Covid-19. Une seule certitude sur ce qui va changer « après ». La situation est tellement inédite que personne ne peut prédire la façon dont les sociétés vont réagir après le retour à une vie moins contrainte. Et d’ailleurs, rien ne dit que les sociétés de la planète, dans leur diversité, réagiront d’une façon convergente. Ni qu’au sein des sociétés, on verra se dégager un mouvement cohérent. Entre luttes sociales avec ou sans alternative politique, violences localisées, évasions individuelles dans les rêves micro-écologiques, déprime et repli sur soi, investissement dans la religion, surconsommation de compensation…

 

Une surconsommation pour compenser le confinement et l’angoisse de la contagion?

 

Sachant que ce virus ou d’autres risquent de roder pour de longues années en transformant radicalement nos façons de vivre au quotidien. D’interagir avec nos familles, nos amis, de travailler… De nous déplacer, de nous reposer, d’aller nous balader dans la nature, de voyager. Mais aussi de protester, de lutter collectivement…

 

La grande question

 

Est-ce que les populations vont peser pour des inflexions notables dans les modèles de développement actuels ? On peut le souhaiter. Mais personne ne peut l’affirmer à ce stade.

 

Mais il y a une certitude pour l’après

 

Une certitude absolue, dure comme le fer, obéissant à une loi d’airain. C’est l’existence dans tous les pays d’une immense dette des Etats. Des Etats qui ont engagé d’importantes dépenses alors que leurs recettes se sont réduites. Des dépenses dans des plans d’urgence pour, selon des combinaisons variables, soutenir les populations touchées par le confinement, ainsi que les entreprises qui ont dû arrêter leurs activités.

 

La question d’aujourd’hui : qui va payer pour rembourser ce surcroît de dette publique ?

 

Il y a autant de façon de rembourser cette dette que de rapports de forces entre les classes et les acteurs sociaux et politiques dans le monde. Est-ce que cela va se faire sur la base des règles antérieures, entre niches fiscales, évasion et fraude massives et réduction de la progressivité des impôts ?

 

On peut déjà entendre les arguments de ceux qui voudront conserver le système ancien. Quitte à accepter, contraints, une ponction ponctuelle sur les plus riches et les grandes entreprises. Au motif que les entreprises ont subi des pertes (pas celles dans les réseaux numériques qui se sont, au contraire, considérablement enrichies). Et qu’elles doivent être préservées « pour relancer l’économie ». Avec cet argument éculé qui consiste pour les gouvernants (et les grandes firmes) à se cacher derrière les Petites et Moyennes Entreprise pour conserver leurs privilèges.

 

Ou bien sur des bases nouvelles ? En France, des forces politiques demandent le rétablissement de l’Impôt sur la Fortune (ISF). Mais ce dernier n’est pas du tout à la hauteur de l’accroissement prévisible de la dette [1]. C’est dix fois l’ISF qu’il faut instaurer ! (le chiffre de 10 fois mérite bien sûr de plus amples études).

 

En France, l’impôt sur le revenu est institué au début de la 1ère Guerre Mondiale

 

L’Etat avait anticipé l’accumulation d’une dette publique gigantesque pour soutenir l’effort de guerre. Et la société française, comme celle des autres pays belligérants, était exsangue d’avoir payé une si lourde contribution en sang versé. Au total, il y aura 19 millions de pertes civiles et militaires pour l’ensemble de cette Première Guerre Mondiale [2].

 

En France, dès le début de la Guerre, en 1914, l’impôt sur le revenu est donc adopté. C’est un impôt progressif, qui augmente la contribution relative (et absolue) à mesure que le revenu augmente. La création de cet impôt bouscule l’opposition des classes dirigeantes qui avaient résisté à son instauration depuis des années. A noter que cet impôt existait bien avant au Royaume Uni, en Suisse, en Allemagne.

 

La guerre a imposé ses urgences ! L’impôt sur le revenu est donc créé en France en 1914. Certains l’espèrent transitoire. Il se maintiendra jusqu’à aujourd’hui. Mais sa progressivité a été régulièrement depuis 30 ans. Cette érosion constitue un des multiples canaux d’augmentation des inégalités.

 

Une érosion de la progressivité réalisée par de subtiles et innombrables dispositions. Il n’y a qu’à voir la complexité des déclarations d’impôts à remplir chaque année en France ! Avec des modifications systématiques d’une année sur l’autre, pour accroître l’opacité du système ainsi créé.

 

Déjà la droite en France diffuse l’idée qu’il n’est pas question d’augmenter les impôts. Car cela « freinerait la relance de l’économie ! »

 

Le risque majeur aujourd’hui

 

Comme en 2008 après la crise financière qui avait vu l’Etat soutenir les banques, l’accroissement de la dette publique qui en était résulté avait été utilisé comme argument pour accroître la pression sur les politiques sociales et accélérer les réformes libérales.

 

La dette, prétexte pour accélérer les "réformes" qui accroissent les inégalités?
La dette publique, prétexte pour accélérer les réformes qui accroissent les inégalités?

 

Aujourd’hui, le pouvoir va vouloir rejouer la même scène. Le nécessaire remboursement de cette dette va devenir l’argument pour accélérer le démantèlement de l’Etat providence, les réformes en cours (retraites…), les privatisations (des barrages, des routes nationales…). Avec l’accroissement des inégalités qui résulte de chacune de ces « réformes ».

 

Qui doit payer le surcroît de dette publique ?

 

Ce sera, en France, un des débats majeurs des élections présidentielles de 2022. Aux forces de gauche de relier ce débat aux enjeux sociaux, environnementaux et démocratiques. En restant attentif aux évolutions qui se présenteront autour de nous, en Europe, mais aussi dans les pays du Sud où les Etats se sont également endettés pour faire face à la pandémie.

 

De quoi réunir en France les forces progressistes et écologiques pour éviter un duel mortifère en 2022.

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[1] En 2013, cet impôt a rapporté à l’Etat 4,4 milliards d’Euros. Il a été supprimé en janvier 2018. Source :

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Imp%C3%B4t_de_solidarit%C3%A9_sur_la_fortune

[2] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pertes_humaines_de_la_Premi%C3%A8re_Guerre_mondiale

 

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Voir « Réformes et explosion des inégalités » voir ==> ICI