(En tête de ce texte, la représentation de la « Destinée manifeste »)

 

Les films de cow-boys, clés de ces obsessions américaines

 

USA : Défense de la propriété et Détention d’armes feu. Image du pionnier, perdu dans les plaines de l’Ouest, seul avec sa nombreuse famille, guettant de nuit les bruits suspects… Dans les sombres forêts, des « indiens » sont là. Le colon, embusqué à la fenêtre de sa maison toute de bois, sa Winchester à la main, va défendre sa famille et sa terre contre les sauvages. C’est lui le héros !

 

Sa terre ? Prise aux tribus indiennes.

 

Les narrations de femmes violées, horriblement scalpées et tuées par les indiens, des enfants enlevés… Des images pour jeter l’effroi et créer un rideau de fumée sur l’enjeu majeur de cette avancée inexorable des colons vers l’Ouest par l’expropriation des terres.

 

A noter que dans ce tableau, l’État est absent

 

Le shérif est une manifestation de cette absence, puisqu’il constitue une auto-défense locale institutionnalisée : il est élu par les villageois.

 

Les films « Little big man » et « Danse avec les loups » donnent un contrepoint partiel à cette aventure. Ils présentent le point de vue des indiens, raconté par un blanc « passé de l’autre coté ».

 

Défense de la propriété et détention d’armes feu - Washington
Washington, quartier de Georgetown

 

L’obsession américaine de l’inviolabilité de la propriété privée et de la garantie constitutionnelle de détenir des armes ne serait elle pas issue de cette peur de devoir un jour rendre des comptes sur ces vols ? Cette prédation violente originelle comme « scène primitive » refoulée ?

 

Défense de la propriété et détention d’armes feu Washington Georges town

 

« Destinée manifeste » et « Peuple élu »

 

Pour soutenir l’imaginaire justifiant cette prédation des terres, les pionniers anglo-saxons qui progressaient dans les terres ont inventé le mythe de la « Destinée manifeste du peuple américain ». Une marche vers l’Ouest menée sur les décombres des tribus indiennes. Ils ont auto-institué ainsi le « droit à bafouer les droits des autres ». Un droit qui distingue le peuple américain des autres peuples. Une croyance qui a laissé des traces encore aujourd’hui dans la façon dont les américains conçoivent leur position dans le monde. Pour certains d’entre eux, c’est un droit accordé par Dieu.

 

On pense immédiatement à la façon dont les dirigeants israéliens fondent leur prédation des terres palestiniennes sur le droit religieux, sur des arguments bibliques. Et aussi pour tous ceux qui, en Israël et ailleurs, s’invoquent comme le « Peuple élu » (par Dieu).

 

Avril 2010 en Virginie. Lors d’une manifestation de l’organisation qui défend le droit de porter des armes aux États-Unis, une banderole proclamait : « Nous tenons nos droit de Dieu, pas de l’État».

 

Arguments économiques aussi

 

Je ne sais plus de quel économiste américain j’ai lu un texte selon lequel l’expropriation peut être justifiée si l’exploitation des actifs ainsi acquis entraîne une augmentation de la productivité. Il n’était pas fait mention explicite de cette capture des terres des indiens d’Amérique. Mais cette assertion peut concerner évidemment les terres prises aux indiens d’Amérique, la productivité étant entendu au sens marchand. On a ici une justification économique et non religieuse de la prédation des terres.

 

Terre et Travail volés ont fondé la nation américaine

 

Outre la capture de la terre, les américains ont aussi capturé du travail (et des vies humaines). En allant chercher de la force de travail en Afrique et en la transformant en esclaves. Ainsi, terre et travail volés ont constitué les bases de la démocratie américaine. Et de la puissance que cette nation a forgé jusqu’à devenir le maître absolu du monde.

 

La démocratie va ainsi de paire avec la colonisation et l’esclavage. C’est ce que dit Achille Mbembe (« Politiques de l’inimitié » – La découverte, 2016).

 

Amsterdam et l’Indonésie au XVII° siècle

 

Panikkar, historien indien et premier ambassadeur d’Inde en France, ne disait pas autre chose. Les hollandais, en plein « Age d’or », étaient à la pointe de la défense des libertés politiques et civiles au XVII° siècle en Europe. Dans le même temps, ils colonisaient l’Indonésie avec une immense brutalité. Et ils déportaient des millions de chinois rendus esclaves dans leurs exploitations coloniales de l’archipel.

 

Karl Polanyi et la marchandisation de la terre, du travail, de la monnaie

 

C’est sur la marchandisation de ces facteurs, travail et terre, que Polanyi fonde le passage au capitalisme de marché. Il y ajoute la monnaie, elle aussi transformée en marchandise.

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Voir l’évocation de la « Destinée manifeste » dans la Note de lecture sur l’oeuvre de Cornelius Castoriadis ==> ICI

Et Voir aussi sur la Destinée manifeste ==> ICI

 

Voir K. M. Panikkar « L’Asie et la domination occidentale du XVe siècle à nos jours« . (Asia and Western dominance), 1957. ==> ICI