« Le ciel par-dessus le toit » de Nathacha APPANAH. C’est un roman sombre que nous propose l’auteure. Un récit où l’absence d’amour coule les relations dans le froid de l’acier. La mère reproduit vis-à-vis de ses deux enfants l’aveuglement qu’elle a subi étant enfant. Elle oppose une distance infinie à leur demande d’amour, de reconnaissance.

Le texte est servi par une écriture simple, directe, puissante. Evocatrice de tous les errements de la pensée. Nous sommes dans le cerveau de chacun des personnages. Au plus près de sa douleur, son inquiétude, ses questionnements. Son impuissance. Dans l’ébullition de l’imagination radicale que Cornelius Castoriadis, dans son activité de psychanalyste, avait découvert dans ses thérapies d’enfants [1]. Une imagination qui porte le meilleur comme le pire. Dans la violence de l’autodestruction, ici.

Ebullition intérieure. Passivité, froideur, distance extérieures

La mère, Phénix, a été détruite par ses parents. Belle enfant, doué pour le chant, elle était montrée comme un petit animal ravissant et surdoué. Un soir, dans les coulisses du spectacle que ses parents ont organisé pour elle, un homme abuse d’elle. Dans les jours qui suivent, et alors qu’elle se retrouve seule, elle met le feu à la maison. Elle s’en tire par miracle, mais l’acte s’inscrit dans sa chair, indélébile.

Elle aura deux enfants, Paloma et Loup

Pas de père en vue. Deux enfants écrasés par la transmission par la mère de son propre drame. Des enfants qui s’effacent, qui cherchent à exister le moins possible. Qui se sentent en trop partout. Surtout en présence de leur mère.

Adolescente, Paloma s’enfuit de la maison. Elle promet qu’elle ira chercher Loup, mais ne peut tenir sa promesse. Loup, abandonné à sa mère Phénix, sombre dans une folie légère. Pour échapper à la douleur, il court autour de la maison des heures durant, seul, sans un mot. Il dessine autour de la maison un chemin de terre damée. Par ses pas. Par sa douleur muette.

« Le ciel par-dessus le toit » de Nathacha APPANAH couverture du livre

Un autre passage à l’acte

Une nuit, alors qu’il a 17 ans, il prend la voiture de sa mère. Il veut retrouver Paloma dont il n’a plus de nouvelles depuis plus de dix ans. Il roule, il roule. Et s’enfourne à contre-sens dans une autoroute. Par miracle (encore), il ne provoque pas de blessures ni de morts. Mais la police l’arrête et le conduit en prison.

La prison

Nous accompagnons Loup dans les sensations, les sentiments qui s’emparent de lui pendant les quelques jours où il est incarcéré. Déjouant les craintes de sa sœur, il s’adapte à ce milieu en n’offrant qu’une surface minimale à l’environnement carcéral. Mais son imagination se déchaine.

Le juge

Paloma, la sœur, s’active pour lui venir en aide. Une chose totalement nouvelle au sein de ce trio glacé de personnages. L’institution s’introduit dans ce drame. Avocat, assistante sociale, juge… Paloma bouge et fait bouger Phenix.

Le juge (pour mineur) remet fermement Phénix à sa place. C’est bien son absence à ses enfants qui a été la cause de la faute de Loup. Cette parole du juge constitue le point fixe du roman. Le sol sous nos pieds. Les mots remettent du réel dans la vie. Qui font atterrir les personnages fracassés du récit.

Une porte ouverte

Quelque chose s’entrouvre pour Loup. Entre les trois personnages, l’amour a émergé, timidement. Rien n’est dit sur l’après. Sauf une promesse légèrement suggérée.

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Nathacha APPANAH née en 1973 à l’île Maurice, est une journaliste et romancière qui vit en France. Ayant le créole mauricien comme langue maternelle, Nathacha Devi Pathareddy Appanah, dont la famille descend d’engagés indiens immigrés à Maurice, écrit en français. Elle travaille d’abord à l’île Maurice comme journaliste. Elle s’installe en 1998 en France, où elle poursuit sa carrière de journaliste dans la presse écrite et en radio. Pour en savoir plus sur l’auteure, voir ==> ICI

[1] Voir la note de lecture sur l’œuvre de Castoriadis : « Définitions et cadres analytiques de sa pensée » ==> ICI