« Songeant à mon père » de YAN Lianke. Un recueil de courtes nouvelles autobiographiques sur la vie dans les campagnes de Chine. Des témoignages émouvants de l’auteur, issu d’une famille de paysans pauvres. Comme il y en a des centaines de millions dans ce pays en manque cruel de surfaces arables [1].
Yan Lianke voit son père s’épuiser à la tache de paysan. Travailler la terre sans relâche pour faire survivre sa famille. Le père tombe malade mais ne cède pas. Il continue son travail harassant jusqu’à sa mort.
Yan Lianke ne veut pas de cette vie de labeur épuisant
Il va prendre la décision de quitter sa famille. De renoncer à son destin de paysan. Il s’engage dans l’Armée chinoise. C’est à cette époque qu’éclate la guerre entre Chine et Vietnam, dans l’hiver 1979 [2]. Une guerre courte mais très meurtrière. Toute sa famille en est bouleversée. L’enfant du village reviendra t il vivant ?
Coupable d’avoir fui sa responsabilité de fils
Yan Lianke devient officier et cadre du Parti communiste. Mais il peine à assumer cette fuite devant ses responsabilités. Il a bravé la tradition multiséculaire de soutien à sa famille. N’est-il pas responsable de la mort prématurée de son père ? Son récit évoque la souffrance provoquée par cet abandon.
Travail et fidélité à la famille
L’auteur nous fait vivre de l’intérieur la condition paysanne en Chine. L’importance de la famille et l’immense aptitude au travail des paysans. Un travail d’une extrême dureté, procurant très peu de ressources. Juste assez pour survivre. La Chine d’avant les réformes a fonctionné en pressurant l’immense masse des paysans. Pression économique et pression autoritaire. Nulle contestation n’est pensable.
La famille, pilier de la vie sociale dans les campagnes
Avec d’autres romans [3], Yan Lianke entrouvre les portes de ce monde rural chinois. Un monde fait de labeur, de solidarité, de petitesse aussi. De haines et de conflits familiaux. De lutte permanente pour arracher de quoi se nourrir. Un monde où la famille tient lieu de pivot central, presque exclusif.
C’est elle qui soutient la vie de toute la population. Il n’y a pas d’autre structure solide à la base de la société. L’Administration, le Parti communiste, l’Armée sont loin [4]. Peu soucieux du détail de la vie de la population.
Le prix de l’émergence
L’émergence de la puissance chinoise depuis près d’un demi-siècle s’est faite sur la base de cet effort immense de l’immense population paysanne chinoise. Comme toutes les « émergences » qui se sont réalisées dans la douleur de la grande masse de la population.
En Europe occidentale, on parle de « révolution industrielle » pour désigner cette période où la société bascule dans la « modernité ». Une modernité qui tire des campagnes et concentre autour des villes des masses ouvrières miséreuses. Qui fait travailler hommes et femmes de 12 à 15 heures par jour. Qui envoie les enfants travailler dans les mines à partir de 5 ans. Et qui étend la domination coloniale du Nord sur presque toute la planète du Sud. Avec le travail forcé pour exploiter les matières premières.
Une modernité qui, ici et là, brave la nature. Qui ignore que ses ressources sont limitées. Nous en sommes là !
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[1] La Chine dispose de seulement 10% de la superficie cultivable mondiale et doit nourrir 22 % de la population mondiale. Source : Wikipedia voir ==> ICI
[2] Sur les 4 semaines de guerre entre la Chine et le Vietnam (hiver 1979), voir ==> ICI
[3] Du même auteur, voir « Le rêve du village des Ding » ==> ICI
Et « Les jours les mois les années » voir ==> ICI
[4] « La voie chinoise. Capitalisme et Empire », voir ==> ICI
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