Kholodnaïa voïna.
Sur la première rencontre USA-Chine sous la présidence de Jo Biden, voir l’article de Pierre-Antoine Donnet dans Asialyst ==> ICI
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[…] [6] « Comme deux éléphants dans un magasin de porcelaine » voir ==> ICI […]
[…] [3] « Deux éléphants dans la boutique ». Voir ==> ICI […]
[…] [4] Voir sur les « deux éléphants » ==> ICI […]