Poutine : l’extrême-droite à l’œuvre. L’agression contre l’Ukraine commise par Poutine représente un des aboutissements dans l’horreur de la pensée d’extrême droite [1]. Une pensée qui se répand dans le monde depuis quelques décennies.
Principaux composants de cette pensée d’extrême-droite
- La haine de l’autre, le mépris. Obsession à identifier l’ennemi, à l’intérieur et à l’extérieur des frontières. Racisme et xénophobie assumées contre les immigrés, contre les minorités. Mépris pour les faibles, les pauvres, les minorités, les déviants de la norme. Immense morgue à l’endroit des femmes, de leurs droits, de leur corps. Mépris de la vie humaine. Vision binaire de la société : il y « eux » et « nous », le « bien » et le « mal », le « licite » et « l’illicite »…
- L’exaltation de la force, de la pureté. Vénération de la virilité. De la nation sur un mode agressif (contre les autres). Valorisation de la lutte de tous contre tous. Volonté de retrouver la pureté perdue, jusqu’au sacrifice. Frénésie de pureté, de retour à des sources mythifiées. Dans la vie sociale comme dans les relations internationales, privilège à la force sur la discussion.
- Refus de la démocratie. Pouvoir autoritaire. Répression des voix discordantes et attaque contre toutes les formes de limitation du pouvoir. Contre la Justice. Contre les libertés civiles, contre la liberté de l’information. On musèle les opposants qui osent défier le pouvoir et ses dérives autoritaires. Mais aussi, réécriture de l’histoire. Et négation des enjeux climatiques.
Des combinaisons variables, mais le même fond
On retrouve tous ces éléments dans la panoplie des idées qui sont assénées dans les discours de l’extrême droite. Bien sûr, la combinaison entre ces thèmes varie selon les pays, leur histoire. Selon les hommes qui les portent.
Poutine coche toutes ces cases. Comme Ben Laden et ses émules. Font partie des personnes qui partagent globalement cette pensée : Trump, Netanyahou, Modi en Inde, Bolsonaro au Brésil, Erdogan en Turquie, Ben Salman en Arabie Saoudite… mais aussi Marine LP et Eric Z en France. Les liens politiques et financiers de ces deux personnages avec Poutine et son entourage sont là. La violence est proche, mise en œuvre pour ceux qui détiennent le pouvoir. Plus discrète pour les autres qui sont seulement dans la parole et prétendent accéder au pouvoir.
Et si ces porteurs de haine ont des idées communes, ils n’hésitent pas à s’entretuer. Une façon classique de régler les différends entre « proches » sur ce côté de l’échiquier politique. Ainsi, Poutine a-t-il largement contribué à liquider l’Etat Islamique en Syrie, sans s’embarrasser de la violence des moyens utilisés. Plus anciennement, et dans l’aire française, les conflits au sein de l’OAS se sont réglés à coups de pistolet [2]. De même au sein de l’extrême droite en France.
Face à ces déferlement de haine…
… la riposte du mouvement progressiste mondial à la montée de l’extrême-droite ne trouve pas d’écho massif dans les populations. La « gauche » doit tirer les leçons des échecs qui se succèdent dans son incapacité à faire émerger des solutions majoritaires. Alors que la crise du capitalisme et la violence n’en finissent pas de détruire nos sociétés et la planète.
La droite libérale
En attendant, cela signifie que l’alternative concrète est perçue majoritairement comme étant dans la droite libérale. Celle qui porte la mondialisation destructrice du tissu social, des conditions de vie, de l’environnement. Mais qui assure tant bien que mal un certain respect des formes de la démocratie et des libertés publiques.
Pour tous ceux qui restent attachés au progrès social, à la défense de l’environnement, à la réinvention de la démocratie, à l’ouverture sur l’autre, les leaders de la droite libérale constituent un moindre mal. La pilule est amère. La mort dans l’âme : Biden mieux que Trump. Mais sans illusion sur le sens de la marche du monde conduite par les Jo Biden, Boris Johnson, Emmanuel Macron… Parce que la politique du pire n’est jamais la bonne.
Vu du Sud : deux poids / deux mesures
Mais il est une autre dimension qu’il faut aussi considérer. Celle qui s’exprime dans de larges parties des sociétés du Sud, qui voient le « deux poids/deux mesures » s’afficher chaque jour sur les écrans. Images de guerre. Images de réfugiés ukrainiens. L’émotion est à son comble. La solidarité s’exerce vis à vis de ces hommes, ces femmes, qui fuient la guerre. Et c’est réconfortant de voir que la solidarité est vivante. Mais quand est-il des réfugiés fuyant d’autres guerres? D’autres populations écrasées sous les bombes? On pense aux Afghans, aux Syriens, aux Palestiniens, aux Yéménites…
Et à l’autre bout de la planète, avons-nous à attendre quelque chose du capitalisme chinois et de ses dirigeants ?
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Voir aussi « Reconnaitre le fascisme » d’Umberto Eco ==> ICI
Voir « Nous avons perdu » ==> ICI
[1] Le terme « extrême droite » est employé pour classer des mouvements, des organisations et les partis politiques placés les plus à droite du spectre politique. La question de sa délimitation suscite le débat, mais plusieurs usages sont à distinguer.
Au début du XXe siècle, l’extrême droite comprenait par un mouvement comme l’Action française, nationaliste et royaliste, qui défendait une doctrine raciste et antisémite. Ceux qui se réclament de ces idées aujourd’hui y sont toujours classés. De plus, le terme est associé aux mouvements défaits par la Seconde Guerre mondiale, tels que le fascisme italien et le nazisme allemand. De nos jours, on classe couramment à l’extrême droite des partis comme le Rassemblement national en France, la Ligue du Nord en Italie ou le Parti de la liberté d’Autriche (Wikipedia). Pour en savoir plus, voir ==> ICI
[2] Voir « Deux fers au feu. De Gaulle et l’Algérie : 1961 » ==> ICI
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4 Commentaires
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Bonsoir monsieur Aoudia,
Nouveau sur votre page, lisant votre texte, je me permets de commenter, sans prétention, avec la seule volonté de discuter en remettant en perspective quelques-uns de vos propos.
Il est vrai que je ne suis pas entièrement en accord avec votre approche mettant l’extrême droite comme la force majeure qui fait surface dans différents endroits de la planète. Pas que vous n’ayez pas raison de noter que de nombreuses régions du monde soient en effet sous l’emprise de nationalismes, mais plutôt en me demandant, me posant cette seule question, mais qui a-t-il sous ces politiques violentes et nationalistes ? Est-ce réellement ces politiques qui agissent de leur plein gré ou sont-elles sous l’emprise d’autres raisons plus profondes ?
Personnellement je pense que l’heure est grave. Le 20eme siècle n’est rien d’autre qu’une expérience du réel qui signifie que le pire peut se produire, rappelant par ailleurs que la Shoa et Hiroshima/Nagasaki sont 2 tragédies produites par 2 courants politiques radicalement opposés et quasi au même moment de l’histoire.
La haine et le mépris n’ont malheureusement pas de couleurs politiques, ce serait trop simple, le monde juste et l’injuste, non, c’est d’autres réalités qui créent les tragédies.
La haine de l’autre, le mépris. Le racisme et la xénophobie contemporaines ne sont je pense, comme l’extrême droite ou gauche, que des moyens d’exciter les foules à un moment donné et pour des raisons relatives au pouvoir et aux nécessités de la mondialisation économique. Nous vivons à l’heure des GAFA, c’est le moment ou tout le monde doit rentrer dans le rang d’un model de fonctionnement unique et pour cela le pire est possible, et surtout de la part des pays occidentaux. Car c’est bien la que se trouve la clé des conflits, autant au Moyen-Orient qu’en Ukraine aujourd’hui.
Vous dites : Ainsi, Poutine a-t-il largement contribué à liquider l’Etat Islamique en Syrie, sans s’embarrasser de la violence des moyens utilisés.
Parce que l’armement américain fourni à Saddam Hussein durant des décennies pour anéantir l’Iran, le mauvais élève, a dérangé les diplomates occidentaux ? Et le gaz ne manquait pas… Aujourd’hui, la France et les US vendent pour des milliards d’armes à l’Arabie Saoudite pour combattre les forces du mal venues de Corée du Nord ? non, du Yémen, un des plus pauvre états du monde… S’en offusquent t’ils ?
Posons-nous cette simple question : Quelle est la vision du monde de Poutine ? Il parle de dénazification en permanence ! Il est en colère que la Russie ne soit reconnue comme un des états majeurs ayant vaincu Hitler ! Il a laissé l’Otan et l’UE s’organiser jusqu’à s’installer en Lituanie, Pologne etc… Il n’a rien dit puis soudainement personne ne comprend il attaque l’Ukraine avec une extrême violence.
Je pense que c’est Yalta qui se rejoue en ce moment et que le problème majeur qui a fait émerger cette terrible guerre en Ukraine c’est bien cette Europe molle et quasi uniquement Etasunienne. Peut-être, je n’en suis pas sûr, mais si nous avions été un peu moins Rangers et un peu plus cohérent en prenant en compte la réalité de la Russie qui est un état super puissant, nous n’en serions pas là.
C’est le niveau politique de l’Europe qui est minable et qui mène aux pires résultats et pas des couleurs de partis bien repérable dans un catalogue. Je suis européen mais je pense que nous sommes vraiment dirigés par des minables qui pourraient bien finir par nous faire une guerre européenne. Bon, il est vrai que la Russie a beaucoup de ressources naturelles, si seulement ils étaient moins …
Olivier Fauritte.
Merci pour votre commentaire. La guerre en Ukraine contribue en effet au basculement du monde qui s’opère sous nos yeux. Qui nous déboussole littéralement car nos repères anciens vacillent avec l’apparition de nouveaux acteurs, nouveaux enjeux, nouvelles fractures. Qui nécessitent de trouver de nouvelles façons de voir le monde.
Je pense que dans une vision des instants présents (et la guerre nous oblige à avoir ce type de regard car des hommes et des femmes meurent ou sont jetés sur les routes), nous devons dénoncer l’attaque violente de Poutine sur l’Ukraine.
Sur le long terme, je suis porté à utiliser une « clé » simple et robuste qui m’a toujours accompagné pour lire les situations (locales, nationales, internationales). Cette clé, c’est de considérer que la responsabilité (et le cas échéant la faute) est proportionnelle aux forces en présence.
Et de ce point de vue, la force dominante reste du côté des USA. Ceux-ci ont pu « protéger » une partie du monde jusqu’à la chute de l’URSS, mais depuis 1990, ils sont facteur d’insécurité majeure dans le monde, et tout spécialement dans l’aire Proche Orient – Europe – Afrique. Nous pensons aux guerres en Iraq et en Libye (déclenchées sur des mensonges d’Etat) et à leurs gigantesques conséquences dans ces trois régions. Et je pense aussi à l’attitude adoptée par les Etats Unis envers la Russie après l’effondrement de l’URSS en 1990. Une attitude d’humiliation qui a poussé les dirigeants politiques russes dans le nationalisme agressif. L’Europe a emboité le pas aux Etats Unis dans cette politique funeste.
Voici quelques éléments pour avancer dans notre compréhension des situations du monde. Jacques OA
Bonjour Jacques,
Je suis tout à fait d’accord avec toi à propos de ton analyse de Poutine.
L’anti-américanisme n’est pas une clef d’analyse pertinente, l’élection de Trump oui.
Raccorder cela à l’avant-guerre avec Mussolini, Hitler, Staline prenant le pouvoir alors que les démocraties ne prenaient pas conscience du danger. Et les USA s’étaient désengagés des affaires européennes. Il a fallu la guerre d’Espagne pour ouvrir les yeux. Trop tard, trop partiel.
Je voudrai cependant défendre les efforts de l’Union européenne de s’unir pour apporter une réponse cohérente face à ces horreurs et la capacité des dirigeants, allemands en particulier, à prendre la mesure des efforts de réarmement et de souveraineté énergique (et industrielle) nécessaires. J’ai plus que des doutes sur les résultats des bonnes intentions affichées car cela ne peut passer que par une moindre consommation et nous sommes tous, et partout, accrochés à l’accroissement permanent des biens et aux services dus à mondialisation.
Peut-être faut-il compter sur les jeunes à conscience écologique qui refusent d’entrer dans le système pour impulser le changement et trouver un modèle alternatif au capitalisme et à la consommation effrénée. Mais là encore j’ai des doutes car cela touche essentiellement les jeunes des classes moyennes de nos pays, même si je trouve cela sympathique et réconfortant.
Je t’embrasse
Georges
Merci Georges pour tes commentaires. Nous sommes en phase. Et sur la question des enjeux environnementaux, je suis aussi pessimiste sur nos capacités à infléchir significativement notre consommation de biens matériels. D’autant que les classes moyennes dans les pays du Sud n’ont aucune raison de ne pas plonger dans les appétits de consommation. Les grands malls dans le Sud sont des lieux de visite, de plaisir ! et peu de personnes sont fatiguées de « pousser un cady débordant ». Seule fenêtre (peut être) : les sanctions sans précédent peuvent gripper la marche de la mondialisation. En attendant, la population d’Ukraine souffre et résiste.