Une éducation de masse et de qualité ?

Quel est le véritable dessin des élites de la planète en matière d’éducation ?

 Derrière les déclarations officielles sur la nécessité d’apporter à tous les jeunes de tous les pays une instruction généralisée et de qualité, tenues par les autorités nationales ou les organisations multilatérales (comme dans les Objectifs de Développement Durable), on ne voit pas de grand dessein [1].

 Les élites du monde entier d’aujourd’hui ont-elles vraiment intérêt à une éducation de masse, portée à un haut niveau de qualité ? On peut douter de la réponse positive à cette question.

 Une dévalorisation généralisé de l’enseignement public

 Aujourd’hui, nous ne savons pas exactement à quels besoins des élites l’éducation de la grande masse des jeunes répond. C’est pourquoi, derrière des slogans généreux, les systèmes d’enseignement et la fonction d’enseignant se sont dévalorisés partout dans le monde. Financièrement et symboliquement. Et on assiste à une élévation du chômage des jeunes diplômés partout dans les pays du Sud. Et notamment dans les pays arabes.

 On sait que les rééquilibrages financiers poussés par les institutions multilatérales ont porté sur l’éducation (et la santé) lors des Plans d’Ajustement Structurels. Ces Plans ont mis en place à partir des années 80 à une large échelle dans les pays du Sud. Ainsi en Afrique sahélienne, les systèmes d’enseignement public se sont effondrés sous les coupes budgétaires préconisées par le FMI. Et ce sont les financements du Golfe promouvant un enseignement d’inspiration wahhabite qui ont pris le relais.

 

Cette situation de montée du chômage des jeunes diplômés est explosive

 La généralisation à l’échelle mondiale de l’éducation de masse (même avec des défaillances qualitative), combinée à l’urbanisation et à l’accès aux moyens digitaux, aboutit à la croissance exponentielle des jeunes diplômés capables de revendiquer une place dans la société. Cette masse de jeunes s’écarte des schémas de soumission antérieurs. La nécessité de répondre à ces demandes croissantes change radicalement la question de la gouvernance politique. Désormais, des milliers de jeunes, dans le monde arabe et en Afrique sub-saharienne notamment, ont acquis une voix. Une voix et des capacités qui ne demandent qu’à s’employer. Pour le meilleur et pour le pire.

 En Europe, l’éducation de masse ne répond plus à la promesse d’élévation dans l’échelle sociale,

 comme ce fut le cas dans les années d’après-guerre. L’éducation des enfants des élites continue de bénéficier des meilleures conditions d’enseignement. Mais ce n’est pas le cas pour la grande masse des jeunes. La limitation de l’accès à l’éducation supérieure vient de franchir un pas dans les politiques publiques.

 La demande d’égalité, d’accès démocratique au savoir, vient buter sur d’autres desseins des élites. La casse de l’Université est en marche.

 Par opposition,

 on peut évaluer ce que le capitalisme triomphant de la fin du XIX° siècle en Europe a fait pour instruire tous les citoyens. L’industrie naissante avait besoin d’ouvriers disposant d’un niveau d’instruction plus élevé que celui des enfants de paysans. Lesquels rejoignaient alors massivement les centres urbains pour s’employer dans l’industrie.

 Jules Ferry, en généralisant en France l’instruction obligatoire, avait bien perçu cet enjeu. Il avait apporté la réponse adaptée aux besoins des élites en matière d’éducation en généralisant l’instruction primaire et secondaire sur l’ensemble du territoire de la France métropolitaine. Dans le même temps, il lançait un vaste mouvement de colonisation en Afrique et en Asie du Sud-Est.

 En France, l’effort financier de l’Etat a été colossal, à cette fin. On voit dans tous les villages les bâtiments de ces écoles primaires, d’une belle facture. Certaines sont maintenant abandonnées, avec le recul du maillage des services publics dans le territoire.

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[1] Immanuel Wallerstein : L’universalisme européen : de la colonisation au droit d’ingérence (2008).

Voir aussi, du même auteur « Comment pouvons nous connaitre la vérité? » ==> ICI

Pour en savoir plus sur Jules Ferry ==> ICI