USA – Chine : la nouveauté radicale de ce conflit du XXI° siècle. La montée en puissance de la Chine bouleverse les équilibres mondiaux. C’est banal de le dire. Une puissance économique qui se double, désormais, d’une puissance politique (re) naissante.

 Prenons du recul. Sur son histoire millénaire, la Chine n’a jamais été une puissance « impérialiste » au sens que ce mot a pris dans les emprises sur le monde que les pays d’Europe puis les USA ont déployé, sous différentes formes, avec le triptyque armée / église / commerce.

 Jamais conquérante, mais féroce sur ses marges

 Si la Chine n’a jamais conquis des espaces à la mesure de sa taille, elle a toujours accordé à ses marges la plus grande importance. Aujourd’hui, elle défend les territoires de sa périphérie immédiate avec une grande vigueur. Et sans grande considération vis-à-vis des populations qui y habitent. Mais avec un soucis des impacts de ces actions sur les équilibres géostratégiques régionaux (avec l’Inde notamment) et mondiaux (avec les USA). En tournant selon le sens des aiguilles d’une montre, on voit la ferme détermination de l’Empire du Milieu à l’égard de Hongkong, –> de Macao, –> du Tibet, –> de son extrême Nord-Ouest Ouïghour, –> à l’Est vers Taiwan, –> au Sud dans la Mer de Chine vis-à-vis du Vietnam.

 

La nouveauté radicale de l’affrontement entre l’ancien (les USA) et le nouveau (la Chine)

 Les termes de ce conflit sont radicalement inédits. Dans l’ancien monde, au temps du rayonnement sans partage des pays « occidentaux », les conflits majeurs se déroulaient entre sociétés ayant des fondements culturels communs. Dont la religion chrétienne par delà ses diverses expressions.

 Entre Espagne, France, Hollande et Angleterre (aux XVI° et XVII° siècles), puis entre Angleterre et France au XIX° siècle. Puis, deux fois dans le XX° siècle, le monde s’est embrasé dans un conflit entre Allemagne et Italie d’une part, « Alliés » d’autre part, formés par le trio principal France-Grande Bretagne-Etats Unis.

 Enfin, entre USA et URSS. Par-delà les différences de systèmes politiques et économiques qui séparaient ces deux « super-puissances » de la Guerre Froide, les racines culturelles puisaient aux mêmes sources. Marx, intellectuel européen, a élaboré une pensée critique vis-à-vis du capitalisme. Mais une pensée basée sur des fondements nés dans le pot commun des idées forgées en Europe.

 Les grands affrontements entre puissances dominantes des derniers siècles se sont bien déroulés entre pays qui avaient en commun un même référentiel de pensée.

 

Dans le conflit qui s’amorce entre USA et Chine, on sort de cette configuration

 Les termes de ce conflit vont désormais se situer dans deux espaces mentaux différents ! Même si la Chine a conquis sa force en s’appropriant des éléments du capitalisme [1]. Même si la poussée de l’individualisme traverse en profondeur la société chinoise [2], elle conserve un fort sentiment national sur son identité. Et le souvenir reste vif de l’humiliation subie du fait des « Traités Inégaux » imposés par les puissances impérialistes au XIX° siècle : Grande Bretagne, France, Japon, USA.

 

Mais il y a autre chose

 Le référentiel de pensée et l’horizon temporel de la société et des dirigeants chinois sont profondément différents de ces mêmes éléments dans les sociétés occidentales. Et dans ceux des USA tout particulièrement. François Jullien nous fait pénétrer dans la pensée qui structure la civilisation chinoise depuis la nuit des temps [3]. Notamment dans son livre « Entrer dans une pensée » (2012). S’il inclue la Chine dans un universel commun, il l’appréhende à partir des écarts entre systèmes de pensée plus que par leurs points semblables. Il livre ainsi aux sociétés occidentales une entrée dans la pensée chinoise, en levant un coin du voile sur l’importance de ces écarts.

 

Et la « Nouvelle Route de la soie » ?

 Pour la première fois de son histoire, la Chine sort de son rapport au monde tourné sur elle-même. Elle qui a été la grande gagnante de la mondialisation libérale engagée par les pays occidentaux, s’y lance avec résolution. Mais à sa façon. Non par un projet de conquêtes territoriales, mais par la construction de « routes » commerciales, infra-structurelles, culturelles, politiques.

 Les routes de la soie, un schéma en pleine évolution

 Ce projet semble échapper à l’histoire longue de l’Empire. Avec ce déploiement selon des « routes » franchissant continents et océans. Atteignant les quatre coins de la planète. Des routes encore à préciser, mais qui pourraient finir en Amérique Latine. Après avoir traversé, par voies de terre et voies maritimes, l’Asie, l’Afrique et l’Europe.

 Cette inflexion majeure dans le rapport au monde de la Chine connaîtra-t-elle le succès escompté ? A ce stade, la réponse reste incertaine. D’autant que la sortie de la pandémie du Covid-19 reste encore pleine d’inconnues pour le pays, comme pour le reste du monde.

 

Dans cette histoire, l’Europe, ancienne force qui avait dominé le monde, regarde ailleurs, impuissante.

 Elle ne devient qu’une étape sur les Routes de la soie ! L’Europe ne finit pas de se consumer par les effets souterrains de ses deux « suicides collectifs » qu’ont représenté les Guerres mondiales du XX° siècle. Elle s’est dotée, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, d’une ambition commune, l’Union européenne. Mais celle-ci a sombré dans l’impuissance méthodiquement organisée avec la soumission à l’idéologie libérale de ses élites politiques. Un triomphe de la politique britannique dans son entrisme à Bruxelles !

 Une idéologie qui livre les sociétés atomisées aux appétits sans freins des forces économiques et financières. Des force qui ont « capturé » les Etats. La pandémie et ses réponses sanitaires a illustré cette capture des décideurs politiques. Mais aussi des institutions multilatérales comme l’OMS. Capture qui passe ici par celle de la science. On assiste ainsi à une accélération de la « tropicalisation » du Monde premier [4], celui qui avait conduit le « progrès », la « modernité », jusqu’à la domination du monde entier par la colonisation… Puis la mise en danger des conditions mêmes de la vie sur terre.

 Dans le bras de fer entre USA et Chine, l’Europe reste sans outils intellectuels ni volonté pour penser et trouver sa place dans le monde.

 

Ambitions chinoises

 « Pourvu que les USA ne s’effondrent pas trop vite, nous ne sommes pas prêts à prendre la relève », disait au milieu des années 2000 le dirigeant d’un think-tank chinois à Mark Léonard [5]. Mais cette période semble révolue. Les dirigeants chinois accroissent leur ambitions quant à leur rôle dans le monde. D’autant que l’agressivité du Président Donald Trump à leur égard accélère sans doute le pas de l’Histoire.

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[1] Voir « La voie chinoise. Capitalisme et Empire » ==> ICI

[2} Voir « Shanghai Baby »  ==>  ICI

[3] Sur François Jullien Voir ==> ICI

[4] Xavier Ricard Lanata : La tropicalisation du monde. PUF, 2019.

{5] « What does China think? »  Voir ==> ICI

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« La Chine, l’altérité radicale ! » ==> ICI

 


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