Mo Yan, prix Nobel de littérature 2012, continue de nous dérouter
Un de ses premiers romans, « Beaux seins, belles fesses » faisait commencer le roman par des réflexions d’un futur bébé depuis l’utérus de sa mère. Le roman se prolongeait dans la vie de villageois soumis à la guerre contre le Japon dans les années 30. Et à mille autres aventures dans la Chine rurale contemporaine. En effaçant la frontière entre réalité et fiction. Par le partage des croyances qui soutenaient la vie des paysans chinois de ces années de bouleversement.
Le roman « Les retrouvailles des compagnons d’armes »
nous fait entrer dans les pensées de soldats paysans ayant combattu dans l’armée chinoise pendant la guerre contre le Vietnam. Guerre qui se déroula dans la zone frontalière des deux pays du 17 février au 16 mars 1979.
Les épisodes du roman se situent dix années après la fin de la guerre
Ils mettent en scène des anciens combattants issus de villages ruraux de la Chine profonde. L’un a été tué sur le front d’une façon peu glorieuse. L’autre est resté dans l’armée. Il est devenu officier. Ils se rencontrent dans des espaces imaginaires et échangent des propos sur la vie comme elle vient. Nous avons là un prolongement du roman évoqué plus haut avec des évocations très précises de la vie dans les villages. Comme une enquête sociologique sur les imaginaires de ces paysans qui formaient l’immense majorité de la population chinoise à l’époque.
Ils évoquent aussi les souvenirs de l’armée
Moins dans les combats, que dans les préparatifs militaires. Dans les casernes. En évoquant les rapports de camaraderie. Dans les relations avec les gradés. Sur les tréteaux des théâtres de l’armée. Devant la belle présentatrice de ces spectacles qui faisait rêver tout le régiment. Entre soldats dans la préparation d’un numéro comique. Et comment la vie a passé depuis la guerre. Reconnaissance de la bravoure réelle ou supposée. Manœuvres des autorités. Couples qui se nouent, se retrouvent après la guerre. Se déchirent. Enfants qui viennent dans le jeu des familles.
Avoir faim. Rêver de nourriture. Apaiser sa faim. Faire un festin.
C’est un thème central dans toute la littérature chinoise contemporaine. Tous auteurs confondus. Je ne résiste pas à la reproduction d’un passage sur ce thème. C’est un soldat chargé de l’entretien des armes qui passe une commande pour déjeuner avec un ancien compagnon d’armes. (p 134)
« Allô la restauration ? C’est moi, Guo Jinku, le garde du Département de l’armement. Pour onze heure trente-cinq, prépare-moi donc les plats suivants : du foie, des intestins, du cœur et de l’oreille de cochon, chacun dans un plat, tous froids, avec peu de sauce de soja mais beaucoup d’ail. Ensuite : du poisson grillé, des crevettes frites, du bœuf sauté à la coriandre, du porc émincé au céleri, une soupe de tofu et au calamar et un demi-kilo de raviolis bouillis aux trois farces. Mets beaucoup de farce dans les raviolis, sois pas radin ! Et sers-moi tout ça avec des gousses d’ail et un litre d’alcool blanc. Note bien tout et n’oublie rien. (…) Fais attention de mettre des quantités suffisantes, ne mets pas d’eau dans l’alcool. »
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