Le puits, le puisatier et la pièce de 1 Dirham
Nous sommes partis à 5 heures du matin de Taliouine pour rejoindre l’aéroport d’Agadir, à 180 kilomètres, d’où je vais rejoindre Paris. C’est la fin du mois d’août, la lumière est belle, le temps est frai, la route presque déserte, nous roulons bien. Mahjoub maîtrise totalement la conduite.
Après la descente vers Agni N’Fed (la « Vallée de la soif » en berbère), nous arrivons au début de la grande plaine du Souss qui s’étend jusqu’à l’océan, jusqu’à la ville d’Agadir. Nous suivons le fleuve Souss. Le jour se lève, les grandes fermes occupent toute l’étendue du paysage. Mahjoub me dit : « Ici, on a tellement pompé sur la nappe, qu’il n’y a plus d’eau. Il faut aller la chercher toujours plus bas dans les puits. Dans certains endroits, la terre a perdu de sa valeur à cause de ce manque d’eau. J’ai vu une ferme qui se vendait 40 millions (400.000 Dirhams, moins de 40.000 euros), une misère ! Ici, il faut creuser à 300 mètre et encore, l’eau ne coule pas beaucoup.
Dans ce coin, j’ai vu un homme qui creusait avec le marteau piqueur à 280 mètres de profondeur. On n’arrivait presque pas à le voir. Une fois, dans un village, je suis descendu au fond d’un puits qui était à 73 mètres de profondeur. Arrivé en bas, j’ai crié qu’on me remonte, j’avais peur. En levant la tête, je voyais la bouche du puits comme une pièce de 1 dirham, tellement elle était petite ! Je ne sais pas comment on voit la bouche du puits quand on est à 280 mètres de profondeur, mais je ne veux pas le savoir !
J’ai entendu parler d’accidents pendant qu’on creuse le puits. Une fois, le marteau piqueur s’est détaché et est retombé. L’homme était au fond, il s’est écarté, mais il a reçu le marteau piqueur sur le bras, il a eu le bras arraché. Une autre fois, l’homme avait posé ses bâtons de dynamite et on le remontait. Le câble s’est cassé, il est retombé de 15 mètres. Heureusement il y a avait un grand bidon. Il s’est caché dedans et les bâtons ont explosé. Il a eu de la chance : les 4 doigts de la main droite coupés, et il est un peu sourd. Mais il continue de travailler au fond. C’est un homme courageux ! ».
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