Mon intervention au cours de ce séminaire qui a réuni 170 jeunes et éducateurs de Tunisie, d’Algérie, du Maroc, de France autour d’un projet commun : « Jeunes des 2 Rives engagés dans une construction citoyenne ouverte sur le monde. »

Migrations & Développement (M&D)

M&D est une association créée il y a 35 ans par des migrants marocains du Souss Massa au centre-sud du Maroc. Des migrants vivant et travaillant dans le sud-est de la France. Aux côtés d’autres activités (appui au développement rural, à la gouvernance territoriale…). M&D a lancé en 2017 pour 3 ans le programme « Jeunes des 2 Rives » (J2R) en phase pilote sur trois espaces. Le Maroc, la Tunisie et le Sud de la France.

Aujourd’hui, J2R est en phase de maturité. Etendu à un espace plus vaste en France, et ouvert à l’Algérie aux cotés de la Tunisie et du Maroc. J2R est piloté désormais par la plateforme Solidarité Laïque (SL) pour la période 2019-2021.

Origines du programme J2R.

Et qu’avons-nous appris de cette phase pilote ?

M&D a lancé ce programme en réaction aux déferlements de violences terroristes qui ont secoué nos pays : Algérie, Maroc, Tunisie, France, mais aussi bien d’autres, de la Belgique au Mali, du Kenya à l’Espagne…. Des violences portées par des jeunes, souvent issus des migrations.

Après un long temps de réflexion interne, M&D a décidé de s’engager sur un programme visant à prévenir cette violence, en travaillant sur la citoyenneté.

Pourquoi ce travail sur la citoyenneté ?

Ce mot couvre plusieurs dimensions.

Il y a la dimension juridique qui ne fait pas partie de notre sujet ici (nationalité, passeport…)

Nous avons souhaité travailler sur deux autres dimensions : le vivre ensemble avec nos différences et l’engagement dans la vie de la société.

  • La citoyenneté, c’est ce qui fait vivre ensemble des personnes avec leurs différences. Différences de genre (garçons et filles), de couleur de peau, de croyances (de religion), d’opinion ou de fidélité politique… Ce « vivre ensemble » s’appuie sur des valeurs comme l’égalité, la dignité, le respect de l’autre… Vivre dans nos quartiers, étudier ensemble, travailler collectivement en acceptant ces différences, c’est une des composantes de la citoyenneté. Et ce n’est pas toujours facile.
  • La citoyenneté, c’est aussi l’engagement dans la vie de la société. Au niveau local (quartier, village, ville), ou national, et même international. Par exemple, créer une association culturelle, s’engager dans un mouvement citoyen, défendre une cause sociale, humanitaire ou environnementale… S’engager dans des élections locales, régionales, nationale… Participer à une action de solidarité internationale…

C’est sur ces deux dimensions de la citoyenneté (1/ vivre ensemble avec nos différences et 2/ s’engager dans la vie de la cité) que le programme J2R s’est mené, dans sa phase pilote.

Aujourd’hui, la construction citoyenne est bien le cœur de la poursuite du programme J2R

J2R se déploie sur plusieurs espaces : au Maroc, en Tunisie, en Algérie, et sur 6 régions en France (Île de France, Occitanie, PACA, Grand Est, Hauts de France, Nouvelle Aquitaine)

Bien évidemment, la « construction citoyenne » ne signifie pas la même chose dans ces différents espaces.

Pour aller vite,

  • la construction citoyenne est plutôt tournée vers l’engagement dans la vie de la société dans les trois pays du Sud : Tunisie, Algérie, Maroc. Avec pour chacun de ces pays des histoires et des contextes politiques différents. Ouverture récente aux libertés civiles en Tunisie après le mouvement populaire de 2011. Puissant mouvement citoyen en Algérie. Réformes et décentralisation au Maroc; mais modèle de développement peu inclusif socialement et territorialement.
  • Tandis que la construction citoyenne est plutôt tournée vers le vivre ensemble dans nos différence au sein de la société française. Ainsi, dans certains quartiers de France, vivent ensemble des personnes originaires de plus de 100 pays : Sri Lanka, Pérou, Mali, Portugal, Afghanistan, Maroc, Syrie, Tunisie, Algérie, Somalie… Chacune de ces personnes avec son histoire, sa culture d’origine… et sa volonté d’intégration dans la société française. Ainsi, le groupe « Acid Arab » se revendique totalement français. Il enrichit avec la musique arabe métissée le champ culturel de la France.

Mais les choses bougent

  • nos sociétés du Maroc, d’Algérie, de Tunisie connaissent depuis quelques années des immigrations, notamment en provenance d’Afrique sahélienne. Cela entraîne une confrontation à la différence. Par exemple sur le terrain religieux avec une partie des immigrés venant du sud qui sont chrétiens et noirs. Tout à l’opposé de l’imaginaire dominant au Maroc où les chrétiens sont blancs, viennent du Nord, plutôt en position de domination !
  • Et les questions d’engagement citoyen dans la vie de la société se posent également en France, avec une demande de démocratie directe. Comme celle qui porte sur le référendum d’initiative citoyenne qui mobilise actuellement de larges pans de la société française.

Donc on a bien un sujet commun, la construction citoyenne, mais des approches différentes selon chacun de nos pays

Et c’est aussi cela, la richesse de J2R car nous apprenons aussi les uns des autres par le croisement de nos différences.

Le programme J2R associe la citoyenneté à la solidarité. Pourquoi ? Comment ?

La citoyenneté, c’est une construction sociale et politique, selon un long processus historique qui a mobilisé toutes les forces de la société dans des conflits et des compromis. Elle dépend fortement du contexte de chacune de nos sociétés.

  • On peut dire qu’ « on ne naît pas citoyen, on le devient ». Le monde des adultes (éducateurs, familles, institutions..) a pour charge d’accueillir les jeunes dans la citoyenneté. Ne pas faire cet accueil, c’est prendre un risque sur le vivre ensemble dans nos différences, sur la démocratie.

Tandis que la solidarité est un sentiment qui existe au fond de chacun de nous, depuis notre enfance. C’est une des bases de notre humanité, commune à tous. Même si la solidarité s’exprime de façons très différentes selon les lieux, selon l’histoire des sociétés, des pays. Et dans la solidarité, il y a plusieurs échelles : au niveau familial, du quartier, du pays, et au niveau international.

J2R, s’appuie sur ce sentiment de base, la solidarité, pour accompagner les jeunes dans la construction de leur citoyenneté

J2R se situe dans le contexte mondial actuel

La multiplication récente des mouvements de contestation dans un grand nombre de pays, au Nord comme au Sud (Chili, France, Algérie, Liban…) est le signe d’une crise de la participation à la vie politique. Le temps des gouvernances imposées par le haut est révolu.

Notre programme J2R vise, à sa mesure, à apporter des réponses à la participation des jeunes citoyens au vivre ensemble et à la décision publique. Des réponses au refus des inégalités croissantes, à l’exclusion politique et sociale, au mépris.

J2R n’est pas un programme d’échanges et de rencontres de jeunes !

C’est un programme qui vise à travailler sur la citoyenneté à partir des échanges solidaires de jeunes.

J2R : un programme visant des effets de transformation sociale

Le programme vise 3 niveaux :

  • transformation des jeunes directement impliqués
  • transformation des Acteurs de jeunesse / Accompagnateurs de jeunes / Educateurs de jeunes
  • transformation des territoires : milieu de vie des jeunes, organisations de jeunesse, institutions publiques locales

Ces transformations se mènent à trois échelles

  • locale (le quartier, le village, la ville)
  • nationale (le pays)
  • internationale : la Méditerranée, l’espace créé ici même par les provenances de nos 4 pays : Maroc, Algérie, Tunisie, France.
Jeunes des 2 Rives J2R
J2R est porté par un consortium dirigé par Solidarité Laïque, avec l’appui de M&D, la Ligue de l’Enseignement des Bouches du Rhône, Etudiants et Développement et ANRAS Solidarité.
Le programme J2R est soutenu par l’AFD, le CGET qui se transforme en ANCT.

Pédagogie pour mener cette transformation sociale

Quels outils ? Des outils à élaborer au cours même des actions éducatives menées avec des jeunes, en mettant au travail l’axe principal du programme (la construction citoyenne), autour des mots clés comme Solidarité / Egalité / Ouverture sur la différence /Esprit critique / Regard sur soi et sur l’autre. L’objectif de former un « collectif éducatif » pour produire des outils pédagogiques et les partager, par delà les différences selon les pays.

La question de la langue, composante à part entière du programme J2R

Ce séminaire transnational se tient en langue française, langue commune aux 4 espaces de travail. Avec un flux de traduction permanent.

Mais sur le terrain au Maroc, en Algérie, en Tunisie, J2R sera mis en acte, dans la langue arabe. Comment les concepts (les mots-clés) sont entendus, portés, font effet ? Il y a un risque de perte de contenu ou même de contre-sens si on ne mène pas un travail sur la langue !

Un glossaire franco-arabe

Le programme J2R va élaborer progressivement un glossaire des mots clé dans nos langues : français et arabe. Ce travail de traduction portera sur les mots qui vont émerger dans la pratique concrète au fil du programme. Citoyenneté / Solidarité / Egalité / Culture / Territoire / Pair / Apprentissage… et bien d’autres. Et ce glossaire sera partagé au sein des acteurs de J2R et au-delà.


Le programme J2R est soutenu par l’Agence Française de Développement, (AFD) ainsi que par l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT).


Pour en savoir plus sur l’association Migrations & Développement ==> ICI

Et sur le programme Jeunes des 2 Rives (J2R) ==> ICI