La marche forcée vers la Guerre Froide. En cette fin janvier 2022, nous sommes quelques millions, dans notre grande région Europe, Afrique, Moyen Orient, à ne pas savoir si la guerre entre la Russie et l’Ukraine soutenue par une coalition occidentale aura lieu.

Si par malheur elle advenait, cette guerre entraînerait des conséquences énormes sur nos vies de tous les jours. Elle affecterait très fortement notre sécurité. Outre son impact direct sur les zones de conflit, elle réveillerait ou attiserait d’autres sources de conflit au Proche Orient, dans le Caucase, les Balkans…

Un déferlement d’informations convergentes

Les médias occidentaux, et tout particulièrement anglo-saxons, présentent les tensions actuelles entre Russie et Ukraine mettant le camp ukrainien en position défensive. Tandis que le camp russe serait en position offensive. On a de bonnes raisons de ne pas donner crédit aux informations en provenance des Etats Unis après les mensonges d’Etat qui ont soutenu les agressions contre l’Iraq en 2003 et contre la Libye en 2011 !

Osons nous placer, pour un instant, dans la position russe

Ce pays a connu l’effondrement de l’URSS en 1990 et la dislocation de l’empire soviétique sur le plus grand territoire unifié de la planète. La séparation de l’Ukraine a constitué la blessure la plus profonde pour la Russie par les liens historiques liant les deux pays. Cette blessure a été attisée par les Etats Unis qui n’ont eu de cesse d’humilier la Russie. Et ont déversé sur l’Ukraine des milliards de dollars pendant les années 90. Au point d’en faire le second récipiendaire de l’aide américaine (après Israël et avant l’Egypte). C’était le temps des « révolutions orange » dans cette région du monde, orchestrées et financées par les Etats Unis.

Dans cette opération, l’Europe est restée impuissante à affirmer une position autonome par rapport aux Etats Unis. En oubliant que la Russie est notre voisine. Or la géographie nous impose cette position de bon sens : on ne se fâche pas trop entre voisins ! Voir à ce sujet ==> ICI

La répression et l’échec du communisme ont poussé les sociétés de l’ancien glacis soviétique vers les pays occidentaux

Les populations de ces pays ont voulu ardemment leur rapprochement économique avec l’Europe et leur protection militaire par les Etats Unis. C’est ce qui est advenu. Mais cette intégration a été faite hâtivement par l’UE, sans que n’en soient vérifiées les bases politiques.

On en voit aujourd’hui les conséquences, avec les dérives autoritaires en Hongrie, en Pologne. La démocratie ne s’institue pas de l’extérieur. Et le rejet du communisme et de la domination de l’URSS ne suffit pas pour assurer la marche d’une société vers la démocratie.

Mais continuons, un instant, de regarder la carte du point de vue russe

Sa frontière Ouest est désormais bardée de menaces militaires pointées vers elle. Sa demande de desserrer l’étau militaire que l’Otan exerce sur sa proximité immédiate est compréhensible. Pensons à la réaction des Etats Unis en 1962, après les tentatives de l’URSS d’armer Cuba de missiles pointés vers le territoire américain !

Donc on peut raisonnablement estimer que c’est la Russie qui est en position défensive stratégiquement. Mais d’autres éléments entrent dans l’équation.

La Russie est, jusque-là, totalement gagnante

D’abord par ce que l’agitation actuelle des Etats Unis, relayée par la Grande Bretagne et l’OTAN, institue la Russie comme partenaire majeur. Comme grande puissance. C’est un des objectif du président Poutine qui consolide ainsi son emprise autoritaire sur la société russe.

Cet objectif est atteint, à ce stade. A quel prix ? On ne peut calculer les pertes et les gains des opérations actuelles pour les uns et pour les autres.

Une opération avec des objectifs internes…

Classiquement, ces gesticulations guerrières obéissent à des considérations internes. Poutine doit confirmer auprès de sa société sa capacité à restaurer le prestige de la Russie. Joe Biden et Boris Johnson, en difficulté sur le plan intérieur, ont besoin de détourner l’attention vers des enjeux aux composantes dramatiques.

… mais en phase aussi avec l’idéologie des néo-conservateurs

Au-delà de ce petits jeux politiciens, la démarche de Biden et Johnson s’inscrit pleinement dans l’idéologie d’extrême droite pour qui la tâche primordiale d’un acteur politique est de « désigner son ennemi », comme l’a théorisé Carl Schmitt [1]. Pour celui-ci, toute construction politique démocratique doit se faire en s’opposant à un autre peuple.

Ainsi, les Etats Unis ont-ils aujourd’hui non pas un mais deux ennemis à instituer en Ennemi dans l’imaginaire social de leur pays… et du monde ! La Chine et la Russie !

En ces derniers jours de janvier 2022, une communication bien agencée

On constate la dramatisation orchestrée des Etats Unis, la Grande Bretagne et l’OTAN dans les nouvelles concernant le conflit. Annonce par les services secrets britanniques de la mise en place d’un gouvernement pro-russe à Kiev. Décision américaine d’évacuer les familles de ses diplomates le lendemain (même les autorités ukrainiennes disent que les Etats Unis en font trop). Avis d’un déplacement d’armes (déclarées « défensives ») des pays Baltes vers l’Ukraine…

La première victime du conflit…

On sait que la vérité est la première victime des conflits. Les mensonges des Etats Unis en matière de guerre sont là pour nous le rappeler. Pour ne prendre que le cas la guerre d’Iraq contre Saddam Hussein déclenchée en 2003 pour contrer un programme nucléaire… qui n’existait pas ! L’immense désastre qui en est résulté n’a pas fini de peser sur la sécurité du monde, au Proche Orient, en Afrique, en Europe.

Etats Unis et Grande Bretagne isolés dans cette tentative d’entrainer l’ensemble des pays dans une nouvelle Guerre Froide ? Ou bien répartition des rôles ?

Chaque jour, une information nouvelle est sensée consolider la position des deux pays en pointe dans la manipulation de l’opinion, du côté occidental.

On peut noter que ni l’ONU, ni l’Union européenne ne font un franc chorus à ces annonces. C’est une nouvelle plutôt positive. On espère qu’elle ne tient pas, pour ce qui est de l’Europe, à ses divisions, ou à un trouble jeu de répartition des rôles. Les sociétés attendent autre choses des dirigeants politiques que des petits jeux misérables et dangereux.

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[1] Sur Carl Schmitt, voir ==> ICI