Chine l’altérité radicale !
La Chine représente l’altérité irréductible aux sociétés de l’autre bout du monde que nous constituons, Europe et Afrique confondus
Une société qui se vit comme toutes les autres comme le centre du monde. Mais qui exprime cette centralité dans son nom même : « l’Empire du milieu ». Une société dont les racines culturelles et philosophiques restent vivantes depuis près de trois millénaires.
Un système qui a ainsi « digéré » le régime communiste en l’instituant dans la continuité des structures fondamentales de l’Empire. Nous avons aujourd’hui une direction hypercentralisée (correspondant à l’héritage historique de l’Empereur et de son entourage immédiat) assurant l’unité du pays, pierre angulaire de la formation sociale et politique depuis des siècles. Une structure verticale décentralisée dévouée au Centre, le Parti Communiste Chinois (correspondant à la structure pyramidale des mandarins). Un équilibre social fondé essentiellement sur les liens familiaux qui demeure par delà l’instauration du système communiste actuel. S’ajoute à cet édifice, en creux, le refoulement des structures nobiliaire locales. Car la Chine a toujours été faible quand les féodalités locales prenaient le dessus sur l’administration impériale.
On note que cette formation sociale est fondamentalement différente de celles de l’Europe, de l’Afrique ou du Proche Orient. Où les « chefs locaux », quel qu’en soient le nom (seigneurs, chefs de tribus, roitelets…) ont constitué la base même des sociétés. La construction de l’Etat-nation, plus ou moins achevée aujourd’hui, s’est faite en étroit lien (parfois en lutte) avec ces pouvoirs locaux selon des processus s’étalant sur des siècles.
Moïse ou la Chine?
Nous tirons, des Pensées de Blaise Pascal, cet extrait, y compris la première phrase rayée de la main de l’auteur :
Lequel est le plus croyable des deux, Moïse ou la Chine ? Il n’est pas question de voir cela en gros ; je vous dis qu’il y a de quoi aveugler et de quoi éclairer. Par ce mot seul je ruine tous vos raisonnements ; mais la Chine obscurcit, dites-vous. Et je réponds : la Chine obscurcit, mais il y a clarté à trouver.
Pascal écrit ses mots au XVII° siècle. Avec la faible quantité de connaissance dont il disposait sur la Chine à son époque. Il en avait perçu l’altérité radicale dans ce qui constituait le pivot de la pensée d’alors, en Occident : Dieu ! Et la place totalement différente que l’idée de Dieu a dans la pensée chinoise (*)
La forte unité du pays
La Chine se présente tout à l’opposé de l’Inde. Ce pays, morcelée en de multiples petits royaumes, a été conquis partiellement puis totalement par les colonisateurs portugais, français, puis anglais. Ces derniers en ont parachevé la conquête, en opposant les rois locaux les uns contre les autres.
Tout à l’opposé, la société chinoise a plié sous les coups de boutoir de l’Occident dominateur, mais n’a jamais cédé. Impossible à coloniser, elle est restée unifiée même à ses pires moments de faiblesse. Notamment lors de l’affaissement de la dynastie impériale au tournant du XX° siècle. Un pays qui a transformé les missionnaires chrétiens en « coopérants techniques » au service de l’Empereur, sans se laisser évangéliser.
Surtout, un pays qui n’a jamais cherché à s’étendre sur le monde…
… mais qui reste d’une féroce vigilance sur ses marges immédiates. Tibet, Taiwan, Mer de Chine, Macao et Hongkong, et les provinces Ouïghours au Nord Ouest.
L’humiliation passée, moteur du renouveau chinois
Une Chine où se ressent encore dans la population l’humiliation des « Traités inégaux » imposés par les puissances occidentales dominantes au XIX° siècle, auxquelles s’était joint le Japon du Meiji. Mais qui tire de cette humiliation aujourd’hui le moteur d’une revanche pour restaurer son rang d’Empire du Milieu.
Une société, qui reste fortement ancrée dans son histoire longue. Sans sentiment d’infériorité par rapport à l’Occident. Voir à ce sujet l’excellent voyage dans les thinktank chinois du britannique Mark Leonard « What Does China Think ? », qui redresse bien des idées fausses qui circulent sur la Chine en Occident. Une version en français est disponible.
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Voir Mark Leonard ==> ICI
Sur la nouveauté radicale de l’opposition entre USA et Chine ==> ICI
Voir également « La voie chinoise. Capitalisme et Empire » ==> ICI
(*) On pourra avoir des développements sur ce point en lisant le livre de François JULIEN dont le titre est directement tiré de la phrase (barrée) de Pascal : « Moïse ou la Chine ». Voir ==> ICI
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