Les deux vaches post-modernes – Une balade dans la banlieue Sud-Est de Paris. Randonnée entre les stations du RER A Sucy-Bonneuil et Boissy Saint Léger, fin de la ligne. La banlieue comme lieu indéfini. Ni ville, ni campagne. La « banlieue », un lieu mis au ban ? « Paillasson sur lequel on essuie ses souliers avant d’entrer en ville » [1] ?

Les cœurs des vieux villages sont totalement noyés dans cet « indéfini ». On les restaure maintenant. Ainsi celui de Boissy St Léger avec sa vieille église, son petit château devenue un bâtiment des Douanes. Des maisons de maître, anciennes fermes, devenues maisons bourgeoises. Le raccord avec le cœur de ville moderne est souvent raté. De vieilles maisons voisinent avec des immeubles plus récents mais totalement laids. Et enlaidis par des publicités et décorations commerciales ostensibles pour attirer le client. Surtout autour de la station du RER.

 Tout autour, des alignements de « pavillons de banlieue »

 Certains très élégants, le plus souvent les maisons anciennes. D’autres tristement modernes, certains en « carton-pâte ». On trouve aussi des cheminements le long d’étroits sentiers qui serpentent entre les jardins. De beaux espaces comme le Parc du Morbras. Un parc qui chemine le long de la rivière du même nom, que va se jeter dans la Marne. Un grand lieu vert avec ses espaces vastes, ses arbres aux couleurs bien composées. Un vrai travail de jardinier ! Et aussi la Coulée verte que l’on peut rattraper dans le prolongement du Parc, vers Boissy St Léger. Une coulée verte boisée, avec de vastes pelouses.

 

Sur le Parc du Morbras ==> ICI

L’itinéraire de la randonnée est difficile à suivre

 Les signes du GR14 sont rares, souvent peu visibles. Je cherche mon chemin. Rencontres avec de rares passants y compris dans les zones pavillonnaires. Je demande ma route. On m’accueille avec beaucoup de gentillesse (« ils sont gentils, les banlieusards »). Mais avec autant d’étonnement : « vous êtes à pied ? ». C’est presque inconcevable en banlieue où chacun est tenu d’avoir une voiture. Comme je réponds que je suis à pied, on m’indique l’arrêt du bus qui me ramènera à la station du RER. Ce n’est pas ce que je cherche. Je veux marcher ! Et j’ai mon appareil photo comme un touriste. C’est cela, je fais du tourisme dans le département du Val de Marne.

 Je pense ici à l’aventure RER de François Maspero, qui a traversé du Nord au Sud l’Ile de France en suivant la ligne B du RER, de Roissy à Saint Rémy lès Chevreuse, faisant étape dans quelques unes des stations, mais en évitant Paris. En 2004, il en avait fait un livre passionnant : « Les passagers du Roissy Express ».

 Je poursuis ma ballade après le Parc du Morbras et je m’engage dans la « coulée verte ».

 

Les deux vaches post-modernes - - La coulée verte, au fond, commune de Sucy 94
Le chemin dans la « coulée verte »

 Surprise, on rencontre deux vaches

 Deux belles vaches qui broutent consciencieusement l’herbe. En plein « éco-pâturage », nouveau concept. C’est même pour cela que le Département a mis ces vaches en cet endroit. Des vaches d’une race particulière, que l’action publique vise à restaurer, comme indiqué sur le panneau (voir la photo). Un discret fil électrifié limite leurs déplacements. J’imagine qu’une personne vient les traire chaque jour, et s’assurer que leur abri est bien fourni en paille.

 Deux vaches post-modernes !

 belle vache post-moderne en plein travail

La première vache en plein travail d’éco-pâturage

 

Les deux vaches post-modernes - - belle vache post-moderne en plein travail 2
Et la seconde, tout autant appliquée à sa tâche

 Plus loin, un abri pour les hérissons

 Avec une affiche qui signale que le tas de bois disposé par les jardiniers n’est pas là par hasard. Et qu’il ne faut pas le déranger. C’est un lieu refuge pour les hérissons, où ils peuvent se cacher. Là encore, un panneau explique la démarche au passant urbanisé.

 

Panneau pour expliquer la présence du tas de bois mort pour confectionner un abri pour hérissons
C’est le hérisson qui parle sur l’affiche

 

Les deux vaches post-modernes --Tas de bois mort pour confectionner un abri pour hérissons
Le tas de bois pour comme cache pour les hérissons !

Il n’a manqué qu’un « hôtel pour insectes », et on avait la panoplie complète.

 Une magnifique illustration de la post modernité

 Ces vaches sont là pour brouter l’herbe, pour assurer la survie de cette race menacée, pour le bonheur des promeneurs, pour l’instruction des enfants…. Voilà le sens que l’on donne au XXI° siècle à la présence de ces deux mammifères. Des animaux domestiqués par l’homme depuis des dizaines de milliers d’années. Le lieu ? une « coulée verte », encore un mot post moderne. On pourrait parler tout simplement de champ. Mais non, c’est une « coulée verte » !

 Les animaux sauvages, comme les hérissons, sont menacés par l’action de l’homme, notamment la bétonisation des sols et la fréquentation humaine croissante des lieux de nature. Il faut intervenir pour protéger ces espèces sauvages. Dans tous les parcs, on trouve de plus en plus des « hôtels pour insectes ».

 C’est plus facile pour les hérissons et les insectes que pour les ours des Pyrénées ! Pas de mouton à manger ! Pas de bergers et d’écologistes à accorder.

 Bon, on trouve cela plutôt bien cette protection des espèces rares, vaches et hérissons !

 Surtout si cela ne se substitue pas à d’autres actions nécessaires pour protéger l’environnement, à une échelle plus grande !

& & &

[1] Je ne me souviens pas de qui est cette citation. Qui peur m’aider à en retrouver l’auteur ?

 Merci Zoé d’avoir répondu à la question. C’est Ferdinand Céline dans la préface à un ouvrage ami à lui, Alfred Serouille, consacré à la ville de Bezons en Île de France. L’expression exacte est : « Pauvre banlieue parisienne, paillasson devant la ville où chacun s’essuie les pieds… »

 

Modernité et post-modernité, voir ==> ICI

 


© 2023 Jacques Ould Aoudia | Tous droits réservés

Conception | Réalisation : In blossom

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