Les inégalités ne progressent pas
par magie

 

« Réformes » et explosion des Inégalités. Toutes les réformes engagées en France (et dans le monde) depuis 30-40 ans sont opérées à l’avantage des puissants et des riches. Ce qui a pour effet d’accroître les inégalités. La réforme des retraites en France s’inscrit clairement dans cette orientation. Et il y a mille façons de modifier les règles pour avantager les puissants et les riches [1].

Examinons très rapidement les grands champs de réformes qui ont déferlé sur nos sociétés depuis 30-40 ans.

 

Les privatisations

 

Elles étaient sensées améliorer les services à la population. Selon la pensée libérale, l’Etat est incapable d’agir d’une façon rentable et efficace dans le cadre d’entreprises publiques. En France, on voit avec la privatisation des autoroutes qu’un bien public (ils ont été construits sur financement public) a été transféré à bas prix à des entreprises privées qui ont fortement augmenté les tarifs au détriment des usagers sans amélioration du service.

 

La gestion locale de l’eau est passée largement au privé, avec des résultats à l’avantage total des entreprises bénéficiaires. Cependant, on assiste ici et là à la re-municipalisation de ce
service qui n’a pas profité aux citoyens. Ainsi, la ville de Paris a transféré
au privé en 1985 l’exploitation du service public de l’eau potable. Et en 2008,
la Mairie a repris la gestion directe de ce service qui est désormais exploité par
une entreprise publique unique qu’elle contrôle : Eau de Paris.

 

Le système bancaire

 

On a privatisé les banques françaises dans les années 80 (Société Générale, BNP, Crédit Lyonnais). Ces banques sont devenues des acteurs de la finance mondiale, aux cotés des banques américaines notamment. Elles ont largement participé au mouvement qui a provoqué la crise financière de 2008. Les banques françaises ont bien remboursé à l’Etat les aides accordées alors. Mais elles ont été responsables sur le plan interne de la contraction de l’activité et de l’inflexion du pouvoir d’achat. Et sur le plan externe, elles ont bénéficié des fonds de « sauvetage de la Grèce » qui étaient en réalité un sauvetage des banques privées qui avaient largement prêté à la Grèce.

Voir notamment sur ce point ==> ICI

 

Les réformes du droit du travail

 

Ces réformes ont été un moyen efficace pour fragiliser le statut du salarié… et pour donner aux employeurs un avantage dans la relation employeur/travailleur. L’OCDE a produit analyses, études, enquêtes, statistiques, sensées « prouver » qu’un marché du travail plus « flexible » (assurant moins de protection pour le travailleur) devait réduire le chômage.

 

Aujourd’hui, l’OCDE ne parle plus de dérégulation du marché du travail. Parce que toutes les « mesures » (les réformes) mises en place en suivant ces préconisations n’ont pas fait baisser le chômage. Bien plus, on assiste depuis 2000 à un décrochage entre croissance économique et croissance de l’emploi. C’est-à-dire une montée du chômage et un développement de l’emploi précaire, avec notamment le développement de la plateformisation (Uber par exemple). Et ce mouvement s’est accentué après la crise de 2008. En revanche, ces mesures ont fragilisé les plus pauvres, les plus précaires. Et elles ont provoqué l’apparition des « travailleurs pauvres » dans les pays du Nord. Alors qu’auparavant, la pauvreté était le fait surtout des personnes sans emploi. On voit clairement ici le lien entre réformes du marché du travail et montée des inégalités.

 

Les réformes fiscales

 

Sur ce terrain aussi, les réformes ont toutes été faites pour alléger la fiscalité relative qui pèse sur les revenus du capital. Et alourdir la fiscalité qui pèse sur les revenus du travail. Les chiffres parlent d’eux mêmes. La fiscalité sur les revenus du capital était (1990-2000, dernier chiffre connu pour l’UE à 15) de 29% tandis que celle portant sur les revenus du travail et de la consommation était de 49% sur la même période. Source == > ICI

 

Et à cela, il faut ajouter l’évasion fiscale que des dispositions officielles ont rendu légale. Passage des hauts revenus par des paradis fiscaux. « Prix de transferts » des firmes multinationales qui localisent artificiellement leurs profits dans les pays à très faible fiscalité comme l’Irlande… Ainsi, on évalue cette évasion en France à un montant compris entre 60 et 80 Milliards d’Euros par an !

 

Autre point : chaque crise financière, qui pèse au final sur les salariés de base et accroît le chômage, est utilisée par les gouvernements pour accroître l’austérité, au motif… que l’Etat est en déficit. Il y a là un mécanisme d’une immense perversité. Un mécanisme qui instaure la défiance des sociétés envers leurs institutions. Qui mine la démocratie. L’intérêt général a disparu derrière la fumée des mensonges des politiciens.

 

On peut aussi évoquer les réformes qui touchent à l’éducation et à la santé

 

Sur ces terrains, les réformes entreprises dans les pays du Nord tendent toutes à réduire les accès à ces services publics. Et à dégrader les conditions de travail des enseignants et des personnels de santé. Tandis que les services privatisés de l’enseignement et de la santé se développement et se mondialisent, pour servir les fractions les plus riches de toutes les sociétés, au Nord comme au Sud.

 

 

Dans les pays du Sud aussi, ce sont les plus pauvres qui ont payé le prix des réformes

 

A commencer par les Plans d’Ajustement Structurels (PAS) pris dans les années 80 et 90 pour « régler la question de la dette des pays du Sud ». En réalité, ces plans ont mobilisé les fonds du FMI, donc des fonds publics des Etats du Nord. Pour rembourser les Etats ou les firmes privées du Nord qui avaient prêté inconsidérément aux Etats du Sud. Les Etats et firmes privées du Nord sont ainsi assurés que le FMI sera toujours là pour venir à leur secours en cas de défaillance des pays du Sud. Il y a là un mécanisme pervers (là aussi) qui efface le risque pour les banques du Nord.

 

Et ce sont les populations les plus pauvres de ces pays qui ont payé le prix de cet « Ajustement Structurel ». Ces PAS se sont traduits par la destruction des services de santé et d’éducation, notamment dans les zones rurales les plus pauvres. L’Afrique Sub Saharienne a connu ce régime avec le plus de rigueur. Ce phénomène a ouvert la porte de zones entières, dans le Sahel notamment, aux financements et à l’idéologie mortifère des saoudiens. Ceux-ci ont eu, en effet, le terrain libre pour installer des milliers d’écoles où se déverse la pensée wahhabite. Une pensée sectaire, excluante, fondée sur le refus de l’autre et l’esprit critique… Terreau de la pensée jihadiste.

 

Les privatisations dans le cadre des PAS

 

Au Sud, les privatisations ont consisté dans bien des cas à transférer un monopole public à un monopole privé. Sans amélioration de la qualité des services proposés. Les élites politiques et économiques au Sud ont mis un certain temps à s’ajuster. Pour continuer à mener leurs prédations
tout en respectant les nouvelles règles de privatisation imposées par les
Institutions financières internationales.

 

Partout, les réformes ont entraîné une explosion des inégalités

 

Elles organisent systématiquement un « ruissellement » vers les plus hauts revenus. C’est bien comme cela que la « théorie du ruissellement » fonctionne !

 

Et pourtant, aucune évaluation de ces mesures n’est entreprise

 

L’évaluation est devenue un outil à la mode pour mesurer les effets des
politiques publiques. « Bizarrement », aucune évaluation approfondie
n’est menée sur les réformes des Codes du travail, sur les privatisations, notamment
des banques, sur les Plans d’Ajustement Structurel au Sud.

 

Mais toutes ces mesures sont réversibles

 

On a vu à l’échelle locale que la gestion de l’eau potable est revenue sous le contrôle de la Mairie de Paris. Une partie des lignes de chemin de fer privatisées, en Grande Bretagne, revient dans le domaine public.

 

Les réformes qui creusent les inégalités, partout dans le monde, peuvent être remises en question

 

L’enjeu est de construire, dans chaque pays, des majorités politiques qui soutiennent ce mouvement de reprise en main démocratique de la gestion des services publics. Et au-delà, d’enclencher un cycle de réformes qui soient au service de l’intérêt général. Qui aient pour objectif explicite de réduire les inégalités. En incluant une donne nouvelle, la préservation de l’environnement.

 

Un objectif bien identifié

 

Le mouvement progressiste a un champ de réflexion et d’action fabuleusement large, mixant les exigences sociales, environnementales et démocratiques. Ce ne sera pas facile. Les résistances des nantis et de tous ceux qui créent de la pensée libérale autour d’eux seront farouches. Mais c’est une orientation claire.

 


 

[1] Ces réformes sont soutenues par la pensée libérale qui parle de « ruissellement », de « rentabilité », « d’inefficience de l’Etat ». Plus profondément, cette pensée libérale fait des entreprises l’unique acteur de création de richesse. Tous les autres acteurs (associations, syndicats, Etat et services publics…), sont des parasites qui vivent « aux crochets » des entreprises. D’où la demande constante des entreprises de diminuer impôts et charges sociales qui pèsent sur elles. Cette pensée ignore donc le rôle des corps intermédiaires, notamment des associations, pour assurer le lien social, pour diffuser la culture, pour réguler les tensions locales… Et le rôle de l’Etat pour corriger les effets des lois du marché.

 


Voir « La tropicalisation du monde » de Xavier Ricard Lanata==> ICI