C’est Migration : une vision amputée – des politiques contreproductives. En plus de constituer un reniement des valeurs proclamée par les pays européens, les politiques migratoires actuelles, émanant de la Commission européenne comme de la plupart des Etats membres, demeurent largement inefficaces et contreproductives.

La raison ? Ces politiques procèdent d’une vision partielle du fait migratoire

Une vision partielle, qui tronque des pans entiers du phénomène. Et qui, de plus, ne prend pas en compte l’immense champ de contradictions [1] que comporte ce « fait social total »[2], la migration.

De ce phénomène complexe, les politiques publiques ne prennent en compte que la dimension des flux entrants de nouveaux migrants. Elles adoptent, en conséquence, une politique uniquement tournée vers la sécurité, le contrôle des frontières, la répression des mouvements de personnes.

Or la migration vue dans son ensemble comporte bien d’autres dimensions indissociables

  • D’abord, celle qui concerne les personnes installées dans les pays de destination (les « stocks »). Pour lesquelles les enjeux portent sur leur intégration nécessaire au sein des sociétés « d’accueil ». Acquisitions linguistiques de la langue de ce pays, éducation, santé, logement, emploi, formation… Bref, tout ce qui permet une intégration heureuse et équilibrée, pour les populations immigrées et d’origine immigrée. Avec ses effets positifs non seulement sur les individus mais sur la société toute entière. Cette intégration réussie fait apparaitre la migration comme une richesse pour le pays d’accueil, en termes d’ouverture sur l’autre, sur le monde, en un enrichissement mutuel. C’est aussi une richesse pour le pays d’origine qui bénéficie des apports de sa diaspora.

Les discours et les dispositions légales agressives aboutissent tout au contraire à fragiliser le processus d’intégration de ces populations. Avec une inquiétude sourde dans la majorité des populations issues de la migration. Avec ses effets délétères sur les individus les plus fragiles.

  • Ensuite, concernant les personnes en mobilité (les « flux »), la dimension internationale, voire géostratégique est à prendre en compte. Car l’écho de ces politiques « anti-immigrés » touche profondément les sociétés du Sud.

Il en va de ce que l’on appelle « l’attractivité » du territoire, notamment en ce qui concerne les étudiants, et plus largement les « talents ». Une politique agressive contre « la migration » va aboutir à ce que ces personnes venant du Sud regardent ailleurs. Vers d’autres destinations. Pour ce qui est de l’Afrique sub-saharienne ou des pays du Maghreb, la fermeture de la France est de plus en plus compensée par l’ouverture de nouveaux horizons, comme le Québec, les Etats Unis, les pays du Golfe.

Les enjeux sur la langue française sont aussi posés, à travers cette dimension d’attractivité.

Au-delà, il en va de l’image globale que la « France », ses dirigeants mais aussi sa société, recueille auprès des sociétés autres. Et cette question « d’image » est à prendre en considération d’une façon spécifique vis à vis des pays anciennement colonisés[3]. Car les autorités françaises ont ignoré les mouvements de fond qui ont émergé du plus profond de ces sociétés. Des sociétés qui rejettent les attitudes de surplomb paternaliste. Y compris de la part des acteurs « bienveillants » présents dans les dispositifs « d’aide au développement ».

Des risques de pressions encore accrues vers des politiques répressives

Les funestes perspectives d’une progression des forces d’extrême droite, au Parlement européen (en juin 2024) et dans d’autres échéances électorales en France et en Europe ne laissent pas entrevoir un apaisement de la « question migratoire ». Et cela, sans compter ce qui se profile aux Etats Unis avec un retour possible de Donald Trump.

Ces prise du pouvoir par les forces d’extrême-droite vont accroitre ces tensions. Déchirer encore le tissu social en attisant les comportements de haine. Sacrifier encore le futur sans apporter de réponses aux questions que se posent les sociétés.

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Voir sur ce sujet les analyses de « l’Institut Convergence Migration » ==> ICI

[1] Voir « Migration, un champ de contradictions » ==> ICI

[2] C’est Marcel Mauss qui a inventé cette expression en 1925 dans son Essai sur le don. Sur Marcel Mauss, voir ==> ICI

[3] Parmi les contradictions évoquées, on note que dans les pays qui ont manifesté une hostilité à la France en tant qu’ancienne puissance coloniale, de nombreux jeunes cherchent toujours à émigrer vers la France.