s L’homme qui lisait des livres » de Rachid BENZINE. Cette note n’est pas vraiment une note de lecture. Parce que cet ouvrage n’est pas vraiment un roman. C’est un texte qui incarne le drame palestinien en ces sombres journée de 2025. « Incarne » est ici pris au sens le plus immédiat, le plus profond !
Rachid Benzine met en œuvre son engagement d’être humain et son talent d’écrivain pour nous transmettre cette émotion et cette connaissance charnelle, palpable du drame palestinien.
Il le fait au travers d’une double mise en situation. D’abord pour donner à l’extermination aujourd’hui à Gaza une voix, une figure. Pour réhumaniser ce massacre.
Mais aussi pour lui donner son épaisseur historique depuis le début du drame que vivent les Palestiniens, en 1948. Nabil, « L’homme qui lisait des livres » est né cette année-là. L’année du grand désastre. De la Nakba. Et, avec une économie de mots, Rachid Benzine nous fait, par la voix de Nabil, le récit de sa vie depuis cet évènement funeste. Une vie de 77 ans de souffrance. De résistance au malheur. Expulsion de sa terre, meurtres de ses proches, incarcération, précarité… et en permanence, l’humiliation !
Un indispensable témoignage. Sensible. Qui nous touche au plus profond. Un témoignage qui s’oppose frontalement aux récits de la propagande israélienne. Et des mensonges relayés par ses soutiens dans les médias du monde. Par le récit vivant, de chair, d’un homme dans sa relation généreuse avec l’autre à travers des livres. A travers la littérature.
Nous qui sommes loin physiquement de l’horreur du génocide, emparons-nous du récit de Rachid Benzine. Lisons-le. Offrons-le autour de nous. Diffusons-le.
Merci Rachid. Merci pour ceux qui souffrent, là-bas.
Nabil est un vieil homme qui s’est réfugié dans les livres au terme d’une vie de bouleversements
A vendre comme libraire, à partager son amour pour l’écriture. Un libraire qui lisait des livres. Beaucoup de livres. Lus. Vendus. Transmis… Nous le suivons depuis son enfance. Expulsé, puis errant dans la précarité de camp en camp. Réfugié dans son propre pays. Soumis à la force, à l’arbitraire. A l’humiliation permanente. Il faut lire ce livre.
Rachid Benzine introduit dans le récit deux auteurs majeurs
Outre des références littéraires, il s’agit de Primo Levi et de Franz Fanon. « Si c’est un homme » de Primo Levi. Une lecture ancienne, pour moi. Mais un souvenir précis ! Ce que j’ai retenu de cet ouvrage, c’est que la pire abomination conçue, organisée, appliquée par les Nazis dans les camps d’extermination, c’était de penser les détenus comme des sous-êtres humains. Et d’obtenir des détenus qu’ils retournent contre les autres détenus la violence qui leur était faite. C’est là l’aboutissement le plus achevé du génocide : la déshumanisation. Non pas dans la pensée. Mais à l’œuvre !
La force de l’ouvrage de Rachid Benzine : la réhumanisation
Et le récit réhumanise, justement, l’ensemble des Palestiniens au travers de cet homme qui lisait des livres. Avec ses gestes simples d’homme, dans ses détails infimes. La théière cabossée. La poussière sur les livres. Ses pensées. Ses espoirs. Mais aussi ses craintes, ses amours, ses désespoirs. Et ses luttes.
Avec Franz Fanon, on a appris l’absolue nécessité de se révolter en situation de domination coloniale. Quand on enferme une abeille dans sa main, elle finit par piquer ! Nabil a vécu aussi ces révoltes et leurs fins tragiques. Son frère assassiné. Son fils assassiné. Sa femme assassinée. Lui, détenu pendant 20 années. La banalité du mal qui s’abat depuis près de 80 ans sur l’ensemble des Palestiniens !
L’évasion par les livres
Nabil, un homme qui a créé dans l’horreur de l’enfermement, un espace de liberté. Par les livres. Un lieu d’ouverture sur le reste du monde. Cette fissure pour échapper à la détention dans lequel la puissance coloniale veut l’enfermer. Lui et tout son peuple.
Jusqu’à la tentative d’effacement final
Nabil, sa boutique, ses livres… effacés par un bombardement récent. Littéralement rayés de toute carte physique. Alors ce présent ouvrage de Benzine, comme d’autres actions, c’est une façon non seulement de réhumaniser les Palestiniens, mais d’empêcher leur oubli, leur anéantissement total.
Lisons ce livre, parlons en autour de nos. Agissons avec nos moyens pour donner au sacrifice des Palestiniens un sens dans l’Histoire.
& & &
Rachid Benzine, né en 1971 à Kénitra au Maroc, est un islamologue, politologue et enseignant franco-marocain. Romancier et dramaturge, Rachid Benzine est une des figures importantes de l’islam libéral francophone. Il est nommé au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé par décret du 14 mai 2025.
Rachid Benzine, dont les parents sont issus de la campagne marocaine où son père a fondé une petite école coranique ou d’apprentissage de la langue arabe dans un bidonville. Il arrive en France, à Trappes, à l’âge de sept ans. En 1985, il devient vice-président d’une association de jeunes, épaulé par un prêtre-ouvrier et des chrétiens. En 1996, Rachid Benzine devient champion de France de kickboxing. Il obtient un diplôme d’études approfondies en sciences politiques de l’université Paris-Descartes et une maîtrise en économie de l’université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines. Pour en savoir plus sur l’auteur, voir ==> ICI
On trouvera sur ce site d’autres textes sur la Palestine, notamment « Dominants et dominés dans le conflit Israël-Palestine »==> ICI
Articles similaires
« Haïkus érotiques » (note de lecture)
17 février 2019
« Récitatif » de Toni MORRISSON (note de lecture)
28 février 2024