« L’Annulaire » de Yôko OGAWA (note de lecture). L’auteure nous livre là un étrange étrange roman [1]. Déroutant même. Un mélange d’inquiétude et de douceur imprègne toutes les pages de ce cours récit. Un récit vu et ressenti par une femme. Un face à face entre la narratrice, une jeune femme qui travaille à l’accueil d’une entreprise qui naturalise des spécimens, et Mr Deshimaru l’homme en blouse blanche qui procède à ces naturalisations.
Dans « L’Annulaire » de Yôko Ogawa, il est question de souvenirs
Comment les effacer de sa mémoire ? L’entreprise offre une solution aux clients inquiets. Elle leur propose de les conserver hors de soi, dans ses locaux, après leur « naturalisation ». Les clients viennent à l’accueil avec des souvenirs, des objets, à faire naturaliser pour en faire ces « spécimens ».
Une façon pour eux de se débarrasser de réminiscences douloureuses ou affligeantes. Mr Deshimaru va les conserver dans un liquide dont il a le secret. Il les range soigneusement dans des tiroirs qui occupent les espaces de cet édifice si étrange qui abrite cette si étrange activité.
La jeune femme rempli des formulaires. Elle documente tout aussi soigneusement le système de classement au cas où le dépositaire viendrait pour revoir le spécimen qu’il a déposé. Quelques champignons, une mélodie, une cicatrice… forment une toute petite partie de la cohorte « d’objets » qui viennent s’accumuler dans cette singulière entreprise.
Un parfum de tristesse, de résignation
De ce roman, émane un sentiment étrange de malaise. La scène d’amour glacial entre la jeune femme et le naturaliste se passe dans une salle de bains. Entre les murs froids et presque déserts de ce grand bâtiment. Avec une odeur de produits chimiques, indéterminée… A l’étage, une ancienne pensionnaire de ce qui fut un foyer de jeunes filles, a remis ses doigts noués au piano. On l’entend, au loin… Est-ce le calme avant un effondrement ?
« Le traducteur kleptomane »
Je ne sais pourquoi ce court roman m’a fait penser au texte d’un écrivain hongrois, Dezsö Kosztolányi : « Le traducteur kleptomane » [2]. Avec un regard sombre sur la Hongrie des années 20, l’auteur nous livre de courtes histoires fantaisistes, faites de dérision et d’absurde.
Par-delà les ans, on imagine un dialogue entre Yôko Ogawa et Dezsö Kosztolányi. Ces deux auteurs se répondraient en maniant avec brio un humour sombre et une mise à distance avec le réel.
Sommes-nous à la veille d’une catastrophe ?
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[1] Yôko OGAWA (小川洋子), née le 30 mars 1962 à Okayama est une auteure japonaise. Pour en savoir plus sur l’auteure, voir ==> ICI
[2] Pour en savoir plus sur Dezsö Kosztolányi, voir ==> ICI
On pense aussi aux œuvres d’une autre romancière, Aki Shimazaki ==> ICI
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