« Zaynab ou les brèches de la mémoire » d’Aroussia NALOUTI (note de lecture)
Le hasard a voulu que je lise ce roman dans le même temps que les romans d’Aki Shimazaki dans la série « Le poids des secrets ». Dans les deux cas, ce sont des romans écrits par des femmes. Et dans les deux cas, le roman met en scène une femme qui tue son père !
Diable ! !
Une femme écorchée vive
L’héroïne du roman, Zaynab, vit ses relations avec les hommes comme autant de douloureuses batailles. Pour se faire reconnaitre. Pour être aimée. Mais aussi pour fuir toute emprise. Zaynab ne parvient à éviter ni la violence de son besoin éperdu d’amour. Ni la hantise de la possession. La peur de perdre son autonomie face à un homme. Elle laisse derrière elle des hommes défaits, perpétuellement en quête d’amour. Et toujours frustrés de ne saisir que l’ombre de cette femme. Qui chaque fois se dérobe. Et souffre de ces dérobades.
Le père, lointain, arrogant, violent
Zaynab a vu sa mère, Khadija, se faire déposséder totalement par son père, Hâj Qâsim. Dépossédée de sa jeunesse, de son désir légitime d’amour, de sa reconnaissance comme femme, comme être humain. Khadija a été mariée adolescente à cet homme autoritaire, distant. Un homme d’autant plus dur avec les autres qu’il est incapable de se soustraire à l’emprise de sa propre mère. Celle-ci va régner sur la vie de ses deux fils qui partagent la maison familiale. Le parfait théâtre pour la scène patriarcale ! Elle va déployer toute son autorité sur son mari, ses fils, et ses deux belles-filles. La mort de la mère va laisser Hâj Qâsim, le mari de Khadija, désemparé et vulnérable.
Zaynab est la seule femme qui a osé s’opposer au père
Elle s’est dressée contre la brutalité du père pour protéger sa mère Khadija. Désormais sans sa propre mère, le père va chercher refuge auprès de sa fille Zaynab. Il laisse Khadija dans sa solitude.
Zaynab a absorbé dans la révolte toute ces tensions. Elle retourne cette violence contre les hommes qu’elle approche. Chaque fois en un scénario dont elle ne peut échapper.
En fond de paysage, la guerre du Golfe de 1991 déroule ses désastres et capte toutes les attentions. Comment est-il possible que les arabes perdent la guerre ? Saddam Hussein n’a-t-il pas de puissants missiles ?
Et la Méditerranée somptueuse dans ses lumières, sa végétation, comme théâtre de ces souffrance. Pourquoi tant de violences et de haines dans de si magnifiques décors ?
La mort de Khadija, point d’orgue de la violence du père et de la révolte de Zaynab
Zaynab se dresse, une seconde fois, contre son père qui a laissé sa femme mourir sans lui adresser un mot. Cette distance du « maitre de maison », c’est la violence du lâche. Incapable de saisir cet instant où la vie quitte un être qui l’a accompagné et a été la mère de ses enfants. L’homme veut effacer sa propre femme, même dans sa mort.
Dans la lumière aveuglante de l’été méditerranéen, le roman s’achève
On sait depuis la première page du roman que Zaynab a tué son père. Et qu’elle a reconnu son crime. Comme unique solution pour trancher les nœuds qui enchaînent son corps et son esprit dans la souffrance familiale.
Ce roman nous entraine dans la domination patriarcale des sociétés arabes. Dans sa violence la plus extrême. Dans son enchainement funeste avec la soumission des hommes à leur propre mère toute puissante. Sans recours, sans espaces pour mettre en mots la souffrance. Qui ne laisse que la mort comme issue.
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Pour en savoir plus sur l’auteure, voir ==> ICI
Sur le roman d’Aki Shimazaki « Tsubaki, le poids des secrets », voir ==> ICI
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