TINA et DAECH vont en bateau

Non c’est pas le début d’une chanson pour les enfants. TINA et DAECH sont les deux figures grimaçantes des forces qui cherchent à structurer le monde selon leur grammaire. Au niveau international comme au sein de chacune des sociétés, au Nord comme au Sud.

 

TINA, c’est l’acronyme en anglais de « Il n’y a pas d’alternative » (There Is No Alternative)

 

C’est le slogan politique lancé par Margareth Thatcher pour faire passer le tournant libéral dans les années 80 quand elle était 1er ministre du Royaume-Uni. TINA, c’est la mondialisation libérale. Le libre-échange qui ruine les productions locales. C’est la toute puissance de la finance internationale qui tient la dette des Etats dans ses mains. C’est la montée des inégalités et des crispations identitaires partout dans le monde…

 

TINA, c’est la démission des Etats devant les marchés

 

C’est l’impuissance des Etats devant les banques. Des banques qui viennent mendier l’argent public en temps de crise. Mais qui reprennent leurs prédations dès qu’elles sont remises en selle. Mais c’est aussi la lutte contre le réchauffement climatique laissée entre les mains des multinationales. C’est la capture de la science par ces firmes pour mieux capturer les Etats : « le glyphosat n’est pas cancérigène » disent elles. Comme pour le tabac en son temps. Ce sont les mensonges des grandes firmes. Sur les performances environnementales des automobiles par Volkswagen par exemple.

 

TINA, c’est la prétention à l’universel

 

Pour TINA, les solutions libérales sont à appliquer à l’identique à toutes les sociétés. Et ce, puisque le monde est peuplé d’une façon homogène d’homo œconomicus ayant partout et de tous temps le même comportement : maximiser sa satisfaction individuelle, sans égards pour les autres. Cette pensée est la négation de la diversité des sociétés, de l’histoire, des cultures qui forment les identités… Tina, c’est aussi la lutte de tous contre tous. Le carburant de la radicalisation de l’individualisme, de l’indifférence, de la solitude.

 

Et DAECH ?

 

DAECH, c’est le coup d’Etat permanent. C’est la tentative à chaque attentat, à chaque décapitation, à chaque massacre, de prendre le pouvoir sur la communauté musulmane dans le monde. « Reconnaissez-nous comme vos dirigeants ! Ou soyez perdus avec les mécréants ». C’est la tentative permanente de dresser les communautés de culture musulmane contre les autres. C’est l’horreur assumée, revendiquée, et communiquée avec succès.

 

DAECH, c’est aussi la prétention à l’universel

 

La volonté d’imposer un mode de vie et de pensée à toute la planète. En attendant la conversion de toute l’humanité à ses thèses. C’est la haine de l’autre poussée à son paroxysme. « Nous les vrais croyants » contre tous les autres, mécréants, « mauvais musulmans », infidèles…

 

 

DAECH, c’est l’autre face, tragique, de la mondialisation

 

C’est un refus des nationalités, des identités, des savoirs et des cultures profanes. Un refus des autres religions. Avec la destruction des Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, les attaques contre des églises au Sri Lanka et ailleurs. Une négation de l’histoire. Avec la destruction de Palmyre en Syrie, de tant de sites antiques en Iraq. Mais aussi des mosquées pluri-séculaires à Mossoul, des mausolées musulmans à Tombouctou, des lieux saints en Tunisie, en Algérie… C’est une fascination pour la mort, celle des autres, la sienne.

 

 

TINA et DAECH, les frères ennemis

 

Les deux prétendent à l’universel. Les deux nient les cultures, les identités, la diversité qui fait la richesse de l’humanité… Ils forment les deux faces de la mondialisation. D’ailleurs, les deux sont reliés par les réseaux sociaux, par les transactions financières dans le secret des grandes banques (1). Les deux sont pourvoyeurs de mensonges, ces fake news qui pourrissent l’information et nous font basculer dans la « post-vérité ».

Les guerres d’Iraq et de Libye, aux conséquences désastreuses, ont été déclenchées sur la base de mensonges du coté de TINA. Les mensonges sur les femmes offertes qui attendent au paradis les jihadistes du coté de DAECH. Comme carburant de la mort de Bagdad à Bamako, de Tunis à Paris, de Londres à Madrid, de Casablanca à Nice… La mort de soi et la mort des autres.

 

TINA et DAECH vont en bateau

 

TINA et DAECH : le premier nourrit le second

 

Le premier, TINA c’est l’agression sociale et identitaire de fractions de plus en plus larges des sociétés. Au Nord comme au Sud. Une vaste agression qui produit ces crispations identitaires (sur la religion, sur le régional, sur la langue, sur la race…) qui nourrissent le mouvement vers DAECH.

voir –> Madame Clinton la CAUSE, Monsieur Trump l’EFFET

 

Et ces crispations identitaires parviennent à s’exprimer dans les urnes, au point de porter « démocratiquement » l’extrême droite au pouvoir par des élections non contestées. Hitler le fut avant eux. Dans le plus grand désordre (et à des degrés divers) on trouve : Bolsonaro au Brésil, Modi en Inde, Orban en Hongrie, Trump aux Etats Unis… Mais aussi Netanyahou en Israël, Assad en Syrie, Duterte aux Philippines, Alvi au Pakistan.

Sans oublier Sissi en Egypte, Kim Jong-Un en Corée du Nord, Erdogan en Turquie, Duda en Pologne, Salvini en Italie, Ben Salman en Arabie Saoudite (non élu), Ahmadinejad (avant) en Iran, j’en oublie… Et sans compter les suprématistes blancs, de Norvège, aux Etats Unis, en Nouvelles Zélande, et les partis d’extrême droite qui fleurissent en Europe.

TINA et DAECH dans le même sac 

 

Qu’est ce qui rassemble tout ce beau monde, au point de le mettre dans le même sac que DAECH ? C’est la haine de l’autre, comme système de pensée, de comportement. Comme façon de faire de la politique, en sollicitant toujours la face sombre des êtres humains: « laissons-nous aller à la détestation de l’autre… ».

voir –> Tous racistes ?

 

Bien sûr, manier la haine d’autrui comme argument principal conduit à haïr aussi son voisin dans cette cohorte. Ainsi, Netanyahou, Ben Salman et Trump menacent et asphyxient l’Iran. Modi et Alvi se menacent régulièrement. DAECH fait exploser ses hommes contre Sissi, Erdogan, Assad et Ben Salman. Assad et Erdogan s’entretuent par kurdes interposés…

On a l’impression d’une masse de déchets plastiques qui envahit les océans, une masse dont DAECH forme la pointe avancée.

 

TINA d’un coté, DAECH et sa cohorte de l’autre, cherchent à nous entraîner dans le même bateau. Même s’il reste encore de la vie chez le premier et la possibilité de construire une alternative. Ce qui fait une différence.

 

TINA se place toujours du coté du Bien

 

TINA ne peut faire que le Bien. D’ailleurs, il livre des armes pour le Bien. Il intervient dans les pays pour le Bien (les Droits de l’Homme). Il combat la pauvreté (chez les autres) pour le Bien. Et il éradique les maladies en Afrique pour le Bien. Mais aussi il fait discrètement assassiner des dirigeants élus, pour le Bien ! Comment peut-on être opposé à une force qui ne fait que du Bien ?

 

Et quand il se sent menacé, il frappe fort et organise le déni de sa violence. «Dans un Etat de droit, il n’y a pas de violence policière » dit-on de ce côté. Le libéralisme autoritaire s’installe progressivement, quand le voile qui masque l’injustice se déchire. Vite, vite, retissons le voile, revenons à la posture du Bien. La presse dominante entre les mains des puissants fait alors son travail.

 

 

DAECH se place en miroir du coté du Mal

 

DAECH revendique le mal. C’est ce qui fait son irrésistible attrait pour ces jeunes du monde entier qui l’ont rejoint. Et c’est le mal absolu. La haine assumée, proclamée haut et fort. Sans espace à partager avec quiconque. On ne négocie pas avec DAECH (du moins officiellement).

 

Et tous les petits, les moyens, les grands fascistes qui font cohorte du coté de DAECH (voir ci-dessus) se situent aussi du coté de la haine assumée. « Le plus important est d’identifier son ennemi » est leur obsession. Une obsession pour pouvoir haïr et canaliser l’angoisse de leurs sociétés contre une cible bien claire. Les musulmans, les juifs, les palestiniens, les chrétiens, les chiites, les homosexuels, les intellectuels, les immigrés, les athées, les réfugiés, les gens de l’autre coté de la frontière, de l’autre religion… il y a tant et tant à faire sur le marché de la haine de l’autre !

 

Ainsi, on assume à la face du monde son mépris de classe, son racisme, sa haine des minorités…, au nom du refus du « politiquement correct ». Et la haine se déverse à grands seaux !

 

TINA et DAECH vont en bateau

 

Et la gauche dans tout cela ?

 

La gauche est broyée entre les deux faces de cet horreur. Horreur libérale d’un coté, horreur fasciste de l’autre qui agissent comme des aimants. Des aimants qui attirent d’un coté les dirigeants et les couches urbaines instruites gagnantes de la mondialisation (c’est la trahison de la social- démocratie qui soutient TINA). Et de l’autre, les couches populaires perdantes de la mondialisation, qui dérivent vers l’extrême droite.

 

Il faudra du temps pour reconstruire une voie humaniste, sociale, démocratique, ouverte sur la diversité du monde. Autour de la défense de la vie sur notre planète. Finalement, en comptant sur les pulsions de vie, que TINA et DAECH et ses émules détruisent, chacun à leur façon.

 


(1) Arjun Appadurai, Géographie de la colère, Payot, 2007.

 


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