Un précédent, Algérie 1955

Femmes blanches enceintes éventrées : le monstrueux fantasme colonial. « Le 20 août 1955, des terroristes du FLN algérien investissent le village d’El Alia, égorgent les hommes, éventrent les femmes enceintes, extirpent les fœtus et les écrasent sur les murs. »

Telle est la version qui a couru après l’attaque d’un village par des maquisards du FLN, dans le cadre d’une action d’envergure menée en riposte aux massacres par l’armée française de civils des villages environnants. Une version encore adoptée par les nostalgiques de l’Algérie Française présents en France jusqu’à aujourd’hui.

Au cours de l’attaque de ce village et de quelques autres dans la région de Philippeville, Guelma, Collo, Constantine, 26 militaires français et 92 civils (dont 71 Européens) sont tués [1]. L’armée française lance en représailles une opération de répression d’une « violence extrême et généralisée [2] » qui dure plusieurs semaines et se solde par la mort de milliers de civils algériens.

Une historienne a travaillé sur cet épisode de la guerre de Libération

Un travail que Claire Mauss-Copeaux a mené sur la base de documents et de témoignages, [3]. Elle a publié en 2011 un ouvrage Algérie, 20 aout 1955. Insurrection, Répression, Massacres aux éditions Payot. L’éventration des femmes enceintes et l’écrasement des fœtus sont de pures inventions. Les femmes victimes qui ont trouvé la mort dans ces assauts avaient dépassé l’âge d’avoir des enfants.

Il a fallu inventer cette sinistre fable pour justifier l’attaque contre les villages environnants faisant des milliers de morts. Un massacre marqué par la « volonté d’écraser le nationalisme adverse ».

Nous sommes bien là devant un fantasme colonial sur l’assignation des combattants anticoloniaux à la sauvagerie la plus effroyable. Et ce fantasme se concentre sur le rapport entre l’homme arabe sombre dans sa sauvagerie et l’innocente femme blanche enceinte et son fœtus !

Des Sœurs blanches enlevées par le FLN

Un autre exemple du mur de mensonges que tentent de dresser les tenants de l’aventure coloniale. Il porte sur l’enlèvement par le FLN de deux Sœurs blanches en Kabylie. La « vérité coloniale » était qu’elles avaient été « copieusement violées » (selon les termes d’un site d’anciens de l’OAS) pendant leur détention. D’une de ces Sœurs encore en vie, Jean Philippe Ould Aoudia [4] a recueilli le témoignage attestant que les résistants du FLN avaient traité correctement ces deux femmes. Il relate, avec l’imprimatur de l’autorité religieuse, ce fait dans un ouvrage Un enlèvement en Kabylie, Éditions Tirésias (1996).

Le sort de ces deux Sœurs a été bien différent de celui des infirmières du FLN capturées par l’armée française en 1956, qui les a livrées aux parachutistes de la base militaire de Zéralda.

Le voile se lève, irréversiblement

Voilà des éléments de l’histoire coloniale et ses nuages de fumée que ses promoteurs n’ont cessé de projeter pour tenter d’effacer la déshumanisation qui, consubstantiellement, accompagne la domination coloniale.

Aujourd’hui, le voile se lève sur ces faits, partout où le drame colonial s’est opéré. Les années qui viennent vont accélérer ce mouvement, à mesure que des historiens du Sud comme du Nord se penchent sur ces moments.

Le drame qui se joue en cet automne 2023 à Gaza comporte son lot de mensonges, sur l’assaut du 7 octobre dans le Sud d’Israël comme sur les massacres de masse des civils qui se perpétuent chaque jour dans l’enfermement du territoire de Gaza.

Mais aujourd’hui, on sait. On ne va pas attendre des décennies pour savoir et faire savoir l’horreur coloniale encore à l’œuvre.

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[1] Claire Mauss-Copeaux, 2011, Algérie, 20 août 1955 – Insurrection, répression, massacres, Ed. Payot. Extrait : « L’un des événements les plus marquants de la guerre d’Algérie est celui du 20 août 1955. Ce jour-là, des soldats de l’Armée de libération nationale, branche armée du FLN, appuyés par la population, attaquent simultanément les agglomérations situées dans le quadrilatère délimité par Collo, Philippeville, Guelma, Constantine. Des centaines d’hommes, parfois accompagnés de femmes et d’enfants, investissent les villes. Certains brandissent des couteaux, des serpes, des haches, plus souvent des gourdins et des bâtons. Encadrés par les militaires de l’ALN, ils assaillent les centres du pouvoir colonial, les gendarmeries et les casernes, les mairies, les dépôts et les silos.

Au cours des affrontements, 26 militaires français et 92 civils dont 71 Européens sont tués. La situation est rétablie le jour même. Les représailles accompagnent la répression. Elles se poursuivent durant plusieurs semaines et se soldent par la mort de milliers de civils algériens. »

[2] Claire Mauss-Copeaux, 2011, op.cit. Les autres citations proviennent de cette source.

Confère également Le Monde du 03 janvier 2011 « Répression démesurée » dans sa recension de l’ouvrage de l’historienne.

[3] Claire Mauss-Copeaux est une historienne de la guerre d’Algérie et des violences de guerre. (Wikipédia) Pour en savoir plus, voir ==> ICI

[4] Jean-Philippe Ould Aoudia est un médecin généraliste et écrivain. Pour en savoir plus, voir  ==> ICI

Voir aussi la note de lecture sur La ferme des Disparus, du même auteur ==> ICI