Aide au développement du Sud ? De plus en plus, les actions du Nord en direction du Sud ont pour principal argument la sécurité. La sécurité de qui ? À première vue, la sécurité des populations du Sud. Prises dans les multiples conflits violents qui agitent des sociétés broyées par le déferlement de la modernité sans médiations endogènes. Une modernité subie, prise dans sa dimension marchande pour l’essentiel.

 Faut-il que la France intervienne militairement en Afrique ?

 Alors ? Faut-il intervenir au Mali comme l’a fait l’armée française en 2013, pour « sauver la société malienne du déferlement islamiste » ? Et en Centre Afrique pour « séparer les belligérants centre-africains » ? Et avant ces intervention, en Côte d’Ivoire ?

 En février 2002, un séminaire du HCCI s’était tenu pour faire émerger une position de la ‘société civile’ à soumettre aux candidats à la présidence française. Un séminaire qui s’était déroulé dans la salle haute du Musée des Arts Premiers de Branly. J’y avais rencontré Achille Mbembe. Il avait dit : « l’intervention de la France en Côte d’Ivoire n’a pas accéléré le retour à la paix dans la société ivoirienne. Elle a seulement privé ses membres de la tâche de régler par soi même ses différends. C’est dire qu’elle n’a rien réglé du tout ». J’avais été très intéressé par cette intervention, écoutée en silence. Mais qui était tombée à plat dans l’assistance.

 La sécurité du Nord en jeu

 Plus tard, je questionnais informellement un ami diplomate français sur ce point. Celui-ci m’avait répondu très franchement. Ces interventions étaient nécessaires parce que laisser un Etat s’effondrer, comme en Somalie, permettre que des zones de non-droit s’installent durablement sur un territoire, revient à créer des sanctuaires pour tous les terrorismes. Tous les trafics, toutes les déviances. Et cette dégradation retentit directement sur la sécurité des sociétés du Nord.

 Aujourd’hui, je persiste à penser que Achille Mbembe a raison

 Régler de l’extérieur des différends n’est pas possible. Et surtout, empêche les acteurs concernés de prendre leurs responsabilités pour assumer conflits et règlements des conflits. Aussi cruels, destructeurs et interminables soient-ils. La guerre civile au Liban a duré plus de 15 ans. Elle a été attisée par les multiples interventions extérieures. Et la situation, plus de 20 ans après est toujours fragile. La violence affleure au moindre dérèglement interne ou externe. Et Dieu sait (le Dieu des monothéistes, bien sûr) combien cette région est sujette aux tensions. La situation en Libye après la désastreuse intervention occidentale emmenée par la France de Sarkozy est tout aussi catastrophique. Avec des effets collatéraux mais immenses. Vers le Nord avec le trafic des migrants Vers le Sud (le Sahel) avec les métastases terroristes au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Tchad… Les interventions turques, russes, émiratis égyptiennes, et, en sous main, des pays occidentaux continuent d’ajouter le chaos en territoire libyen.

 Poser la question autrement

 Mais on peut se poser la question suivante à propos des conflits au Sud : « Pourquoi les conflits entre parties du Sud se retournent-ils contre le Nord ? » Pourquoi tant de ressentiments contre le Nord de la part de fractions de populations du Sud ?

 Travailler à la sécurité des sociétés du Nord, ce qui est tout à fait légitime, devrait consister à tenter de répondre à cette question !

 

Pour comprendre les enjeux actuels de l’aide ==> ICI

Sur l’aide publique au développement (APD) voir ==> ICI