« J’ai couru vers le Nil » de Alaa EL ASWANY

Une fresque sur la révolution égyptienne de 2011

L’auteur de « L’immeuble Yacoubian » nous offre ici une fresque dramatique sur la révolution égyptienne de l’hiver 2011. Un immense mouvement social, qui a vu les jeunes se dresser devant le régime autoritaire d’Hosni Moubarak jusqu’à sa chute. Affronter la police, les voyous à la solde du régime. Puis l’armée toute puissante.

Dans « J’ai couru vers le Nil » de Alaa EL ASWANY, pas ou peu d’analyses politiques. La révolution est vue, vécue au travers les moments de vie d’individus. Des personnes qui se croisent Place Tahrir et ailleurs, tissant la trame d’un événement historique. Le moment où la population égyptienne a rompu avec sa légendaire docilité pour se dresser collectivement, contre le pouvoir autoritaire. Dans l’élan des manifestants tunisiens qui avaient chassé du pouvoir le président Ben Ali en janvier 2011.

"J'ai couru vers le Nil" de Alaa EL ASWANY (note de lecture)

 Des espoirs immenses

 Les espoirs étaient immenses dans les bouleversements vécus au cours des manifestations. De nouveaux rapports à la liberté et à la responsabilité individuelles et collectives. Des relations pacifiées entre hommes et femmes. Entre coptes et musulmans. Dans les relations avec le pouvoir et son arbitraire… Comme autant d’ouvertures lumineuses brisant l’étouffoir d’une société cadenassée par la répression politique et l’oppression religieuse.

Les jeunes manifestants instrumentalisés

Après avoir utilisé l’énergie des jeunes manifestants pour se débarrasser de Moubarak, l’armée reprend la main et retourne contre le mouvement une répression féroce. Une répression qui atteint les manifestants dans leur être. Eux qui avaient osé rêver d’une autre société. La répression s’exerce avec une violence inouïe. Tout particulièrement vis-à-vis des femmes dans leur intimité mise à nue et violée.

 Propagande et mensonge du pouvoir

Le roman nous montre la mise en marche parallèle d’une machine de propagande visant à dénoncer les manifestants comme des agents payés par les services américains et israéliens. La peur de la force brutale, le chaos sécuritaire généré par la libération des détenus de droits communs et la propagande se conjuguent. Ensemble, ils réussissent à retourner une part majeure de la population en faveur du régime. Celui-ci apparait comme le garant de l’ordre face à ces jeunes « qui veulent détruire l’Egypte avec l’argent des américains ». Un comble quand on sait que les autorités égyptiennes reçoivent de Washington 2 milliards de dollars par an depuis 1979. Le prix du changement des alliances de l’Egypte, passée du camp soviétique au camp américain.

 Les sociétés arabes n’ont pas réussi à desserrer le nœud qui les étouffe

 Un roman sombre sur le devenir des sociétés arabes. Des sociétés qui n’ont pas réussi en 2011 à desserrer le nœud qui les étouffe. Entre autoritarisme des gouvernants, soumission aux traditions et manipulations des religieux. L’émergence inéluctable de l’individu fera sauter ces verrous, au prix de nouvelles convulsions à venir.

Voir sur ce thème : « Les sociétés arabes nouées »  ==> ICI

 El Aswany reprend le flambeau des Naguib Mahfouz

Avec ce roman,El Aswany poursuit sa description de la société égyptienne. Il reprend ainsi le flambeau de Najib Mahfouz qui avait, lui aussi, décrit cette société cairote des années 40 et 50. El Aswany nous montre comment se fonctionne la machine à fabriquer des jeunes islamistes avec « L’immeuble Yacoubian » (2006). Il poursuit en nous décrivant les contradictions de la vie en diaspora avec « Chicago » (2007). Avec une plume trempée dans le vinaigre, il nous parle de la société égyptienne en de courtes nouvelles : « J’aurais voulu être égyptien » (2009). Puis il nous livre une évocation historique de l’Egypte d’avant la Seconde Guerre mondiale avec « Automobile Club d’Egypte » (2014).

La lecture de ces livres apporte mille fois plus que tant d’ouvrages savants qui projettent sur ce pays les clés des sciences sociales élaborées ailleurs, incapables de rendre compte des dynamiques à l’œuvre dans les sociétés du Sud.

 L’ouvrage ici présenté « J’ai couru vers le Nil » a été interdit de publication en Egypte. L’auteur a du quitter son pays pour vivre en sécurité.

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Pour en savoir plus sur l’auteur, voir  ==> ICI


© 2023 Jacques Ould Aoudia | Tous droits réservés

Conception | Réalisation : In blossom

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