« Le temps des erreurs » de Mohamed CHOUKRI (note de lecture). L’auteur du « Pain nu » poursuit son récit largement autobiographique dans ce roman bouleversant. Celui d’un homme, né dans une famille déchirée vivant dans un quartier populaire au Maroc. Qui nous livre des bribes de son parcours avec une sincérité sur soi qui nous émeut autant qu’elle nous surprend.
Une figure à quatre sommets
Mohamed Choukri se retrouve au centre d’une figure impossible. Un père qui l’a rejeté avec violence. Une immense envie de s’instruire, lui qui ni n’a pas connu l’école étant enfant. Un attrait irrésistible pour l’alcool et le kif, pour s’échapper. Et une terreur à aimer qui le jette sempiternellement dans les bras des prostituées.
Nous sommes avec Mohamed Choukri à Tanger
La ville où viennent s’échouer des intellectuels américains, espagnols, français, marocains. Mais aussi des femmes qui vendent leur corps à tous ceux que cette ville au passé prestigieux attirent.
Tout est excès chez cet homme
Tout, y compris cette terreur devant la possibilité d’aimer. Pourtant, les femmes avec qui il passe ses nuits contre de l’argent ne le laissent pas indifférent. Il tisse avec elles des liens qui durent, où des amitiés se nouent. Où les détresses s’adossent l’une à l’autre. Où l’on se perd, se retrouve, se raconte…
L’amitié avec les hommes se joue toujours devant une bouteille
Aucun frein ne vient limiter cette descente aux enfers. Partage de cette détresse avec des amis Espagnols, Marocains, Français aux histoires d’amour emmêlées avec des femmes du pays.
Les épisodes en hôpital psychiatrique qui ponctuent sa vie, apportent un apaisement transitoire. Une pause dans l’affliction. Quand la violence et la souffrance deviennent trop fortes.
Une écriture qui se disloque à mesure que l’on progresse dans le texte
Le roman commence dans une écriture qui assure une certaine cohérence au récit. L’auteur veut à toute force entrer à l’école, lui qui a déjà 20 ans. Il va y parvenir. Et apprendre très vite. A se plonger dans la lecture. Toutes sortes de lectures pour s’ouvrir au monde.
L’écriture se brouille progressivement, à mesure que l’alcool et le désespoir font leur œuvre dans l’esprit de l’auteur. Le récit perd en cohérence, mais le fil des pensées demeure, dans la douleur, dans la tentation de disparaitre. De s’engloutir dans la mer. Dans la vanité des relations, même dans celles conduites par l’amitié. Le temps fait son œuvre. On ne peut avoir la même indulgence, y compris et surtout vis-à-vis de soi-même, quand on prend de l’âge.
L’écriture est directement branchée sur l’inconscient de l’auteur. Comme dans l’inconscient, elle suit les sautes dans le récit. Mais je reste accroché à la relation que l’auteur a réussi à tisser avec moi, comme lecteur.
La mort de la mère
On vient cogner à sa porte pour lui dire que sa mère est morte. Il va aller se recueillir en famille. Et il apprend alors que son père est déjà parti, deux ans avant. Personne ne l’a prévenu. Il ne proteste pas. Il a déjà rompu avec cette famille. La mort de la mère ne fait que le confirmer. Il s’échappe dans les bars de la ville…
L’amour impossible
C’est ainsi que Mohamed Choukri nomme le dernier chapitre de son livre. Comme un remord. Un immense regret. Comme une ultime tentative d’aimer. Comme un aveu, aussi, de son amour pour Salia.
Le temps des erreurs ?
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Mohamed Choukri (en berbère: Muḥemmed Cikri, en arabe : محمد شكري) né en 1935 à Beni Chiker, dans la Province de Nador, au Maroc, et mort en2003 à Rabat, est un auteur marocain. Il écrivait ses romans principalement en arabe classique. Pour en savoir plus, voir ==> ICI
On lira aussi la note de lecture « Mon Maroc » ==> ICI
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