Protectionnisme et Libre-échange. Que nous dit l’Histoire?
Si on prend du recul d’avec l’actualité, l’histoire du protectionnisme commercial versus le libre-échange nous livre des enseignements pertinents.
Une affaire de pays dominants
Historiquement en effet, ce sont toujours les pays dominants à l’échelle mondiale qui ont poussé à l’ouverture des frontières commerciales, c’est-à-dire au libre-échange. L’Angleterre a initié cette démarche au XIX° siècle. Tandis que les pays non-dominant se trouvaient dans deux situations. Soit ils avaient la force de résister en se protégeant. Cela a été le cas des pays en voie d’industrialisation comme l’Allemagne de la fin du XIX° siècle. L’économiste Fréderic List y a théorisé les vertus du « protectionnisme des industries naissantes ». Soit en subissaient une ouverture commerciale, imposée au forceps par les maitres du monde. Cela a été le cas des pays du Sud avant et pendant la période coloniale. La Chine des « traités inégaux » au XIX° siècle en est un exemple frappant. Mais aussi l’Inde sous domination britannique. En imposant le libre-échange notamment sur les textiles, le Royaume Uni a ruiné l’industrie indienne dans ce secteur..
Que voit on aujourd’hui ?
Le retour des poussées protectionnistes aux Etats-Unis tandis que la Chine se fait le défenseur du libre-échange ! Cette inversion des positions signe le basculement du rapport de force mondial. Les USA de Trump se recroquevillent sur ce qui reste de leur vieille industrie. L’industrie dite « fossile », consommatrice de ces énergies et hautement polluante. Tandis que la Chine défend le libre-échange. Elle qui joue à la fois sur les vieilles industries et sur les industries des nouvelles technologies.
Et l’Europe ?
Elle reste en pleine contradiction, à son image. La doctrine libre-échangiste demeure ultra-dominante au sein de la Commission européenne. Celle-ci a compétence exclusive sur ce chapitre face aux pays membres. Alors même que l’Europe n’est plus en position de domination absolue sur la scène mondiale. Notamment en ce qui concerne sa capacité à imposer ses normes. Cette situation qui accélère le reflux industriel et maintient un haut niveau de chômage en Europe, nourrit le repli nationaliste porté par les mouvements d’extrême droite. Elle alimente également le discrédit des institutions européennes.
Un « protectionnisme intelligent »
L’option d’un « protectionnisme intelligent » à l’échelle de l’Europe (et non à celle de chaque pays membre comme le demandent les partis d’extrême droite) est pourtant concevable. Le marché européen est suffisamment vaste pour former un espace concurrentiel intérieur réduisant les positions monopolistes (rentières). Une protection sélective aux frontières européennes serait à inventer en fonction de plusieurs critères. Des critères sociaux (préserver les emplois en Europe); environnementaux (lutter contre le changement climatique) et de solidarité internationale (rester ouverts aux productions des pays du Sud).
La mondialisation libérale facteur d’agression sociale et identitaire
Faute d’une réflexion sur une position européenne qui prenne acte du basculement du monde, la voie des dérives d’extrême droite reste largement ouverte dans les opinions européennes. Une part majeure de celles-ci traduisent en vote xénophobe leurs angoisse devant les agressions sociales et identitaires d’une mondialisation libérale sans limites que les dirigeants des pays européens imposent depuis 40 ans.
& & &
Voir également « Création ou captation de richesse : le capitalisme de péage » ==> ICI
Sur la protection des industries naissantes, voir ==> ICI
Articles similaires
从中国回到法国。因为捐赠了20元用作一座木塔的建造,我的名字被镌刻在了大理石上。
23 février 2017
Retour de Chine en textes et en photos …
16 juillet 2016
Il fait noir au pays des Lumières….
3 mai 2017
从中国回到法国。两个世界的交汇。
2 avril 2017
7 Commentaires
Add comment Annuler la réponse
Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.
Oui, bonne réflexion. Et de notre côté au Canada : les États-Unis imposent un dialogue conformiste mené comme une stratégie de jeux d’échecs. Ils imposent une culture de dialogue (de jeux) qui pourtant, ne convient plus aux parties prenantes sensibilisées aux enjeux de la responsabilité globale. Nous sommes tous, mondialement, bien loin des pratiques décisionnelles « collaboratives » de la responsabilité sociétale (RSE/ISO26000). Plusieurs pays ont les mains liés (endettement, développement basé sur les ressources et le contrôle, etc.) à travers un système économique de l’après-guerre. Comment pourrait-on activer une stratégie économique de collaboration pour les gens et la planète ? Simplement pour être clair, je peux dire qu’actuellement les rapports de force (je serai plus fort et plus riche que mon voisin) mènent les pays vers une défaite en chaîne. Nous en sommes tous témoins. C’est l’échec : le modèle actuel ne répond plus aux enjeux du XXIe siècle. N’est-ce pas là une course égoïste et artificielle pour un système qui met en péril tous les autres systèmes ? Quel monde léguerons-nous à nos enfants? L’effondrement en chaîne pourrait-il être une voie pour faciliter la création d’une nouvelle ère de gestion mondiale concertée et équitable des ressources et des déchets, du développement économique , social et culturel positif tout en assurant la pleine protection de l’environnement? Quelques initiatives locales permettent de croire qu’un mouvement s’amorce. Ce mouvement de la base sera-t-il en mesure de créer une voie politique et mondiale renouvelée?
Merci de nous donner votre vue du coté américain de l’Atlantique. Nous sommes tous, des milliers, au Nord, au Sud, à expérimenter d’autres solutions. Nous devons rester patients, ouverts à tous les apports, et vigilants car les acteurs mondialisés continuent à détruire le monde.
Les acteurs mondialisés ont créé un modèle. Ils sont pris dans leur propre système. Nous savons que le » statu quo et faire comme avant » ne sont pas des options face aux enjeux. Mais les décisions sont prises toujours de la même manière. Je crois qu’il faut les convaincre de participer à la création d’un nouveau modèle pour le XXIe siècle où ils seraient parties prenantes du changement de paradigme et d’en faire des leaders d’influence. Un dicton de chez nous qui dit qu’il est préférable de voir de face son défi que de le garder derrière soi. Et j’aime bien cette phrase de la sagesse africaine (merci de me confirmer)…qui nous invite à ne pas passer notre vie à redresser l’ombre d’un bâton tordu. Finalement, je crois aux jeunes et aux femmes du Sud avec le Nord pour modéliser un avenir dans la voie du renouveau.
Oui, je suis d’accord et j’aime bien votre expression « on ne va pas passer sa vie à redresser l’ombre d’un bâton tordu » !
Mais je ne suis pas sûr que les grands acteurs mondialisés vont coopérer. Pour l’instant, ils sont globalement du mauvais coté de l’Histoire, et nous essayons de construire des alternatives en restant unis de l’autre coté.
Oui. Vous avez tout à fait raison. Est-ce qu’un projet de transition a été modélisé ? Avons-nous des projets pilotes Sud et Nord sur une transition possible qui devrait inclure une adaptation politique, économique, sociale, environnementale, culturelle et de libre-échange? Merci.
Bonne réflexion. L’Europe est pour le libre échangé sur le plan des discours et des déclarations mais reste inféodée aux Etats Unis dont l’intérêt ne va au delà de leurs frontières. Qu’ attend l’Europe pour oser remettre en cause les sanctions imposées par des lois qui bousculent la souveraineté leur intimant l’ordre d’accepter chez eux le développement du chômage et de la précarité. Cette situation renforce la position de la Chine et des pays émergents tout en confirmant le déclin américain et probablement européen.
Oui. Malheureusement pour notre grande région Euro méditerranéenne, l’Europe par sa myopie va décliner avant les Etats Unis qui conservent encore des avantages notamment sur le plan cybernétique (ils contrôlent à la racine les flux d’internet). Seule la Chine possède la masse critique pour contrebalancer cette puissance cybernétique américaine, en lui opposant la sienne, qu’elle prépare patiemment. Le directeur d’un think tank chinois disait il y a quelques années : « pourvu que les USA ne s’effondrent pas trop vite, nous ne sommes pas encore prêts ».