Une moitié de l’humanité sous confinement ?
Covid-19. Confinement et Précarité au Sud – C’est le chiffre qui circule en ce mois d’avril 2020. Dans les sociétés du Sud, entre un quart et la moitié de la population vit et travaille à l’extérieur. Travaux des champs dans le rural. Petits métiers des rues dans l’urbain, sur un mode informel. Des activités qui procurent des ressources journalières pour vivre au jour le jour. Une économie de subsistance, aucune accumulation, selon les termes de Karl Polanyi.
On voit ici l’ampleur des défis sanitaires (contacts impossibles à réduire) et sociaux (comment assurer la subsistance des familles dans ces conditions ?)
On peut penser à l’Inde et à l’Afrique sub-saharienne où cette configuration est largement représentée. Avec des défis en matière d’accès à l’eau potable. Comment se laver les mains quand il n’y a pas d’eau? En Inde, le gouvernement a donné 4 heures aux personnes pour respecter le confinement. Résultat, ce sont des dizaines de millions de personnes, vivant dans les rues, qui ont cherché à rejoindre leur village d’origine. Avec les transports engorgés, ils sont partis à pied ou en bicyclette vers leur campagne, souvent très éloignée. Avec une police très brutale qui les frappent à coup de grandes lattes de bambou, comme cela a été reporté de multiples fois. Comment les villageois vont-ils être en mesure d’accueillir ces personnes?
Et que se passe-t-il au Maroc?
Confinement et précarité au Maroc
Nous avons des informations qui nous viennent de nos familles et de notre activité associative avec l’association Migrations & Développement qui travaille depuis 35 ans dans la région du Souss Massa, au centre-sud du pays. Dans le rural et l’urbain.
Tout d’abord l’Etat marocain a pris la situation au sérieux. Confinement strict, couvre-feu la nuit. Mesures importantes de soutien aux populations et aux entreprises… Et notamment aux travailleurs dans l’informel. Un effort de l’Etat abondé par les grandes fortunes du Royaume.
Le premier soir du confinement, on a vu des réactions de peur exploitées par les barbus dans quelques villes, mais la raison l’a emporté. Pour l’instant.
Voir Le temps des peurs de masse ==> ICI
Un véritable mouvement de solidarité, à la base
A notre échelle, nous pouvons témoigner, en ces premiers temps de mesures strictes, d’un respect global et croissant des consignes de confinement. Malgré des dérapages ponctuels, réprimés avec plus ou moins de respect des droits par les forces de l’ordre.
Surtout, nous pouvons attester la compréhension que les injonctions au confinement qui viennent des autorités sont émises pour le bien de tous. Ce point est capital car la pensée majoritaire dans la société est que ce qui vient des autorités est brutal, injuste, humiliant. « C’est fait pour nous mater, pas pour notre bien ! ». Avec les politiques publiques annoncées, on a les bases d’un renversement de l’imaginaire de méfiance entre la société et le pouvoir !
Celui-ci a la responsabilité de tenir ses promesses sur ce terrain pour consolider ce capital de confiance. Ce capital peut être un acquis politique majeur pour l’avenir. Mais il peut très vite se dissiper si les promesses ne sont pas suivies d’effet. Ou si les dispositifs promis sont détournés au profit de quelques uns.
Nous pouvons témoigner également d’un important mouvement de solidarité qui s’organise au sein de la société civile à l’échelle du quartier, du village. Dans le rayon d’action de proximité des déplacements autorisés. Les associations s’activent partout, dans les villes et les campagnes, pour venir à l’aide des familles en difficulté. La diaspora aussi se mobilise pour recueillir des fonds. Car on sait que familles qui dépendent d’un revenu obtenu au quotidien dans la rue vont être les plus touchées.
Engagement des jeunes dans la citoyenneté active
Les associations de jeunes mobilisées dans le cadre du programme « Jeunes des 2 Rives » soutenu par Migrations & Développement et Solidarité Laïque s’engagent dans un mouvement de « citoyenneté active ». A la fois pour diffuser et expliquer les consignes de confinement et d’hygiène élémentaire autour d’eux. Mais aussi pour mettre en place ces réseaux de solidarité de proximité. Bravo à ces jeunes et leurs associations pour cette mise en œuvre de l’action citoyenne et solidaire.
Comme partout dans le monde, un retour des urbains vers leur villages d’origine
Dans le rural, on a assisté à un retour aux villages des émigrés de l’intérieur. Avec le risque d’une dissémination du virus. Comme cela a été constaté quand les migrants du Mezzogiorno qui travaillaient au Nord de l’Italie sont revenus dans leurs village et villes d’origine, au Sud.
Au Maroc, comme partout, les villageois n’apprécient pas vraiment ces retours. D’autant que cela augmente le nombre de convives autour de la table. Alors que les ressources sont faibles et en voie de réduction. Les souks hebdomadaires ont été fermés. Plus possible de vendre ni d’acheter.
De grands donateurs privés abondent le Fonds de solidarité institué par l’Etat. Comment va être distribuée la part de cette aide qui va vers les familles ?
N’y a-t-il pas un risque de détournement ? Les militants de la société civile sont sur leur garde. Je rapporte une réponse à cette question qui n’est pas seulement humoristique : « les gens deviennent honnête. Y compris malgré eux ». Les agissements de détournement à l’abri des regards reculent. C’est une bonne nouvelle ! Les jeunes jouent un rôle dans cette évolution. Et le contrôle par les réseaux sociaux joue là un rôle positif !
« L’État prend soin du citoyen, la Nation soutient l’État » Vers un nouveau contrat social ?
Pour finir ce texte, je cite un extrait de l’article du 25 mars 2020 écrit par l’écrivain Fouad Laroui. « L’état qui protège, qui soigne, qui éduque. (…) A nous d’être à la hauteur, de prendre nos responsabilités… Si nous y arrivons, cette crise n’aura pas été en vain. Elle nous aura rendus meilleurs. Ce sera un Maroc nouveau, bâti sur un pacte national qu’on pourrait ainsi résumer: l’État prend soin du citoyen, la nation soutient l’État.«
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Voir l’article de Fouad Laroui ==> ICI
Et pour en savoir plus sur l’association « Migrations & Développement » ==> ICI
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