« La nuit nous emportera » de Mahi BINEBINE. La cruauté du monde vue avec les yeux d’un enfant. Puis de l’adolescent qu’il est devenu. Une famille broyée par la main lourde du pouvoir marocain qui s’abat sur les élèves officiers qui ont tenté d’assassiner le Roi. C’est une partie de l’histoire familiale de l’auteur.

La mère courage et le fils prodige

Mamaya, la mère, élève avec Johara la servante noire les cinq enfants que lui ont laissé le père, parti ailleurs avec plus jeune qu’elle. Elle s’est longtemps laissé porter par l’immense espoir qu’elle met en son ainé, Abel. Il va devenir officier. Lui, le beau jeune homme que toutes les filles du quartier regardent avec émoi quand il passe avec son bel uniforme…

Sami, le benjamin de la famille, a une admiration éperdu pour son grand frère. C’est par les yeux du plus jeune que le fil de cette sombre histoire se déroule.

Tout bascule un soir

La radio émet des informations inquiétantes. Tout le pays retient son souffle. On a voulu toucher au Roi ! Mais certainement, Abel n’était pas dans le camp des conspirateurs… Non, jamais !

Hélas, oui. Il a été pris avec les survivants du massacre [1]. Et enfermé dans une prison où la mère peut le voir chaque vendredi.

Un jour, il disparait des registres de la prison. Aucune information n’est donnée aux famille. A-t-il été tué ? Envoyé dans un bagne au sud du pays ? Rien ne filtre. Ce qui accroit la douleur des familles.

La mère sombre dans la folie

Tout le paysage de Mamaya s’effondre. Elle ne peut accepter cette perte immense. Avec l’aide de quelques voisins fidèles, c’est Johara qui tient la maison, comme elle peut. Entre les extravagances de la mère, et son retrait total, prostrée au fond de son lit. Ses fantasmes de libération d’Abel par grâce royale…

« La nuit nous emportera » de Mahi BINEBINE (couverture du livre)La fratrie avance, comme elle peut

Les deux sœurs, des jumelles, se marient et partent dans les familles de leurs maris. Youssef, le second garçon, devient « faux guide » dans le souk de Marrakech. Il gagne sa vie à raconter des sornettes aux touristes émerveillés par cet exotisme de pacotille… Sami devient instituteur…

La mère ne renonce pas

Elle continue, chaque vendredi, à attendre à la porte de la prison. Avec un panier de victuailles… qui finit englouti par les mendiants qui pululent autour de la porte sinistrement close. Avec les autres femmes, elle créée un mouvement des « femmes en blanc » qui, régulièrement, font le siège de l’établissement. Alors qu’aucun mutin n’y est présent.

Un jour, elle décide d’en finir. Par le feu, elle s’immole.

Ce roman n’est pas seulement un morceau d’écriture pour Mahi Binebine

C’est un acte courageux. Une partie de son histoire personnelle est mise en scène. De son enfance, avec ses proches. Mais aussi du drame qui s’est abattu sur la famille, après la tentative de coup d’Etat qui s’est jouée à Skhirat, un certain soir de juillet 1971.

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Mahi Binebine (ماحي بينبين), né en 1959 à Marrakech, est un peintre marocain, également sculpteur et écrivain. Ses romans sont traduits dans une dizaine de langues. Il est le benjamin d’un fratrie de cinq enfants, dont deux sœurs jumelles. De 1971 à 1991, son frère Aziz est incarcéré au bagne de Tazmamart.

Des figures familiales apparaissent dans ses romans, notamment dans Les Funérailles du lait (1994) : sa mère Mamya, son frère Aziz, sa grand-mère. La famille était monoparentale, la mère travaillait comme secrétaire au ministère des Finances jusqu’à devenir directrice d’un service, cependant la famille tirait le diable par la queue. Le frère Aziz devient l’officier Abel, « l’Absent » dans Le Fou du roi (2017). C’est aussi Abel le grand frère de Sami dans La nuit nous emportera (2025). Ainsi que trois femmes proches, décédées : la mère, la servante noire Johara, et la grand-mère qui dirigeait une grande ferme proche d’el Kelaâ.

Mahi Binebine s’installe à Paris en 1980 pour y poursuivre ses études de mathématiques. Il enseignera cette discipline durant huit ans dans le quartier de Ménilmontant. Il se consacre ensuite à l’écriture et à la peinture. New York l’accueille de 1994 à 1999. Ses peintures font partie de la collection permanente du musée Solomon-R.-Guggenheim. Il revient s’installer définitivement à Marrakech en 2002 et partage son temps entre la France, le Maroc et les États-Unis.

À la suite des attentats islamistes de Casablanca du 16 mai 2003, Nabil Ayouch et Mahi Binebine créent la « Fondation culturelle Ali Zaoua », visant l’insertion psychosociale et économique des jeunes issus de milieux défavorisés, grâce à la pratique artistique et culturelle. Le premier centre culturel de proximité « Les Étoiles » est inauguré en 2014 à Sidi Moumen, un arrondissement de Casablanca. En 2025, le Maroc compte huit centres éducatifs de ce type.

En 2022, il est l’un des créateurs du Festival du livre africain de Marrakech, avec Younès Ajarraï, Fatimata Wane et Hanane Essaydi.

D’après Wikipédia. Pour en savoir plus, voir ==> ICI

On trouvera sur ce site plusieurs notes de lectures de romans de Mahi Binebine :

  • « Les étoiles de Sidi Moumen » ==> ICI
  • « Le sommeil de l’esclave » ==> ICI
  • « Le fou du roi » ==> ICI

 [1] Le « coup d’État de Skhirat » est la première tentative de coup d’État militaire contre le régime de Hassan II, alors roi du Maroc. La seconde étant le « coup d’État des aviateurs ». Ce putsch avorté a lieu le 10 juillet 1971 dans le palais royal situé dans la petite localité de Skhirat, Hassan II fêtant son 42° anniversaire dans cette résidence d’été qui accueille pour l’occasion un millier d’hôtes venus du monde entier. Le roi sort indemne de cette tentative. La répression contre les instigateurs et les acteurs de ce coup sera très sévère. Pour en savoir plus, voir ==> ICI

 


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