Saint-Pétersbourg ville de pouvoir
Dix longs jours d’été pour découvrir la ville. Un petit bout symbolique de l’immense Russie. Un lieu d’histoire, de culture et de pouvoir. Dix jours pour effleurer ce pays, pour recueillir des impressions au grès de 148 kilomètres à pied de pérégrinations (le podomètre de mon téléphone m’informe sur les distances parcourues en comptant mes pas).
15 km par jour en moyenne, depuis les sites les plus prestigieux comme la Cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-Sang-Versé (quel nom !) et la Forteresse Pierre et Paul. Jusqu’aux banlieues populaires où les traces industrielles et portuaires sont visibles, où la ferraille domine sur les vieux bateaux… En passant par le quartier des trois églises qui m’ont touché le plus. La Cathédrale St Nicolas, église des marins aux bulbes d’or. L’église St Isidore aux bulbes verts qui se reflètent dans le canal tranquille à ses pieds. Et l’Eglise de la Trinité, avec ses toits bleus étoilés qui dominent le coin Sud Ouest de la ville, offrant un repère majeur dans la ville.
Une ville créée par décision impériale
Un geste souverain du Tsar Pierre le Grand au tout début du XVIII° siècle, dans le delta de l’immense fleuve Neva. Une ville créée par décision politique. Sans égards pour les conditions naturelles qui se sont révélées très difficiles. Crues dévastatrices curieusement régulières (en 1724, 1824, 1924), sols meubles (le métro roule à une profondeur de 80 mètres). Circulation complexe entre la multitude d’îles (il y a plus de ponts à St Petersboug qu’à Amsterdam et à Venise).
Une ville plate. Plate comme toujours dans un delta. Les édifices élevés offrent des repères utiles. L’église de la Trinité avec ses étoiles, la Cathédrale St Isaac, massive et haute…
La Forteresse Pierre et Paul que j’imaginais colossale… En réalité, ce n’est qu’une succession de bastions défensifs au raz de l’eau. Avec en son milieu la cathédrale et son clocher en pointe, ainsi que le dôme du mausolée où les dépouilles de la famille impériale ont été ramenées après la chute de l’URSS.
Saint-Pétersbourg ville de pouvoir
Ville impériale, donc. Capitale de l’Empire russe de 1712 à 1917. Le cœur de la ville est une manifestation exaltée de pouvoir par la multitude de palais impériaux, massifs, immenses, sans appel. Une architecture des palais inspirés par l’Italie et la Grèce, avec un amour immodéré pour les colonnes et les chapiteaux. Où les reliefs de l’architecture sont soulignés par les contrastes entre la corpulence des colonnades et la douceur des couleurs. Comment ces couleurs résonnent-elles dans l’obscurité du long hiver ?
Tout au long du fleuve, les palais se succèdent et se réponde d’une rive à l’autre. Des bateaux à voile viennent s’amarrer aux quais, ajoutant à la beauté des lieux.
Une ville qui se dévoile aussi par ses reflets. Dans les fenêtres des façades, dans l’eau des canaux, dans les flaques que la pluie laisse au sol.
La grande mosquée de St Petersbourg rappelle la dimension du plus grand pays du monde. L’Asie centrale est présente.
D’innombrables cariatides soutiennent ces lieux d’expression du pouvoir.
Les 12 atlantes du portique du nouveau musée de l’Ermitage font partie des symboles de la ville.
Une architecture de pouvoir qui exprime aussi l’implacable dureté de l’autocratie tsariste. La violence des premières années de la Révolution de 1917 révèle en creux cette implacable domination.
Voir « Le fou du Tsar » de Jean Kross. Note de lecture ==> ICI
La ville s’est élargie pendant la période soviétique
Les cheminées d’usine voisinent les palais et ponctuent le paysage urbain. Elles rivalisent avec les toits en pointe qui marquent le pouvoir des institutions civiles et religieuses.
La période communiste a coïncide avec la phase industrielle des sociétés modernes. L’idéologie a survalorisé l’ouvrier, et tout spécialement l’ouvrier d’industrie métallurgique. Le fer est présent, lourd, puissant. Aujourd’hui, il est souvent rouillé et stérile. Iossif (Joseph) Vissarionovitch Djougachvili avait pris comme pseudonyme « Staline » qui signifie « d’Acier » ! L’immense ceinture de la banlieue de la période soviétique est sombre. Les immeubles sont durs, raides, sans fioriture. La culture est présente, mais au service du pouvoir ! La ville s’appelait alors Leningrad.
Dans les quartiers ouest près de la Baltique, d’anciennes usines témoignent de la naissance de l’industrie russe, à la fin du XIX° siècle, juste avant la Révolution de 1917. On imagine l’agitation révolutionnaire dans ces quartiers populaires…
Ces quartiers ont gardé une activité industrielle : un panneau indique qu’on continue d’y construire des sous-marins militaires. De gigantesques grues s’agitent en un ballet étrange sur ce site.
Un espoir de libération qui a sombré en son contraire
Des pensées remontent à traverser ces quartiers populaires qui ont été au cœur de la Révolution des Soviets. Là où s’est jouée une partie de l’histoire du XX° siècle. Où s’est écrit dans la violence les premières pages de l’immense espoir de libération qu’a constitué la Révolution Russe.
Espoir qui a mobilisé des millions d’hommes et de femmes dans tous les pays du monde. Dans un engagement sincère, entier, jusqu’au sacrifice, tout au long du siècle… pour se terminer en cauchemar refusé par les peuples.
Des traces de cette période subsistent : effigies de Lénine, médaillons avec Faucille et Marteau… La ville a changé de nom, de Leningrad à Saint-Pétersbourg, mais nous sommes toujours dans la « région » de Leningrad !
Le cuirassé Aurore, dont le coup de canon a servi de signal à l’assaut contre le Palais d’Hiver, début de la Révolution soviétique, est toujours à quai, comme vestige de cette époque. On peut le visiter.
La guerre est très présente dans l’espace
Dans ce pays meurtri par les guerres au XX° siècle, la guerre reste présente dans les symboles de la ville. Le siège de Leningrad entre 1941 et 1944 a coûté la vie à près de 2 millions de personnes. Dont la moitié de civils morts de privations. Il avait été conçu par les dirigeants nazis comme entreprise d’extermination de la population civile par la faim. Le siège a consisté en de multiples tentatives pour couper les voies de communication de la ville. Et la défense des soviétiques a consisté à maintenir coûte que coûte un minimum approvisionnement. Mais aussi d’évacuer le maximum de la population, au prix de combats effroyablement meurtriers.
On peut aussi visiter le Musée de l’Artillerie. La Russie, un immense pays aux accès maritimes limités. St Petersbourg en est un, d’importance, et la présence de la marine est forte.
Gagarine, Pouchkine…
Dans les squares, on met en statue de nombreux généraux… et des poètes. Et on salue les exploits de la conquête spatiale. Youri Gagarine, le premier homme satellisé autour de la terre, figure bien naturellement parmi les héros.
La gentrification avance dans cette partie ouest de la ville
Au Sud-Ouest du cœur de ville, l’Ile « New Holland » est prise dans un vaste projet immobilier. Un projet qui se drape de culture, autour d’un pseudo concept psycho-culturel (« You are on a island – You are an island ») au service d’un réel projet de « cultural urbanization».
Un concept mis au service de la combinaison : culture + promotion immobilière + mondialisation. Une façon de créer un produit commercial de grand rapport.
La dictature du fric après celle du prolétariat !
De quoi séduire les couches urbaines instruites, surfant sur la mondialisation (voir New Holland à Saint-Pétersbourg : Bobos au pays des (anciens) soviets ==> ICI).
La marchandisation mondialisée
Sur cette double trame, impériale et soviétique, la ville s’ouvre en effet à la mondialisation. Avec le développement du monde marchand et tout spécialement du tourisme.
On visite très facilement la ville en bateaux qui sillonnent les canaux et nous font voir les palais du cœur historique. Ils traversent la Neva, dont la largeur peut atteindre 1 kilomètre. J’imaginais (je ne sais pourquoi) la forteresse Pierre et Paul sur un monticule. Pas du tout ! Ce sont des bastions de faible hauteur. Le paysage est tout plat, comme partout autour.
Le fleuve Neva, immense, avec ses multiples ramifications, se laisse traverser sur des ponts qui s’ouvrent la nuit pour faire passer les grands bateaux. Pendant les « nuits blanches » de l’été, la ville a fait de l’ouverture des ponts un spectacle « son et lumière » que des milliers de badauds (dont moi) apprécient grandement.
Le Musée de l’Ermitage est installé dans un somptueux bâtiment en bord de fleuve. Mais des heures de queue pour les billets puis pour les contrôles à l’entrée sont dissuasifs. On imagine la presse dans les salles d’exposition.
La population est mélangée
Les russes de l’Ouest ont les yeux et les cheveux clairs. La sculpture de la femme aux nattes (et aux yeux baissés) figure à l’infini sur les façades des palais officiels, aux cotés d’un mâle à la longue barbe.
Beaucoup moins blonds sont ceux qui viennent de l’autre coté de l’Oural ou de Sibérie. De même pour les immigrés des anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale.
Il est presque impossible d’accrocher le regard des passants dans la rue. L’étranger est vu avec distance, sans doute à cause de la barrière de la langue. Quelques jeunes parlent anglais et adoptent les codes vestimentaires de l’Occident.
Peterhof
A 25 km par la terre, on visite le palais de Peterhof construit par Pierre Le Grand sur le modèle de Versailles qu’il venait de visiter. Un parc magnifique, sur les rives de la Neva. Est-on encore sur le fleuve ou déjà sur la mer Baltique ?
Au loin, la marine russe se montre en train de quitter la ville. Le château fait penser à une pâtisserie, toute blanche, sur laquelle on aurait posé des perles dorées…
Il a été reconstruit après sa destruction par l’armée nazie pendant la guerre. La nature est belle et se laisse voir dans l’immense parc. On peut accéder au Palais en métro/bus à l’aller pour traverser la banlieue, et revenir par la voie maritime en passant sous les ponts à haubans pour rejoindre le cœur de ville.
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Ballades en 1000 photos dans St Petersbourg ==> ICI
Pour en savoir plus sur St Pétersbourg ==> ICI
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