« Le Grand Roman Indien » de Shashi THAROOR. Un ouvrage déroutant, qui se donne pour objectif de raconter, sur un mode romanesque, l’Histoire d’un pays en forme de parodie de ses textes fondateurs. L’histoire à travers celle de ses dirigeants, dans leur vie politique. Mais aussi dans leur vie personnelle, au croisement des traditions foisonnantes qui délimitent un espace contraint, et des mystères de la vie biologique. Vœux de chasteté, interdits sociaux, hasard des naissances… Comment trouver une jeune femme, de bonne lignée, belle et soumise, qui va donner « 100 fils » à l’héritier ? Car la transmission du pouvoir se pense sur plusieurs générations. Comment justifier dans les Textes le mariage d’une femme avec cinq frères ?
Ce pays, c’est l’Inde. Et la période historique choisie est le XX° siècle. Le siècle qui va faire à l’Inde le saut de l’Indépendance dans la douleur de la partition d’avec le Pakistan. Le grand texte fondateur est le Mahabharata [1], texte fabuleux de 200.000 vers, à la base même de l’Hindouisme. Un texte qui retrace la guerre pour le pouvoir entre deux clans familiaux. Le texte est écrit sur un ton vif et parfois léger, où un humour sans pitié court à travers les pages. Des allusions érotiques pimentent le texte.
Comme parodie, le récit s’affranchit des détails de l’Histoire. Mais il restitue quelque chose de profond de la société indienne. Quelque chose de partiel. De partial aussi, au fil de l’histoire d’’une société dans son aspiration à l’indépendance. Puis dans les douleurs des premières années de liberté et des difficiles crissements de la démocratie.
Aucun des protagoniste du drame n’est pris dans une approche simpliste. A chacun ses contradictions, ses hésitations, ses doutes. C’est ce qui donne au récit sa profondeur et son intérêt.
L’auteur a eu de très importantes responsabilités sur la scène internationale. Il donne à ce roman un fond « pro-indien », vis-à-vis du Pakistan, de la Chine, tout en portant sur son pays un regard amer et lucide.
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Ce livre provient de la bibliothèque personnelle de Xavier Ricard Lanata (1973-2021). Franco-péruvien, ethnologue, philosophe, professeur, musicien, haut-fonctionnaire, militant engagé, auteur de plusieurs ouvrages d’écologie politique. Offert dans le cadre d’un partage des livres qui ont inspiré ses propres créations intellectuelles.
« Le grand roman indien » de Shashi THAROOR a été lu par Xavier en novembre 2008. Il a été abondement annoté par lui au crayon. C’est avec émotion, plaisir et curiosité intellectuelle que je lis ce roman ainsi parcouru par mon ami. Dans une démarche semblable à la mienne, Xavier tirait de la littérature de précieux enseignements sur la marche des sociétés. Que souvent, les sciences sociales ne délivraient pas. Voir sur ce point ==> ICI.
Merci encore, Xavier. On continue !
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Au tout début du roman, Shashi Tharoor campe les personnages principaux de la mythologie
Comme dans l’épopée légendaire, Dhritarashtra et Karna vont s’opposer farouchement. Ils représentent les deux leaders qui vont mener le pays à l’Indépendance en 1947. Mais aussi à la sanglante partition entre Inde et Pakistan. Le premier (Dhritarashtra) représente la figure de Nehru, dirigeant indien [2]. Le second (Karna) représente celle de Mohammed Ali Jinnah [3], éphémère dirigeant du Pakistan juste après son Indépendance. Bien évidemment, Mahatma Gandhi [4], père spirituel de l’Inde, est mis en scène et occupe une place majeure, sous le nom de Mahaguru Gangaji dans le roman.
Celui-ci a fait vœux de chasteté, dans un jeu complexe de transmission dynastique au sein des petits royaumes qui composaient l’Inde, où les règles non écrites des traditions tenaient lieu de Lois et Constitutions.
Le récit commence dans l’Inde colonisée, sous la férule du British Raj [5]
Les dirigeants britanniques mènent leur domination dans la brutalité et le cynisme du schéma colonial. Par la division, la répression et l’appauvrissement des populations au profit des intérêts commerciaux et politiques des élites de la métropole. Ils s’appuient à cette fin sur les clivages sociaux ancrés dans la culture locale. Clivages qu’ils approfondissent.
Nous sommes au début du réveil nationaliste de la société indienne. L’Empire britannique, qui « ne voyait jamais le soleil se coucher » va trembler et s’écrouler en quelques années. Ce sera juste après la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Le Grand Roman Indien » de Shashi Tharoor nous fait le récit de la lutte nationaliste qui va conduire le pays à son indépendance
Avec une frontière indécise entre faits historiques et trame romanesque, l’auteur nous décrit les premières actions de Gangaji (Gandhi) , dès avant les années 1940. D’abord, son soutien aux paysans obligés de cultiver l’indigo sur une partie de leurs parcelles. La partie restante de leurs champs n’est pas suffisante pour nourrir leur famille. La faim et la misère ravagent la paysannerie dans toutes les campagnes. Gangaji découvre l’immense pauvreté de son peuple. Lui qui vient des couches aisées de la société indienne.
Avec Gangaji (Gandhi) le mouvement national déborde les milieux urbains instruits et commence à toucher la masse des classes populaires
Il prend sa force naissante dans les demandes sociales. Comme celle des paysans obligés de cultiver l’indigo, qu’ils vendent à un prix très bas, imposé par les acheteurs Britanniques.
Mais aussi des ouvrier qui travaillent dans les filatures tenues par les patrons britanniques. Ceux-ci refusent une augmentation de salaire et font face à la détermination des ouvriers conduits par Gangaji. Devant une manœuvre des patrons qui risque de diviser les ouvriers qui résistent de plus en plus difficilement aux privations que la grève impose, Gangaji met sa vie en danger. Il entame une grève de la faim et de la soif. Son geste étonne et galvanise les ouvriers qui résistent malgré les privations. Le mouvement finira par gagner. Même si le gain, par une ruse des britanniques, sera modeste.
La fin et les moyens : la méthode est plus importante que le but de l’action
Il lance une opposition de masse à la taxation sur les mangues. Le fruit populaire par excellence. Le plaisir majeur des plus pauvres. Le mouvement prend une immense ampleur dans les campagnes. Mais, lors d’un incident, deux policiers sont tués par les manifestants. Gangaji annonce immédiatement l’arrêt de la protestation. Une partie de ses amis ne comprend pas ce geste. Mais Gangaji a démontré que la méthode (la non-violence) était plus importante que le but de la lutte lui-même. On ne peut dénoncer l’injustice en prenant les méthodes du pouvoir qui promeut l’injustice ! Une immense leçon qui va, finalement, renforcer son emprise sur le mouvement national.
Le pouvoir du British Raj cherche à briser par la violence la lutte nationale et sociale
L’armée tire contre une foule désarmée et non-violente. Des dizaines de morts, des centaines de blessés. La peur règne. Mais le pouvoir colonial doit faire face à une stratégie qui le désarçonne partiellement. La non-violence.
Gangaji élabore sa stratégie non-violente
Il le fait au fil des batailles qu’il mène avec les paysans et les ouvriers. Il a été un pionnier et un théoricien de la résistance à l’oppression par la désobéissance civile de masse. Cette démarche était fondée sur l’ahiṃsā (« non-violence »), ainsi que l’importance de lutter avec ses propres armes : Justice et Vérité. Des armes que l’adversaire ne peut lui prendre, même face aux fusils des forces de répression.
Une méthode de lutte qui a eu plus d’effet que celles déjà utilisées par le mouvement nationaliste : les discours, les prêches (religieux) et les bombes
Dans ses mouvements, Gangaji (Gandhi) annonce à l’avance qu’il ne va pas se conformer aux lois. Et qu’il en acceptera les conséquences. Y compris en étant lui-même mis en prison. Mais tout se joue en termes politiques. Emprisonner Gangaji peut être dangereux pour le pouvoir colonial !
C’est le Parti du Congrès qui mène la lutte nationaliste
Avant l’apparition de Gandhi, une première lutte avait opposé au sein du Parti ceux qui demandaient pour les Indiens l’égalité des droits avec les Britanniques, et ceux qui demandaient plus radicalement, l’Indépendance. Ce clivage s’est retrouvé à l’identique au sein du mouvement national algérien [6].
Gandhi fait progresser le Parti en luttant clairement pour l’Indépendance
Il devient la conscience morale du Parti du Congrès. Sa méthode de lutte, la non-violence, lui assure une immense popularité. A l’intérieur de l’Inde mais aussi au niveau international. La presse du monde entier vient écouter ce petit homme frêle, vêtu d’un simple pagne blanc, qui passe beaucoup de son temps à filer le coton. Mais aussi à engager son corps dans les luttes qu’il mène avec des millions de pauvres. Et à se soumettre d’une façon irrévocable aux vœux qu’il a fait pour lui-même.
Conscience morale, mais aussi inspirateur de la stratégie du Parti
Une seconde opposition se développe au sein du Parti. Deux dirigeants, frères par ailleurs, s’opposent. L’un, Dhritarashtra (Nehru), suit les préceptes de Gangaji. Le second, Pandu, refuse les méthodes du vieux sage non-violent. Il prône l’action directe. Mais les manœuvres conjointes de Gangaji et de Dhritarashtra vont finir par le pousser hors du Parti. Alors que la Guerre mondiale est déclarée, entrainant la Grande Bretagne dans le conflit, Pandu va faire le mauvais choix. Il se rallie aux forces de l’Axe, l’Allemagne nazie et le Japon impérial. La victoire des alliés entraine la défaite et la mort de Pandu.
Comme en Egypte, une partie du mouvement national a parié sur Hitler et l’Empereur du Japon pour se défaire de la domination britannique [7].
Mais une autre opposition, bien plus grave, va diviser le mouvement national
Alors que la société est divisée depuis des siècles en une infinité de groupes et sous-groupes, y compris au sein des deux grandes religions présentes, l’Hindouisme et l’Islam, s’institue, face au pouvoir colonial, un autre clivage. Un clivage qui va se révéler décisif et mortel. Celui qui va opposer les Hindous aux Musulmans, chacun de ces groupes avec ses innombrables composantes en son sein.
Comment se composait la formation sociale dans le sous-continent indien ?
(p 176) « Les musulmans indiens ne formaient pas un groupe plus cimenté ni monolithique qu’aucun autre dans le pays. Jusqu’à ce que la politique s’en mêlent, les Indiens acceptaient sans histoire des gens de toutes sortes. Brahmanes, Thakurs, Marwaris, Nairs, Lingayats, et pariahs, et nombre d’autres variétés d’Hindous, autant que Catholiques romains et Chrétiens maronites. Anglo-Indiens et Indiens anglicans, Jains et Juifs, Sikhs keshadharis et Sikhs mazhabis, Animistes tribaux et Néobouddhistes… Tous sur le sol indien aux cotés de centaines et de milliers de castes et sous-castes.
Les Musulmans indiens eux-mêmes n’étaient pas seulement des Sunnites et des Chiites. Mais des Moplahs, des Borhras, des Khojas, des Ismaïliens, des Qadianis, des Ahmediyas et des Mémons kutchis – et Allah sait quoi d’autre.
Réalités incontestables, ces différence étaient aussi inoffensives que les diverses espèces de végétaux qui bourgeonnaient et d’épanouissaient à travers notre pays. »
La société va se polariser radicalement
Selon la narration de ce Grand Roman Indien, c’est Karma (Mohammed Ali Jinnah) qui va opérer cette mutation radicale du champ politique. Il clive la société selon la ligne de démarcation religieuse, en opposant Musulmans et Hindous. Une mutation qui va imprimer sa marque durable et profonde sur la société tout entière [8].
D’un côté, on aura le mouvement national historique (le Parti du Congrès) qui va progressivement se mettre à la lutte pour l’Indépendance : « Dehors les anglais ! ». De l’autre, le Parti musulman qui va lutter pour l’Indépendance et contre les Hindous : « Dehors, les Anglais ! Dehors les Hindous ! ». La partition qui va advenir entre Inde et Pakistan est désormais programmée. La haine se déchaine.
Diviser pour Régner !
Les britanniques vont utiliser ce clivage en suivant leur ligne de conduite : Divide et Impera, Diviser pour Régner ! Maitres des lois électorales, ils vont créer des dispositifs qui vont pousser à la division de la société pour consolider la partition entre Hindous et Musulmans. Une partition qui sera désormais portée par des partis séparés. Ainsi les Musulmans vont voter pour des candidats musulmans. Et les Hindous pour des candidats hindous.
Dans « Le Grand Roman Indien », Shashi Tharoor nous décrit avec précision le comportement social des tenants du pouvoir colonial
Sans doute, Shashi Tharoor qui a passé près de 30 ans au siège de l’ONU dans un milieu dominé par la culture anglo-saxonne, a-t-il pu accumuler des sentiments et ressentiments envers les Britanniques. Surtout après l’échec de sa candidature au poste de Secrétaire Général de l’ONU. Dans son Grand Roman Indien, il écrit, à propos d’un échange qu’il situe dans les années 1940 :
(p 214) « … Son ton supérieur me déplut, mais je l’attribuais à cet air de supériorité que l’on insuffle aux Anglais dès leur plus jeune âge et qu’ils prennent pour un signe de bonne éducation. Le regard hautain, une manière taciturne, pensai-je, équivalent chez eux à la politesse et au respect que nos enfants apprennent à montrer envers les vieillards. »
Les Britanniques se retirent à une date et selon un processus qu’ils ont décidé unilatéralement
A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la Grande Bretagne fait partie des vainqueurs. Mais elle n’a plus les forces de maintenir le sous-continent indien sous son pouvoir colonial. L’indépendance de l’Inde est inéluctable. Les élections au Royaume Uni ont chassé Churchill du pouvoir et mis les Travaillistes aux commandes. Ceux-ci prennent le parti de liquider l’Empire. Tout au moins dans sa forme directement coloniale.
Le Vice-Roi des Indes (le gouverneur britannique) convoque trois des partis indiens présents sur la scène : le parti du Congrès, censé représenter les Hindous, le parti musulman, et le parti sikh. Ces trois partis ne parviennent pas à s’entendre sur un mode de vie commun sur un territoire commun. La violence déchire la société sur une base d’appartenance religieuse. Elle oppose surtout Musulmans et Hindous.
Des violences partout là où les deux communautés sont présentes sur des mêmes lieux
Ces massacres de masse conduisent à l’unique solution possible, la partition. Le parti du Congrès s’y résout. Un géographe est désigné, qui va dessiner la frontière. Non pas par des visites sur le terrain, c’est trop dangereux. Mais sur une carte.
Gangaji (Gandhi) sombre dans le désespoir. Il a toujours refusé la partition. Bien plus, l’éducation de la non-violence qu’il a voulu insuffler au travers des luttes de masse qu’il a menées, s’est évaporée.
Il reste la haine, les massacres. Entre voisins, entre proches. Attisée par les politiciens locaux qui pensent ramasser quelques miettes de pouvoir par ce processus.
Gangaji (Gandhi), isolé dans son ashram, démoralisé, va être assassiné
Comme en chacune des épreuves que traverse son pays, il multiplie les épreuves qu’il impose à son corps. En des vœux de jeûnes, de silence, de retraite dans son ashram. En acceptant la partition, le Parti dont il a été la conscience morale n’a pas suivi la voie qu’il préconisait.
Un nationaliste hindou a tenu le révolver qui a tiré les balles mortelles. Gandhi désirait-il la mort à ce moment, devant l’ampleur du désastre dans lequel la société a sombré ?
L’indépendance est proclamée à la date fixée par les Britanniques
En aout 1947, l’immense pays indien accède à l’Indépendance. Le premier 1er ministre Dhritarashtra (Nehru) recueille le pouvoir des mains du Vice-Roi du Raj anglais, Lord Drewpad (Lord Mountbatten). Une liesse immense s’empare de la population, par-dessus les atrocités que la partition a entrainé.
Dans « Le Grand Roman Indien » de Shashi THAROOR, la parodie des textes anciens continue de se couler dans l’Histoire réelle du pays
Le traumatisme de la séparation et de ses violences communautaires s’efface devant l’allégresse de l’Indépendance. Les premières années qui suivent sont marquées par les élans progressistes sincères des dirigeants du Parti du Congrès. Mais aussi par les difficultés de l’action concrète. Une tâche immense attendait les nouveaux dirigeants. Prendre en main un pays immense, aussi divers et massivement peuplé.
Les lois d’airain de la réalité
(p 387) « Tandis que le géant qu’était l’Inde indépendante se réveillait lourdement et se mettait lentement en mouvement, le Parlement votait des lois que peu appliquaient et beaucoup ignoraient. Des reformes étaient décrétées qui changeait les vies de la minorité mais que la sabotait la majorité. Une politique idéaliste était conçue qui élevait certains. Et puis, pervertie, servait à remplir les poches d’autres.
Et partout, c’était cinq pas en avant et quatre pas en arrière. Mais le pas qui restait marquait une différence, le seul moyen dont le changement s’accomplirait dans un pays inchangeable. »
En matière d’éducation, les intentions progressistes se heurtent à des contradictions profondes
(p 387-388) « Très vite, nous possédâmes le second plus important réservoir d’effectifs scientifiques du monde. De pair avec le plus grand lac de chômeurs éduqués. Nos écoles de médecine produisirent les médecins les plus doués des hôpitaux de Londres. Tandis que des provinces entières souffraient sans le moindre cachet d’aspirine. Nos instituts de technologie furent généreusement subventionnés par nos impôts afin de produire de brillants diplômés pour les laboratoires de recherche des corporations américaines. Tandis que nos femmes émaciées trimbalaient des seaux de pierre sur leurs têtes jusqu’aux chantiers des nouveaux instituts. »
Le non-alignement et les relations aigres-douces avec le grand voisin, la Chine
En matière de politiques étrangère, les dirigeants Indiens refusent de se laisser entrainer dans la Guerre froide que les USA et l’URSS ont installé. Où chaque pays indépendant du Sud est sommé de rejoindre son camp. L’Ouest dirigé par les Etats Unis. L’Est dirigé par l’URSS. Le premier ministre indien élabore une doctrine de « non-alignement » et rallie d’autres dirigeants [9].
Mais le conflit armé avec la Chine à propos du Tibet verse une eau glaciale sur la volonté indienne de faire prévaloir la solidarité entre pays du Sud face aux deux maitres du monde engagés dans la Guerre froide. L’armée indienne est balayée et la Chine impose sa présence sur le Tibet, à la frontière Nord de l’Inde.
Il faudra la séparation des deux ailes du Pakistan pour redonner une fierté aux Indiens
Le Pakistan, aux termes du traité de partition, était composé de deux parties de part et d’autre du massif cœur indien. Deux parties éloignées de 2200 km. Le Pakistan occidental (l’actuel Pakistan) et le Pakistan oriental (l’actuel Bengladesh).
Selon Shashi Tharoor, les dirigeants du Pakistan occidental n’ont pas respecté leur engagement à laisser les élections décider du pouvoir qui dirigerait l’ensemble des deux parties. Or la partie orientale étant plus peuplée que la partie occidentale, le pouvoir allait leur échoir.
Devant le refus de se plier aux résultats des urnes, la partie Orientale fait sécession. Le Pakistan veut réduire ce mouvement par la force. Un afflux massif de Bengalis se réfugie en Inde. L’armée indienne intervient alors et défait les armées du Pakistan. Le Bengladesh devient un pays indépendant, à l’Est de l’Inde.
Sur le plan interne, Priya Duryodhani (Indira Gandhi [10]) prend le pouvoir au sein du Parti du Congrès
Elle impose par le haut une ligne socialisante (nationalisation des banques et des principales industries) sur le mot d’ordre de « guerre à la pauvreté ». Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Le développement ne s’effectue pas par des décisions bureaucratiques ! Les luttes au sommet font rage. Indira Gandhi dirige le pays d’une façon de plus en plus autoritaire. Menacée par un mouvement social qui grandit, elle décide de mettre le pays sous état d’exception. Une grande partie des pauvres soutient alors Indira Gandhi.
Dans les derniers chapitres du « Grand Roman Indien » de Shashi THAROOR, le ton change : l’auteur s’éloigne de la parodie des grands textes et prend parti
Il ne cache nullement son animosité à l’égard d’Indira Gandhi (Priya Duryodhani), la fille de Nehru. La dérive dictatoriale s’approfondit, puis est brusquement stoppée par des élections. Des élections qu’Indira Gandhi était sûre de gagner. Et qu’elle perd franchement. Mais la coalition qui a remporté la victoire électorale ne tient pas. Les conflits internes la fissurent dès le début, irrémédiablement.
(p 533) « Le peuple indien se donna le luxe de remplacer un tyran déterminé et plein de sang-froid [Indira Gandhi] par une collection de novices indécis. »
Peu de temps après, Indira Gandhi est réélue.
Shashi THAROOR ne cache pas son désespoir, qui transpire au travers les dernière pages de son récit.
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Shashi Tharoor, né en 1956 à Londres, est un diplomate, homme politique et écrivain indien. Sa vie privé et sa carrière politique ont suscité de nombreuses controverses. Pour en savoir plus sur l’auteur ==> ICI
[1] Le Mahabharata (en sanskrit महाभारत / Mahâbhârata, la « Grande Histoire des Bharata ») est une épopée sanskrite de la mythologie hindoue. Il est considéré comme le plus grand poème jamais composé. Ce livre sacré de l’Inde relate la « Grande Geste » des Bhārata (de l’Inde), poème épique datant des derniers siècles av. J.-C, fondateur de l’Hindouisme. Une épopée mythico-historique, contant des hauts faits guerriers qui se seraient déroulés aux environs du premier millénaire avant l’ère chrétienne, entre deux branches d’une famille royale. Les Pandava, et leurs cousins les Kaurava. L’objet de leur lutte est le pouvoir sur le pays des Arya, au nord du Gange (d’après Wikipédia). Pour en savoir plus sur ce texte de légende, voir ==> ICI
[2] Sur Jawaharlal Nehru, également connu sous le nom de Pandit Nehru, voir ==> ICI
[3] Concernant Mohammed Ali Jinnah, voir ==> ICI
[4] Gandhi a été un pionnier et un théoricien du satyāgraha, la résistance à l’oppression par la désobéissance civile de masse. Ce mouvement était fondé sur l’ahiṃsā (« non-violence »), qui a contribué à conduire l’Inde à l’indépendance. Gandhi a inspiré de nombreux mouvements de libération et de défense des droits civiques dans le monde.
Son analyse critique de la modernité occidentale, des formes d’autorité et d’oppression (dont l’État), sont une remise en cause du développement. Une réflexion qui influença nombre de théoriciens et de dirigeants politiques. Pour en savoir plus sur le Mahatma Gandhi, voir ==> ICI
[5] Le Raj britannique est le régime colonial britannique appliqué au sous-continent indien de 1858 à 1947. Le Raj débuta en 1858 par le transfert des possessions de la Compagnie des Indes orientales à la Couronne britannique en la personne de la reine Victoria, proclamée impératrice des Indes en 1876. Le terme hindi raj qui signifie « contrôle », « administration » ou « règne » est utilisé par convention pour désigner le régime colonial britannique ou British Raj (d’après Wikipédia). Pour approfondir ce point, voir ==> ICI
[6] Voir « La résistance à la colonisation – Une histoire familiale » ==>ICI
[7] Globalement, ce phénomène n’est pas advenu dans les pays sous colonialisme français.
[8] Trois quarts de siècle plus tard, dans les années 2020, le parti nationaliste Hindou, fait de la lutte contre les Musulmans sa ligne politique majeure, impulsée par le premier ministre Narendra Modi. A propos de Nahendra Modi, voir ==> ICI
[9] Se regrouperont notamment Nehru (Inde), Zhou Enlai (Chine), Soekarno (Indonésie), Nasser (Egypte), Aït Ahmed (dissident d’Algérie), Tito (Yougoslavie), Nkrumah (Ghana), Sékou Touré (Guinée), Nyerere (Tanzanie), Ben Barka (dissident du Maroc), Indira Gandhi, Boumédienne (Algérie), Castro (Cubaà… Pour en savoir plus, voir ==> ICI
[10] Indira Gandhi, fille de Nehru premier 1er ministre de l’Inde, et née en 1917. Morte assassinée le 31 octobre 1984, Indira Gandhi a été Première ministre de 1966 à 1977 puis de 1980 à sa mort en 1984. (source Wikipédia) Pour en savoir plus sur Indira Gandhi, voir ==> ICI