« Existe-t-il un modèle Tunisien ? » (2006)

Jacques Ould Aoudia ( janvier 2006)

[Résumé du document qui compte 31 pages] 

                L’économie tunisienne connaît, depuis l’indépendance, des performances qui la distinguent incontestablement des autres pays arabes méditerranéens, mais aussi de nombreux autres pays en développement : croissance soutenue du niveau de vie par tête, ralentissement démographique, consolidation d’une classe moyenne, élévation du niveau d’éducation. Ces facteurs ont été adossés à une modernisation en profondeur de la société, notamment quant au statut des femmes.

C’est essentiellement par la mise en œuvre d’une stratégie de développement, pensée et conduite d’une façon autonome, que ces résultats ont été atteints : un Etat fort, combinant politiques publiques (investissements publics et effort d’éducation) et impulsions du marché (notamment promotion d’un secteur exportateur et accueil des investisseurs extérieurs). Les autorités ont su construire des supports dans la société (femmes, patronat exportateur, syndicalistes, classes moyennes) pour soutenir ces politiques. Elles ont en outre gardé, en continu, le souci de réduire pauvreté et inégalités. L’ensemble de ces caractéristiques se rapproche du modèle de développement hétérodoxe suivi par la Corée du Sud, avec des emprunts à celui de l’Île Maurice.

                 Mais les signes d’un épuisement du modèle se confirment : le développement manufacturier est resté cantonné dans des activités à faible valeur ajoutée (habillement), sans remontée de filière ni saut sectoriel, comme ont su le faire les Dragons d’Asie. Les réformes du secteur financier piétinent. Surtout, la gouvernance se dégrade, pesant depuis quelques années sur l’investissement domestique.

La pression chinoise dans le textile, principal secteur exportateur tunisien et le piétinement du Partenariat euro-méditerranéen ajoutent autant de défis nouveaux, qui fragiliseront encore ce modèle.

* * * *