[Ce présent texte ainsi que les exemples cités sont largement inspirés du nouveau rapport d’Oxfam publié le 10 septembre 2020 « Covid19 : les profits de la crise » [1]]
Les grandes gagnantes de la crise
La pandémie n’a pas ralenti la distribution de dividendes. Selon Oxfam, 32 entreprises parmi les plus grandes multinationales [2] devraient enregistrer en 2020 une hausse spectaculaire de leurs bénéfices. 109 milliards de dollars de plus que leur bénéfice moyen réalisé au cours des quatre années précédentes.
Pendant ce temps, plus de 400 millions de travailleurs ont perdu leur emploi, selon l’OIT. Dans le même temps, l’OIT estime que des menaces de fermeture affectent 430 millions de petites entreprises.
Des dividendes en hausse pour les actionnaires de ces multinationales…
Une large partie de ces bénéfices a été reversée aux actionnaires, alimentant les inégalités mondiales. Les 25 milliardaires les plus riches du monde ont vu leur richesse augmenter de 255 milliards de dollars entre la mi-mars et la fin mai.
…mais aussi pour les entreprises qui n’ont pas « profité » de cette crise
En dehors de ces grandes entreprises gagnantes de la pandémie, de nombreuses entreprises partout dans le monde continuent de verser des dividendes à leurs actionnaires, malgré des profits en diminution. Pourquoi font-elles cela ? Pour soutenir la valeur boursière de leur action !
Elles le font plutôt que d’investir dans l’emploi, les revalorisations de salaires et l’investissement dans la transition écologique. Le rapport d’Oxfam cite des exemples :
- Alors même que ses ventes ont chuté, Toyota a distribué aux actionnaires plus de 200 % des bénéfices qu’il a réalisés depuis janvier.
- BASF, le géant allemand de la chimie, a versé plus de 400 % de ses bénéfices aux actionnaires au cours des six derniers mois.
- Dans les 3 ans précédant la crise, les trois plus grandes structures hospitalières privées d’Afrique du Sud ont versé 163% de leurs bénéfices à leurs actionnaires. Pendant la crise, elles n’avaient pas les moyens de payer des fournitures médicales à leur personnel.
- En France, 23 entreprises du CAC 40 ont décidé de verser des dividendes cette année. Le CAC 40 aura versé au moins 37 milliards de dividendes pendant la crise.
Plus de dividendes que de bénéfices
Ce choix s’explique par une dynamique de long terme mise en lumière par Oxfam France dans son rapport « CAC 40 : des profits sans lendemain ». Dans ce rapport de juin 2020, l’ONG rappelle qu’un quart du CAC 40 a versé plus de dividendes qu’il n’a fait de bénéfices depuis 10 ans.
Ce faisant, les entreprises affaiblissent leurs capacités productives : moins d’investissement notamment au regard de la transition écologique, moins d’embauche, moins de recherche, pas ou peu de hausses de salaires.
Un canal d’augmentation des inégalités [3]
Ces choix stratégiques de versements de dividendes colossaux versés aux actionnaires contribuent à creuser les inégalités. Même la Commission européenne s’en inquiète (!). Selon un rapport récent, au cours des 25 dernières années, la part des revenus des entreprises européennes dédiés aux actionnaires a été multipliée par 4, au détriment de l’investissement.
Des plans de relance pour alimenter les dividendes ? Ou pour investir dans la transition écologique ?
En France, le gouvernement et les parlementaires examinent le plan de relance. Ils sont devant un choix politique clair. Relance aveugle de la croissance ou réorientation de notre modèle économique pour qu’il soit plus juste, plus durable, plus résilient ?
Pas de chèque en blanc aux actionnaires
La priorité est de ne pas signer de chèque en blanc aux actionnaires qui orientent les choix des grandes entreprises. Sans conditionnalités, les aides publiques risquent de renforcer encore davantage leur poids sur les stratégiques des entreprises, accroître la déconnexion avec l’économie réelle et retarder la transition écologique.
Au niveau mondial,
Oxfam appelle les gouvernements à taxer les entreprises qui ont réalisé des bénéfices exceptionnels pendant la crise. Et à prendre des mesures en faveur d’un partage plus équitable des richesses et des pouvoirs au sein des entreprises, pour que ceux-ci ne profitent plus exclusivement aux dirigeants et aux actionnaires, mais aussi aux salariés, aux fournisseurs, aux consommateurs et aux communautés
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[1] Rapport d’Oxfam accessible ==> ICI
[2] Parmi ces entreprises, on trouve : Microsoft; Intel; Apple; Walmart; UnitedHealth; Facebook; Google; BHP ; Nestlé ; Merck & Co ; CVS Health ; Amazon ; Procter & Gamble; Visa ; Cisco Systems ; Johnson & Johnson ; Home Depot ; Roche ; Oracle; Deutsche Telekom; Reliance Industries
[3] D’autres canaux d’augmentation des inégalités existent : une fiscalité faible sur les revenus du capital et forte sur les revenus du travail, l’évasion fiscale (légale) vers les paradis fiscaux, la pratique des prix de transferts par les multinationales etc…
Voir aussi « Captation ou création de richesse? » ==> ICI